Sur le motif

Depuis plusieurs années, le Fonds régional d’art contemporain Bretagne et la Ville de Pontivy organisent une exposition estivale. Cet été, au château des Rohan, sont présentés quatre artistes travaillant sur le motif. Par cette expression, il faut entendre aussi bien la définition consistant à reproduire la réalité que l’on a sous les yeux que celle faisant du motif un thème ou une image récurrente. Des quatre, Jean Degottex est celui qui répond le plus exactement à la formulation classique du peintre puisant dans le paysage le sujet de son œuvre. Durant l’été 1954, il parcourt la côte nord du Finistère et dessine chaque jour à l’encre de Chine les éléments qui l’entourent. De l’étendue du ciel et de la mer, de la ponctuation des rochers, il prélève des signes qu’il dispose sur la toile ou le papier, constituant ainsi l’essence du paysage maritime et de son œuvre. A son sujet, André Breton évoque l’ambiance, la vision en rapports direct avec l’écriture automatique. Autre artiste soutenue par l’écrivain surréaliste, Marcelle Loubchansky dont André Breton apprécie la peinture « participant à la fois de l’humidité de la flamme ». Comme Degottex, Marcelle Loubchansky s’inspire de la nature, ciel, mer, sable, pour créer un monde visionnaire et poétique. Sa peinture fluide rend compte de l’espace et de la lumière. Le rythme et la structure deviennent pour elle les motifs essentiels. Dans ses installations comme dans ses dessins, François Bouillon fait appel à des objets ou des signes « rituels » d’origine symbolique ou poétique. L’ensemble de ses dessins révèle les préoccupations formelles de l’artiste, la persistance de croix, spirales ou bâtons, en un corpus de l’analogie du monde. Des correspondances magiques s’offrent au regard comme pour nous inciter à déchiffrer un ordre universel. Le mouvement est certainement ce qui caractérise le travail de Shirley Jaffe. Sa peinture est une succession de gestes vifs et de brusques détentes. C’est une œuvre singulière, aux formes géométriques nettes confrontées à des courbes, des rondeurs. Ces motifs particuliers aux couleurs vives sont l’un des traits majeurs de l’artiste. Ils construisent un monde pictural (chez elle, dénué de toute symbolique) où le noir comme le blanc peuvent apparaître comme simples contours de formes. Pour ces artistes, le mobile ne fait aucun doute : construire inlassablement une œuvre dont la cohérence repose sur la reprise d’un motif qui s’impose à eux et devient leur seule intention.