Stephen Felton

Riverside
Exposition
Arts plastiques
Chez Valentin Paris 03

A la fois intuitive et programmatique, la pratique picturale de Stephen Felton semble au premier abord jouer avec l'archétype du geste « inspiré » du peintre : quelques lignes de peintures colorées tirées à main levée d'un seul trait, sur un fond blanc ou noir, dessinent les contours souples et schématiques d'une figure. Voici constituée la « méthode » Felton, protocole qui fournit une structure à l'intérieure de laquelle la spontanéité existe comme une forme d'apprentissage permanent, un savoir laisser faire, plus qu'un savoir faire passivement appliqué. Constitué avec une économie extrême de moyens, son lexique pictural, quasi-pictographique, s'établit
à la lisière entre le symbole, la signalétique, le dessin automatique, l'illustration enfantine, l'ornement abstrait.

Pour sa nouvelle exposition à la galerie Valentin, l'artiste étend au domaine de la sculpture les principes de ses peintures : des figures découpées, émancipées du plan du tableau, flottent dans l'espace, suspendues à des fils reliés à des piliers en bois, construisant ici un système de relation dépendant de l'architecture, et de l'espace réel.Si ces formes planes et candides, souvent immédiatement identifiables, évoquent les systèmes de langage ou des codes visuels, elles résistent toutefois à toute lecture stable, univoque. Elles opèrent une mise en abyme de la fonction « véhiculaire », conductrice de la peinture : ainsi, chez Felton, l'insistance sur le trajet de la main rentre en écho avec toute une gamme de signes évoquant le transport, le passage, la direction (bicyclettes, vaisseaux, flèches, voiles, échelles, routes, escaliers, portes). Cependant, la réduction que l'artiste opère n'aboutit pas à un trait essentiel, mais à une impression visuelle pouvant prendre plusieurs aspects (un cercle pourra par exemple être vu comme une tache de couleur, une lune, une roue, un signe de ponctuation, un motif décoratif etc.).Ces formes nettement approximatives sont des signes flottants, malléables. Exprimant un rapport, plus qu'une image, elles acquièrent leur sens par leur usage, leur contexte de réception, de monstration, ou les rapports de proximité entre eux.

Face aux pièces de Stephen Felton, nous sommes ainsi partagés entre deux types de réactions. La première détache la forme comme une unité de sens pour l'insérer ensuite dans un système narratif que le spectateur a la charge de reconstituer. Une piste justifiée par le fait que l'artiste produit ses pièces en s'inspirant le plus souvent d'expériences de lecture, parlant aussi de son oeuvre en termes de « storytelling » ; chaque tableau étant la traduction, la condensation en quelques aspects, d'une image textuelle qui serait ainsi offert comme un récit fragmentaire et elliptique dont le spectateur doit manipuler la syntaxe dans une sorte de « jeu de langage ». L'autre attitude, « matérialiste », consiste à percevoir dans la figure l'enregistrement d'une action, de sa temporalité et son échelle humaine. Présentée comme entièrement lisible et ouverte, le regard peut en s'en réapproprier la genèse.

En articulant la question de la signification (comment un geste se met à signifier, une forme à s'humaniser par le sens, et par quel code référentiel commun) et celle de la production (l'action en tant que force productive, indice de sa propre temporalité, facteur de singularité), les formes de Felton dialoguent avec l'histoire de la peinture, interrogeant à la fois le positionnement de l'auteur, la production des signes et leur réception. Se détachant de toute rapport virtuose et dramatisé à son médium, l'artiste se situe ainsi résolument à l'intérieur d'une génération de peintres qui a rompu avec le mythe de l'inspiration, sans toutefois se satisfaire de l'objectivité de la peinture minimaliste, trop raide pour enregistrer l'hétérogénéité des phénomènes du quotidien.Chez Felton, tout est communicable, clairement, simplement ; comme le langage, l'activité quotidienne qui détermine le travail de la peinture ne recèle aucun territoire mystérieux strictement « privé ». Cette accessibilité donne à ses oeuvres une limpidité, une évidence critique, loin de toute fascination. La peinture, conçue comme véhicule, propose au spectateur des trajets modestes mais concrets, l'impliquant dans une enquête empirique, bien plus que dans une quête d'absolu et de transcendance.

Texte de Clara Guislain.

Tarifs :

Gratuit

Horaires

Du mardi au samedi de 11h - 13h et 14h-19h.

Adresse

Chez Valentin 9 rue Saint Gilles 75003 Paris 03 France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022