Résultats 2022

Soutien à la photographie documentaire contemporaine

48 lauréats ont bénéficié en 2022 du soutien à la photographie documentaire contemporaine, à la suite de la commission dédiée qui s’est déroulée le 8 juin. 

Edward Alcock

Les paysages du Brexit // Brexit Landscapes  

Ce projet documentaire ambitionne d’examiner le rôle du territoire dans la construction de l’identité nationale anglaise et son incidence sur le Brexit.

J’ai passé une grande partie des quatre années entre le référendum de 2016 et le divorce d’avec l’Europe en 2020 à parcourir la Grande-Bretagne, à parler aux Britanniques et à réaliser leur portrait. Européen convaincu, j’ai été frappé de découvrir la résurgence de l’identité nationale dans mon pays d’origine. Dans le cadre de ces échanges, il est apparu que l’affirmation d’une identité nationale forte était le moteur principal du vote en faveur du Brexit. Les partisans du leave (partir) ont tendance à avoir une vision insulaire de la place de l’Angleterre et du Royaume-Uni dans l’Europe, alors que les partisans du remain (rester), en revanche, adhèrent à une vision cosmopolite du monde.

Après deux années de pandémie, je souhaite retourner dans mon pays natal pour entamer Brexit Landscapes, le deuxième volet de la série See EU later, avec l’objectif de photographier 25 sites. Je m’emploierai à montrer comment certains paysages, tels que les falaises blanches de Douvres, participent à la mémoire collective et la construction d’une identité nationale britannique tandis que d’autres sont devenus intrinsèques à l’histoire du Brexit, tel que le village où une député pro-européenne fut assassinée. Je photographierai également des lieux où les stigmates du Brexit commencent à se manifester.

Jean-Michel André

Chambre 207

Chambre 207 est un projet photographique qui s’inscrit dans la veine de l’autofiction et qui repose sur la reconstitution de souvenirs disparus, après l’amnésie liée au choc de l’assassinat de mon père en 1983. Je souhaite mener un travail de recherche et de création en composant un recueil autour de l’enfance, questionnant la mémoire, le deuil et la réparation.
Ce projet me mènera à Avignon, sur les lieux du drame, mais également en Corse, où nous devions nous rendre avec mon père lorsqu’il a été assassiné avec six autres personnes dans un hôtel. Je me rendrai aussi en Allemagne, à Sarrebruck, où mon père travaillait, et au Sénégal où j’ai passé ma toute petite enfance avec mes parents.

Mon travail sera composé de photographies d’archives et de photographies vernaculaires qui constituent les rares liens que j’entretiens avec mon passé. À la lisière du souvenir et de l’oubli, je placerai le réel sous le signe du trouble. J’introduirai en effet de l’imaginaire en composant de nouvelles photographies - principalement d’objets et de paysages - que je souhaite réaliser grâce au soutien du Cnap.

J’interrogerai aussi la transmission possible de cette mémoire reconstituée. Comment articuler mon histoire avec d’autres histoires singulières ? Il s’agit en effet pour moi de dépasser le cadre du seul récit autobiographique pour toucher à une forme d’universel grâce au pouvoir fantasmatique de la photographie mais aussi de l’écrit, car je souhaite collaborer avec un auteur ou une autrice pour ce travail.

Julie Balagué

La Quête : une enquête sur le silure dans la Loire 

Le silure glane est le plus grand poisson peuplant les rivières françaises. Il est à l’origine de nombreux mythes et suscite bon nombre de débats. Ce poisson n’est certes pas endémique de nos rivières, il aurait été introduit par des pêcheurs dans un but sportif. Petit à petit, il a colonisé les cours d’eau français. Malgré sa taille, il est inoffensif pour l’homme. Les dernières études ont montré qu’il n’avait que peu d’impact sur la faune française. Pourtant, les rumeurs vont sont tenaces.

L’expansion du Silure dans les cours d’eau français n’est pas anodine. Bien que n’ayant aucun lien avec un quelconque grand remplacement fluvial, sa présence inquiète. Pour trouver une explication à cette croissance, il faut plutôt se tourner vers l’adaptabilité de ce poisson, pouvant vivre dans des eaux peu oxygénées. Il semblerait donc que la disparition des truites tienne plus d’une pollution anthropique (rejets industriels ou urbains, épandages agricoles, abattages…) que de la prédation de cet animal.

Ce projet, composé de textes et de photographies, reposera sur le recueil de la parole des usagers de la Loire (pécheurs, agriculteurs, opérateurs en centrale nucléaire, forestiers, promeneurs). Le silure est un point d’entrée singulier pour recueillir ces paroles et élargir le débat vers des thématiques plus larges : l’écologie, le rapport à l’autre, le paysage… Partir d’un sujet précis pour l’étendre, au fil de mes rencontres, à des problématiques plus globales. 

Laura Ben Hayoun

Teach me how to sew/saw (Apprends moi à coudre/scier) 

Le travail Teach me how to sew/saw (Apprends-moi à coudre/ scier) interroge la transmission familiale riche de toutes ses hybridations. Entre l’Arménie et la France je crée une fresque qui va de femme en femme, fresque liée intimement à l’histoire textile.
Si le thème du retour est présent, il est abordé d’une manière décalée. Car de retour il n’y en a pas mais bien un lien ambigu avec une terre lointaine de laquelle une grande partie de la diaspora se sent éloignée.

Je tisserai pourtant des liens entre ces deux lieux à travers l’histoire de ma famille et l’histoire de mon propre chemin dans l’Arménie d’aujourd’hui. Les mutations des motifs des tapis accompagneront les mutations des identités. Le textile et les tapis sont des arts ancestraux ; ce sont aussi des travaux féminins. J’essaye ici d’en faire des territoires de prise de pouvoir et d'émancipation.

Lotfi Benyelles

Vie et formes du nouvel Alger (titre provisoire) 

Alger est associée aux constructions coloniales françaises ou au quartier de la Casbah hérité de la période ottomane. Pourtant, les constructions postérieures aux années 60 sont aujourd’hui bien plus nombreuses que ces héritages. La ville déborde de son bassin d’origine et absorbe les cités voisines : Bou Ismail, Mahelma, Boumerdès… Les nouveaux quartiers sont couverts de ferrailles, parpaings et briques nues ou bâclées d'enduit. Ils offrent aux regards inattentifs des terres creusées et des cours asséchés effaçant peu à peu l'antique plaine fertile et verte de la Mitidja. 

Mais des formes se dessinent dès que l’on se rapproche des rues et des intérieurs. Elles révèlent une appropriation et une transformation constante d’éléments décoratifs et architecturaux. Les citernes de récupération d’eau servent ainsi de motif coloré sur le mur de vigne d’une habitation de bidonville. À l’intérieur, le béton est recouvert par l'ornement végétal imprimé sur les carrelages. Le mobilier modulaire est fait du bois sculpté des anciens artisans et des reproductions orientalistes du XIXème siècle trouvent parfois leur place au mur parmi les portraits de famille.

Ces motifs du nouvel Alger confirment le propos d’Henri Focillon dans « La vie des formes ». Leur évolution obéit d’abord à un principe de métamorphose à partir des données de la vie. Mon travail consistera ainsi à étudier les formes architecturales et ornementales dans le contexte de transformation sociale que connaît la ville.

Jean-Luc Bertini

Albanie, l'oubliée des Balkans

À peine grande comme la Bretagne et aussi peuplée, l'Albanie est un État situé en Europe du Sud, dans l’ouest de la péninsule des Balkans. Adossée à l'Orient, elle a longtemps été la grande oubliée de l’Europe. Outre qu’elle souffre d’un relief montagneux, elle fut durant quelque 4 décennies sous le joug d’un régime soviétique qui l'a longtemps tenu isolé du monde jusqu’à la chute du régime communiste en 1991. Ce « pays des Aigles » a son histoire liée à une série d’invasions allant des Goths aux ottomans et des italiens aux russes. Une histoire tourmentée donc, qui a eu pour conséquence de lui forger une identité riche et complexe.

C’est cette identité complexe, féconde de plusieurs strates, que je compte documenter en poursuivant un travail amorcé en 2017. Outre le vif plaisir de sa découverte, ce bref voyage fut aussi l’occasion pour moi de faire tomber quelques clichés au nombre desquels il y avait celui d’un pays austère, frustre, isolé et à la réputation peu ou prou inhospitalière. Je découvre en effet un peuple bienveillant et un pays tranquille, tant sur le plan religieux - un Islam tolérant cohabite avec une chrétienté des premiers jours -, que sur un plan culturel - le pays possède forêts primaires, vestiges gréco-romain, édifices religieux byzantins et orthodoxes, sans compter un statuaire soviétique que l’on ne trouve pas même en Russie. Et surtout, un pays résolument tourné vers l’Union européenne des vingt-sept.

Matthieu Chazal

Chroniques de la mer Noire (titre provisoire) 

La guerre est déclarée, la mer Noire renoue avec sa longue histoire tourmentée.

Comment les habitants des pays riverains de la mer Noire, frontière naturelle avec la Russie, vivent-ils sous la menace d’un voisin belliqueux, imprévisible et violent ? La ville d’Odessa et le sud de l’Ukraine, jusqu’à lors épargnés des frappes massives de l’armée russe, se prépare à une attaque imminente. Sur les rives occidentales de la mer Noire, la Roumanie et la Bulgarie, anciens pays du bloc soviétique, redoutent les répercussions du conflit tandis que sur ses rives orientales, la Géorgie et l'Abkhazie sont des frères ennemis depuis l’indépendance totale de la région séparatiste abkhaze en 2008, obtenue grâce au soutien armé de la Russie.

Comment vivent les populations des rives est et ouest de la mer Noire qui se retrouvent coincés aux marges de grandes forces géostratégiques ? Comment s’y déroule la vie quotidienne, entre inquiétude, grands tourments et temps d’accalmie ?

Clara Chichin

Entre deux battements de paupières - les plis

Le déménagement de la région parisienne vers le plateau de Millevaches, sur la montagne limousine dans la Creuse, département « hyper rural » par excellence, marquera une nouvelle étape dans la réalisation du corpus en cours Entre deux battements de paupière – les plis.

Les nouvelles images que je produirai sur place entremêleront deux motifs qui m’intéressent particulièrement : l’enfance - dans son rapport au corps, à l’espace et sa relation au vivant -  et la nature, dont la présence est de plus en plus forte dans mon travail. Elle y sera envisagée comme matière à rêver, l’enfance comme un temps de rapport intense, libre à celle-ci et au corps - l’enfant comme un explorateur. 

A l’aune des préoccupations environnementales contemporaines, je questionnerai ce temps de l’enfance considéré parfois comme Arcadie - paradis perdu, temps révolu - dans sa relation originelle au monde (vivant). Envisager des voies de passage à une sensibilité dont l’adulte pourrait sembler éloigné, face au constat de notre éloignement de plus en plus grand à la nature et l’appauvrissement de notre sensibilité à son égard. Mon travail sera une invitation au ré-enchantement, une réconciliation, et donnera à sentir des atmosphères, des sensations, des impressions. 

Laurent Cipriani

Espace, Temps

Certains se représentent le temps comme une ligne droite. D’autres comme une pelote de laine dans laquelle on pourrait se réfugier dans les pires moments de son existence. Peut-être n’est-ce même qu’une illusion due à un mot défaillant. 

Par ce travail photographique, je souhaite questionner le rapport au temps des gens qui vivent dans les territoires où le temps long, géologique, est matérialisé par les éléments. Dans ces lieux particuliers, le temps n’est pas que ce salaud qui nous fait courir, vieillir, perdre ceux qu’on aime et mourir. Il est aussi cette force qui peut déplacer les mers et les montagnes. J’ai justement choisi de documenter la vallée de la Romanche pour cette raison : ici, une montagne va véritablement tomber. Cela se passera ce soir. A moins que ce ne soit demain, ou dans un siècle. 

L’objet de ce travail n’est pas vraiment d’expliciter ce qu’indiquent les horloges lorsque nous disons qu’elles donnent l’heure, mais de faire une expérience poétique. Pour cela je vais photographier et entremêler les gens qui vivent dans cette vallée menacée par un gigantesque glissement de terrain ; la montagne suspendue, inquiétante, indifférente, évoluant dans un temps plus long ; et le ciel, les étoiles, qui ne nous sont accessibles que par le calcul et la rêverie. Trois notions du temps imbriquées comme des poupées russes. Trois représentations mentales. 

Alexis Cordesse

L'âge d'homme

L'acte du portrait est une mise en scène de l'identité. Depuis plusieurs mois, je réalise des portraits photographiques d'adolescents et de jeunes adultes qui questionnent, par leurs présences au monde, les normes du masculin. Ce projet sur les masculinités fait écho à un phénomène générationnel tant la question du genre semble travailler les Millenials. Différents signaux attestent d'un changement d'époque, et des figures comme comme Eddy de Pretto, Bilal Hassani ou l'humoriste Paul Mirabel rappellent que la remise en question des normes du masculin émerge aussi dans la culture populaire. 

Penser les masculinités du point de vue du genre, c'est questionner leurs constructions sociales et culturelles. Les réinventer, c'est déconstruire les stéréotypes sexués, remettre en question des mécanismes d'assignation et de domination, à rebours de l'idée d'une nature et d'un éternel masculin. Ainsi, à mesure que les modèles de la féminité se démultiplient, les canons de la virilité, à leur tour, se complexifient, l'entre-deux s'expérimente. Des nouvelles manières d'être homme s'inventent loin de la norme et du modèle viriliste. Ce changement ne va pas sans produire en retour postures machistes et discours alarmistes sur le thème d'une crise du masculin. Ce projet tentera de rendre compte des multiples manières d'incarner les masculinités chez les jeunes en croisant cette thématique avec celle des territoires. 

Ezio D'Agostino

The Worst Case Scenario 

The Worst Case Scenario se propose de rendre visible l’impact concret du phénomène global du dérèglement climatique sur un territoire donné – celui du Grand-Est, considéré comme le plus à risque sur le territoire français – à travers la construction d’une géographie diachronique à l’ère de l’Anthropocène (à partir de la révolution industrielle jusqu’au capitalisme tardif). L’ancrage concret et territorial de cette problématique s’appuiera sur la reconstruction des mutations géologiques et anthropiques qui s’y sont succédées, mais aussi à travers la documentation des transformations environnementales en cours et la mise en image des prévisions scientifiques pour ce territoire dans un futur proche. Des éléments a priori éloignés les uns des autres – géographiquement et temporellement – trouveront ainsi dans ce projet un terrain commun qui donnera au spectateur un possible aperçu visuel de la complexité naturelle et anthropique de la région et de ses transformations territoriales actuelles et futures. 

Isabeau De Rouffignac

Les fruits amers de la partition

La partition de l’Inde en août 1947, les trois guerres indo-pakistanaises et la création du Bangladesh en 1971, ont provoqué l’une des plus grandes convulsions de l’Histoire. Pendant plusieurs décennies, parce que deux religions ne parvenaient pas à s’entendre, plus de vingt millions de personnes ont été déplacées, plus de quatre millions sont mortes, des familles séparées, des foyers détruits, des propriétés perdues.

Aujourd’hui, les tensions interreligieuses perdurent. L’Inde, la plus grande démocratie du monde, est en train de devenir une démocratie ethnique, hindouiste, gouvernée par le national populisme. Le Pakistan est quant à lui une république islamiste. Tous les deux malmènent leurs minorités. En Inde, le Citizenship Amendment Bill, loi controversée adoptée en 2019 qui prévoit la régularisation de tous les réfugiés sous certaines conditions sauf les musulmans, aggrave la situation.

Mon travail photographique se découpera en deux grandes parties. La première sera consacrée à rencontrer les survivants de la partition, avant qu’il ne soit trop tard, des deux côtés de la frontière, rechercher les traces, les lieux, regarder et photographier les archives familiales. La seconde partie sera consacrée à ce qui se passe aujourd’hui, un état des lieux des conséquences encore visibles de cette partition, et se voudra aussi un plaidoyer en faveur de ceux qui vivent au quotidien ses conséquences injustes presque soixante-quinze ans après son application.

Claire Delfino

Êtres à la dérive 

Une goutte d’eau est un monde infinitésimal, totalement inconnu. J’ai pu observer au microscope qu’une vie minuscule foisonne dans à peine 1cl d’eau. Des milliers d’êtres vivent, se reproduisent, se nourrissent, et meurent à une une échelle qui nous est étrangère. À cette échelle une heure peut représenter une vie.

Je propose ainsi de représenter les micro-organismes d’une goutte d’eau de la baie de Villefranche en Méditerranée, pour découvrir et révéler le peuple invisible, dont le raffinement et la complexité m’inspirent. Méconnus du grand public, nous ne soupçonnons pas que l’on respire une fois sur deux grâce au phytoplancton.

À travers ce travail pluridisciplinaire, j’expérimente le photogramme en ayant recours à l’anthotype, j’interroge les origines de la photographie avec le cyanotype, et je m’approprie la microscopie scientifique. Je fusionne les techniques anciennes et modernes pour renouveler une approche documentaire du vivant. 

Rebekka Deubner

Les saisons thermiques 

Depuis plus d’un an s’incarnent dans « les saisons thermiques » les explorations que je mène autour de la contraception dite masculine. Il s’agit d’un projet à la croisée de l’intime et du politique, désignant le corps comme espace d’expression politique et d’action militante individuelle et collective.
Je rencontre, suis et documente des acteur.ice.s et des utilisateurs de la contraception masculine «testiculaire» s’appropriant concrètement des questions de société et de santé à leur échelle.
Ce mouvement, latent depuis les années 1980 en France et mettant en exergue la santé et l’intimité, a permis l’émergence de remises en question liées au féminisme, aux relations amoureuses, aux maculinités et à la parentalité.

Le territoire national couvert dépendra des rencontres, qui m’ont déjà menée en Bretagne, dans le Gers, en Alsace et en Île-de-France et j’approche le sujet principalement par le biais du portrait, du corps et la sphère de l’intime et du quotidien.

Agnès Dherbeys

Corée du Sud, le sursaut féministe

Corée du Sud, le sursaut féministe est une étude photographique qui enquêtera sur l’essor tout à fait inédit de la dynamique féministe dans ce pays d’Asie. Il s’agira également d’une réflexion sur le statut de la femme Coréenne au sein d’une société particulièrement conservatrice.

Qui sont les féministes de Corée du Sud ? A quoi ressemble leur combat au quotidien ? Comment leur entourage et leur famille acceptent-ils leur engagement ? Plus généralement, que signifie être une femme en Corée du Sud en 2022/2023? Je suis née dans ce pays où le patriarcat, la misogynie et la pauvreté ont poussé des femmes Coréennes à abandonner près de 200 000 enfants dans les années 60, 70 et 80. Aujourd’hui, dans le sillage du mouvement #Metoo, la Corée du Sud féministe se réveille.

Il s'agira ainsi de traverser ces mondes féminins en suivant le quotidien et les actions de femmes courageuses et avant-gardistes. A travers le prisme de l’émancipation des Coréennes, je construirai une série photographique qui documentera les questions de libération, de résistance et de patriarcat. 

Nicolas Floc'h

Fleuves - Océan - Rhône

Fleuves-Océan - Rhône propose d’explorer photographiquement le bassin versant du Rhône et ses flux à partir de la couleur de l’eau. Chaque territoire hydrographique dont le point de départ se situe à l’endroit de la ligne de partage des eaux, équivalent territorial de la source du fleuve, draine l’eau dans le sens de la pente vers son niveau zéro.

Le grand cycle de l’eau implique une évaporation constante à la surface des mers et des continents. Cette eau atmosphérique vient irriguer les terres, nourrir les glaces. En s’écoulant, elle se charge en sels minéraux, en sédiments, en matières organiques, s’infiltre dans la couche terrestre, vient fertiliser les eaux des rivières et des océans. Ces flux, traversant les territoires, apportent la vie et se chargent aussi de la vie des hommes impactant toujours davantage les milieux. Des bassins versants aux rivières, des fleuves aux mers et océans, ces écoulements nous racontent des histoires.

Le Rhône naît de la glace, il vient des Alpes et sa source glacière, bibliothèque du climat nous transporte vers d’autres temps. Les territoires traversés par cette eau bouillonnante des torrents, turquoise des lacs suisses, verticale des Alpes, du jura, d’Ardèche, boueuses des plaines affichent des nuances
« nourricières » jusqu’au bleu méditerranéen. Fleuves-Océan tend à compléter la lecture que nous avons de l’océan, mais à partir de ses interactions avec la terre, l’atmosphère, et les glaces. 

Vincent Ferrané

Un Corps IRL 

Ce projet photographique portera sur des personnes qui, sur les réseaux socio-numériques, mettent en scène leur corps, envisagé comme un objet politique, de revendication, d’affirmation d’une identité, d’un idéal, d’une individualité ou d’une vitalité.
La série photographique, réalisée en France, s’attachera à faire des portraits de ces personnes, qui permettent à la fois de représenter leur corps et également de documenter le discours portant sur ce corps.

L’idée est d’interroger comment un corps individuel cherche à interpeller le corps social grâce à la production de son image et à sa diffusion à un public, à une communauté ; comment un corps « In Real Life », pour reprendre un expression propre aux moyens informatisés qui marque la séparation entre le réel et le virtuel, se mute en un corps subjectivé, un corps utopique, investi d’un sens, présent sur les réseaux socio-numérique que sont Instagram, Facebook, TikTok, Youtube et autres. 

Régis Feugère

Comme Vénus dans le ciel noir

Mon projet est une exploration contemporaine de ce qu'est ou de ce que sont les Siciles à l'heure actuelle.
Il semble que le présent de la Sicile ait été trop longtemps éludé par l'écrasante iconographie de son passé ou du passé qu'on veut bien lui attribuer. Je vais ainsi réaliser une immersion relativement longue, de l'ordre de plusieurs semaines, pour dépasser l'état merveilleux de la découverte d'un nouvel environnement et creuser avec des images un travail original sur la nature contemporaine du territoire.

Une nature polymorphe qui ne peut être réduite à un seul vouvoiement, c'est un tutoiement avec cette île, sa population et ses paysages que je voudrais établir. Ce tutoiement se réalisera par l'introspection et l'immersion solitaire dans les étendues de la Sicile.
Il s'agira pour moi de trouver un équilibre entre la fascination vénéneuse que peut exercer un tel pays sur un photographe et la réalité contemporaine d'un territoire vécu par ses habitants au quotidien.

Alexandra Fleurantin

Amers

Sur une bande littorale de 40km entre la ville du Havre et Fécamp se succèdent des sites en mutation (décharge monumentale de Dollemard, port pétrolier d’Antifer, falaises iconiques et sur-fréquentées d’Etretat, chantier éolien offshore, bassins désormais vides du port hauturier déserté de Fécamp) qui tels les stations d’un chemin de croix environnemental portent toutes nos contradictions contemporaines face aux enjeux du vivant et disent notre lien à la mer; entre désirs, besoins et prédation.

Je souhaite observer sur cette courte bande littorale, en cette année de mutations révélatrices, les signes visibles dans le paysage d’une conscience nouvelle de la finitude de nos ressources et de la nécessaire protection du littoral, ainsi que ceux encore présents d’un rapport prédateur et destructeur à la mer.

À cela viennent se juxtaposer les formes visibles d’un rapport récréatif et jouisseur au littoral qui s’est vu décuplé depuis le premier confinement, générant ainsi des mouvements de grande ampleur vers un espace limité et vulnérable. Enfin je souhaite en parallèle donner à voir la persistance mélancolique d’un rapport ancien des hommes à la mer, un rapport nourricier et autoritaire, quasi mystique que les municipalités et communautés d’anciens pêcheurs terre-neuvas entretiennent dans un folklore anachronique qui dit la nostalgie d’un lien perdu. 

Catherine Gfeller

Firelands

La forêt représente un des lieux où le réchauffement climatique est le plus destructeur. Ces dernières années, des incendies d’une ampleur jamais vue auparavant sévissent sur toute la planète : les mégafeux. Ces visions cauchemardesques nous rappellent que l’ère du pyrocène (l’ère du feu) est arrivée. En 2021, alertée par ces catastrophes, je suis allée explorer les terres incendiées du sud de la France pour faire des repérages: j’ai documenté les maisons détruites, les arbres calcinés, les carcasses d’animaux. Je souhaite désormais retourner sur les lieux (Massif des Maures, Var et Massif de la Clape, Aude) pour photographier l’état de la forêt après les incendies. L’écosystème de la forêt met plusieurs années à se régénérer.

Mené à la manière d’une enquête, ce travail photographique se concentre autour des forêts méditerranéennes du Sud France en privilégiant une approche transdisciplinaire. Je ferai dialoguer les photographies des paysages dévastés avec des témoignages recueillis sur place auprès des victimes d’incendies. Ces paroles apposeront une dimension humaine à ces paysages désolés. Mené en collaboration avec des chercheurs, ce projet interdisciplinaire mêlera photographie, témoignages, apports scientifiques, afin de proposer une vision documentaire et sensible des mégafeux. Firelands contribuera, je l’espère, à la prise de conscience de la gravité de la crise écologique et de ses ravages, tant environnementaux, humains que sociaux. 

Ivan Guilbert

Les derniers enfants des Lebensborn (titre provisoire)

Ils sont nés entre 1936 et 1945. Ils sont les « enfants de la
honte », produits d’une idéologie de l’horreur. Ce sont les enfants des « Lebensborn ». Ces enfants aryens élevés afin de constituer à l’élite de l'empire nazi, une « Herrenrasse »,
« race des seigneurs », destinée à régner sur le monde dans un Reich qui, pensaient-ils, devait durer 1000 ans.  Sans récit sur leurs origines et sans statut, les quelque 22 000 enfants nés dans ces centres sont tombés dans l’oubli. Ce sont des fantômes de l’histoire. Ils sont devenus adultes, ont fondé des familles, ont souvent recherché leurs racines pour comprendre qui ils étaient. 

Le projet documentaire Les derniers enfants des Lebensborn a pour ambition d’interroger la question de l’origine et de la construction de ces personnes nées sous et pour le régime nazi.  Je veux mettre en lumière ces hommes et ces femmes qui ont aujourd’hui entre 79 et 86 ans, témoigner de leur parcours et de leur construction, revenir sur les lieux qui ont marqués leurs premiers pas.

Ronan Guillou

Middle of nowhere / Milieu de nulle part 

En 2018 un journaliste du Washington Post détourne un algorithme médical pour identifier la ville de plus de 1000 habitants la plus isolée des Etats-Unis (hors Alaska). L’objectif de cette enquête : identifier le Middle of nowhere de l’Amérique. Le traitement des données désigne la ville de Glasgow, État du Montana, comme Milieu de nulle part de l’Union. Starifiée par les honneurs du Post, Glasgow accède à une notoriété qu’elle n’attendait pas. Désignation d’un lieu banal, la formule Middle of nowhere devient paradoxalement un titre de gloire.

Bâtissant le quelque part à partir d’un non-sens géographique, le quelque chose à partir du rien, l’article du Post m’interroge sur le nouveau récit mythologique de l’Amérique, où l’idée de célébrité prévaudrait sur celles de mérite et de grandeur. Je vais réaliser mon projet de séjour d’un mois à Glasgow, Middle of nowhere virtuel des États-Unis. Là, je me mesurerai au milieu de nulle part, notion protéiforme et personnelle. Je chercherai comment un point calculé, fruit d’un algorithme détourné, influencera mes perceptions et résonnera avec ma pratique photographique. J’y aborderai également les effets de la soudaine célébrité de Glasgow. 

Laurent Hazgui

CharbonSlavie (titre provisoire) 

A l’époque de la Yougoslavie, l’exploitation du charbon faisait la fierté des populations de cet État fédéral qui exportait le minerai dans toute l’Europe. 30 ans après de terribles conflits ethniques et les indépendances, les gouvernants s’accrochent à la ressource énergétique et les Balkans suffoquent. La charbon tue. En première ligne comme source de pollution, l’exploitation en sous-sol du lignite, le charbon le plus polluant, est responsable de 19.000 décès par an dans les Balkans et dans l’UE. Il coûte des milliards d’euros en dépense de santé par an.

Ce projet documentaire vise à rencontrer les acteurs du charbon (mineurs, riverains, malades, activistes…) dans plusieurs États (Bosnie-Herzégovine, Serbie, Kosovo et Macédoine du nord) pour raconter cette menace qui, paradoxe, uni à nouveau l’ex-Yougoslavie sur le fil d’un nouveau territoire imaginaire : le CharbonSlavie. Il s’agira également de documenter les paysages et les territoires marqués par la main de l’exploitation de l’homme et la pollution pour créer un aller-retour photographique entre l’humain et son environnement. 

Pierre Hybre

Les Montagnes de la Colère 

Territoire rebelle et montagneux, coincé sous la frontière franco-espagnole, l’Ariège est une poche de résistance, une marge qui se revendique comme telle, et vit à son propre rythme, loin du pouvoir et de ses injonctions. Il y a huit ans, j’y ai mené un travail photographique sur la précarité en milieu rural, réalisant des portraits et des interviews des habitants de la vallée de Saint-Girons : néo-ruraux, enfants du pays, jeunes cherchant à fuir le bruit du monde et son appel à « trouver du boulot », « gagner de l’argent ». J’avais intitulé ce reportage : « La Vie Sauvage ».

Depuis, la colère s’est amplifiée. Contre la 5G, l’interdiction de faire l’école à la maison, le port du masque, la vaccination, le pass sanitaire. On vit entre Foix et Saint-Girons en opposition à la politique centrale, vécue comme autoritaire, et on s’organise pour « vivre heureux autrement ».
Deux années de crise sanitaire sont venues mettre en péril un équilibre déjà fragile pour un grand nombre d’Ariégeois. L’inflation n’a cessée de s’accélérer. J’aimerai photographier cette colère, et voir comment s’organise leur « monde
d’après », comment les Ariégeois font face entre résistance et résilience. 

Ilanit Illouz

Dérives (titre de recherche)

Dérives évoque notre rapport à la Méditerranée (« au milieu des terres »), aux îles, aux cartes, aux villes, aux vents, aux vagues, aux langages et aux peuples. La Méditerranée est plus que jamais marquée par les migrations, l’exil et le déplacement.
Cette étude photographique dressera un inventaire poétique et sensible des paysages arpentés en tentant de prendre la mesure de ces territoires, de ses reliefs, de ses sols, de sa matière, de ses mouvements et d’opérer une immersion dans ces paysages indomptés.
Le récit d’un paysage comme témoin d’une histoire collective. 

Patrick Cockpit

L’homme nouveau, un labyrinthe espagnol

Entre 1945 et 1970, le gouvernement espagnol construit plus de trois cents villages pour y développer l’agriculture, désenclaver les provinces et accroître la prospérité générale. Voulue par Francisco Franco, cette nouvelle étape du développement espagnol est aussi le moyen de promouvoir
« l’homme nouveau », travailleur, dévoué à son pays, logé dans des constructions modernes spécialement conçues par des architectes utilitaristes. La plupart de ces villages connaissent des fortunes diverses. Dès la fin des années soixante-dix, le retour progressif à la démocratie entraîne des changements majeurs en Espagne, mais ces villages évoluent peu. Certains changent de nom pour se débarrasser d’un passé encombrant, d’autres encore disparaissent, abandonnés par leurs habitants.

Aujourd’hui, alors que le gouvernement espagnol cherche à s’affranchir du passé franquiste en effaçant ses références les plus visibles (le mausolée grandiose de Franco, par exemple, à quelques kilomètres de Madrid), ces villages ont valeur de symbole. À l’image des villages vacances hitlériens, des cités fascistes italiennes ou des centres-ville unitaires soviétiques, ils incarnent l’idéal urbain totalitaire, en portent encore quelques stigmates, certains évidents, d’autres invisibles. Si les traces architecturales sont faciles à repérer, les traces du franquisme sont plus subtiles, paradoxalement plus tenaces dans leur invisibilité. C’est à cette invisibilité que se consacre ce projet photographique. 

Anne Immelé

Melita, refuge 

A partir de l’île de Malte, je souhaite documenter de manière sensible quelques voies migratoires contemporaines en les croisant avec les parcours des phéniciens dans l’antiquité. Ce projet associe différentes séries photographiques à partir des notions de refuge et d’hospitalité.
L’histoire des phéniciens (1200 à 300 avant J.C.), ces conquérants commerciaux établissant des comptoirs dans différentes villes méditerranéennes permet de retracer des parcours dans l’espace méditerranéen. En superposant ces routes de conquêtes commerciales avec celles des migrants aujourd’hui, l’on remarque beaucoup de croisements.

Ainsi il m’est apparu intéressant de questionner la notion de refuge dans l’ancien territoire punique, et de le croiser avec certaines voies de déplacements des migrants aujourd’hui. Si les conditions économiques restent la raison d’être de la traversée en mer, qu’en est-il de la notion de refuge et des conditions d’accueil des réfugiés ? Une partie de la réponse est malheureusement connue, et comme l’a résumé Achille Mbembe « personne ne veut » des migrants venues de l’Afrique Subsaharienne. Le déplacement des migrants ouvre des enjeux géo-politiques nord/Sud très vastes que mon projet photographique n’abordera pas directement, par contre mon projet permettra d’aborder des pans de cette histoire contemporaine par les récits des personnes que je rencontrerais, les migrants mais aussi des habitants ou « paysans ». 

Olivier Jobard

Souvenirs d’une vie envolée, ma famille afghane

La Roche sur Yon, deux soeurs et deux frères afghans. Aujourd’hui, ils apprennent le français, étudient et rêvent à cette nouvelle vie que leur statut de réfugié politique rend possible. Hier, Sima, Aziza, Merhab et Sorhab ont dû faire le choix de tout quitter en une journée. C’était à l’été 2021, le voyage depuis Hérat puis les évacuations à l’aéroport de Kaboul avant la fin de l’ultimatum posé par les Taliban. Derrière eux, une vie envolée. Un village de montagne, une école, des amis et surtout, leur mère qui n’a pu s’enfuir avec eux. Cette existence disparue, ce qu’on laisse derrière soit, le prix à payer pour leur liberté, est l’objet du travail documentaire que je souhaite accomplir.

Je veux m’attacher à mettre en images le sentiment de perte, de déracinement qui accompagne leur parcours de réfugiés, pourtant très privilégiés au regard des milliers de migrants aux chemins plus heurtés. En retournant voir leur mère Massouma en Afghanistan, je veux saisir les images de ce qu’il leur manque, un cousin, un ami, un chemin entre la fac et la maison, la glace à la cardamome de Hérat, un paysage… Cet album souvenir qu’il ne peuvent constituer sera mis en parallèle des objets, des rues et des visages qui peuplent leur nouveau quotidien français. Par l’effet de miroir et la mise en perspective de ces images, je voudrais, à ma façon, tenter de réparer un peu de la douleur qu’inflige aux exilés la perte de la patrie et des êtres chers, à jamais derrière soi. 

Karina Juárez Tinoco

Lieu 

Lieu est un projet documentaire photographique en cours sur les féminicides au Mexique, où, selon les chiffres officiels, dix femmes sont assassinées chaque jour. C'est l'un des pays où le plus grand nombre de femmes disparaissent et sont tuées pour des raisons de genre.  En 2018, une femme de ma famille a survécu à une tentative de féminicide, après cela, j'ai commencé à la photographier ainsi que d'autres survivants. Au fur et à mesure que cette recherche progressait, j'ai pris conscience de la vulnérabilité des femmes au Mexique.  Aujourd'hui, je suis un auto-exilé en France, mais la peur dans mon corps et dans ma mémoire continue de me hanter.

C'est pour cette raison que je veux explorer les relations qui sont construites entre le corps et le territoire dans lequel les féminicides ont lieu. Un autre aspect que je souhaite aborder visuellement est celui des familles des victimes, en essayant de rendre visible la douleur qui est cachée dans les corps, en donnant une voix à ce qui est réduit au silence, en les traitant comme une analogie également du territoire qui est fracturé dans un sens physique et psychologique. Ces images fonctionneront comme un document de ce qui s'est passé, comme une mémoire historique et collective qui parlera d'une réalité difficile à connaître, mais douloureusement latente. 

Myriem Karim

L'Empreinte des millénaires

Ce projet est le second chapitre d'un travail sur la relation entre connaissance topographique d’un territoire et perception visuelle de l’espace qu'offre la photographie. C'est une itinérance pyrénéenne du Cirque de Gavarnie au mont Perdu – en Espagne – sur les traces de Ramond de Carbonnières, Arthur Bresson et Franz Schrader: premiers explorateurs français à documenter scientifiquement ce territoire par la cartographie, la topographie, la géographie, la géologie.

En poursuivant cette quête orographique et géopoétique sur les pentes et dans les plis de la Terre ; dans l’Histoire de ces monts et de celles et ceux qui les ont arpentés ; se pose la question de l’appréhension du territoire par ses substrats, d’une part ; et celle de la redéfinition des frontières selon le temps géologique, d’autre part.

Ce travail photographique et littéraire sera autant un paysage qu’un portrait où interagissent personnes présentes sur le territoire, personnages – les trois explorateurs – et personnification de la montagne. Ainsi, se tissera un récit documentaire et fictionnel mêlant photographie et sciences, en collaboration avec le CNRS Occitanie Ouest. 

Zentaro Lefort

Like a bird on the wall 

En 1969, éclate en Irlande une véritable guerre civile et de religion, les “Troubles”. Pour tenter de contenir le drame, les autorités se lancent dans la construction de murs en béton armé ayant pour fonction de séparer les quartiers protestants des quartiers catholiques. Une centaine de ces enceintes verra le jour suivant un tracé ironiquement appelé “Peace Line”. Cinquante-trois ans plus tard, ces architectures défensives sont toujours actives.

Chaque soir, à la nuit tombée, les dizaines de portes d'accès se referment laissant les habitants de la ville physiquement et matériellement divisés jusqu’au petit matin. Mon projet est de suivre le tracé de cette “Peace Line” à travers Belfast pour photographier les populations des deux côtés du mur. Je souhaite accompagner ces portraits de paysages d’infrastructures sécuritaires réalisés de nuit. Ces deux formats combinés devraient me permettre de révéler l’absurdité de cette situation unique en Europe et qu’on pourrait croire sortie d’un livre de science-fiction. 

Yveline Loiseur

Une ville de clarté, de travail et de gaité 

Ville à la campagne, Clairvivre est une cité sanitaire construite dans les années trente qui abrite aujourd’hui différentes structures d’aide, de formation et de vie en direction des personnes handicapées, un Établissement et Service d’Aide par le Travail, un Foyer d’Hébergement, un Centre de Rééducation Professionnelle, un Service d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés. Elle accueille 450 personnes en situation de handicap ainsi que 330 professionnels.

Je souhaite représenter cette communauté de vie et de travail, personnes handicapées et personnel encadrant (enseignants, formateurs, animateurs, cuisiniers, restaurateurs, jardiniers…) au travers de portraits concertés mis en scène qui privilégient des pratiques collaboratives. J’accorderai une attention au geste professionnel, au rapport entre l’individuel et le collectif, à la question du groupe.

La question de la relation avec la nature et la fabrication d’images qui rendent compte de la vie sensible avec les plantes, les arbres, la terre, l’herbe et les grands ciels complètera un travail que je souhaite complexe et constitué de points de vue complémentaires. Chaque image s’inscrira dans ma volonté d’interroger ce qu’il reste d’un projet initié il y a 100 ans. Comment vit-on à l’intérieur de ces architectures ? Quels nouveaux récits peut-on y développer? Comment approche-t-on la vie en communauté dans un lieu travaillé par l’histoire et la mémoire ? 

Julien Lombardi

L'espace, nouvelle frontière du visible

L’espace, nouvelle frontière du visible est un projet d’arts visuels qui s’intéresse à l’arrivée, aussi massive  que rapide, des constellations artificielles dans l’espace : Starlink, Kuiper, OneWeb, Planet ...
Unilatéralement, et sans plus de débats, les États-Unis ont mis un terme au droit international de l’espace en promulguant le « Space Act » en 2015. Ce texte de loi stipule que les « citoyens américains peuvent entreprendre l’exploration et l’exploitation commerciale des ressources spatiales ». Le mythe  de la conquête de l’Ouest est une nouvelle fois réactivé et,  désormais, l’espace n’est plus « chose commune » mais il est « chose sans maître ».

Cette nouvelle révolution industrielle, portée par la privatisation de la conquête spatiale, est une réalité pour le Mexique qui se traduit par une prédation de plus en plus forte sur ses matières premières. Ce projet prolonge mes investigations artistiques sur l’extraction dans ce pays - des ressources comme des images - et de ces dispositifs techniques.
Ma démarche propose de déconstruire l’imaginaire spatial en révélant sa part terrestre, ses impacts écologiques et son aspect colonial depuis les spécificités du contexte mexicain. Pour y parvenir, je veux étudier et spéculer les relations entre l’observation astronomique, l’imagerie satellitaire et la prolifération des résidus électroniques. 

Cyril Marcilhacy

Le cirque familial, derniers tours de piste ? 

Après un an et demi de mise à l’arrêt forcé avec la crise sanitaire, les cirques ont péniblement repris leurs activités l’été dernier. Après avoir été privés de tournées et d'entraînement, certaines productions peinent à trouver des débouchés. Par ailleurs, leur impact environnemental est au cœur de l’actualité. La proposition de loi contre la maltraitance animale vient d'être adoptée, entraînant notamment la fin progressive des animaux sauvages dans les cirques.

Le cirque traditionnel ou familial, tel qu'il existe dans l'imaginaire collectif, subit les exigences de son époque, et se doit de muter pour ne pas disparaitre. Dans la continuité de mes travaux sur la vie en communauté, ce projet documentaire réalisera un travail de mémoire sur le mode de vie itinérant des familles du cirque traditionnel, en posant en creux les questions de la solitude du nomade, de la transmission intergénérationnelle, et de l'adaptation de la tradition à son époque. 

Catalina Martin-Chico

Valparaiso, cual es tu pronombre? 

Quel pronom utilises-tu ? Voilà la première question que se posent les jeunes chiliens de Valparaiso lorsqu’ils se rencontrent.

La majorité d’entre eux se définit comme non-binaire. Ne se sentent ni femme ni homme, « J’oscille entre deux genres », voilà ce que l’on entend fréquemment. La jeunesse de Valparaiso ne ressemble à aucune autre. Pourquoi ce phénomène est spécifique de « Valpo » ? Des hypothèses commencent à émerger. Le port et l’ouverture sur le Pacifique, l’ombre d’Augusto Pinochet qui continue de planer sur la démocratie de ce pays, la force particulière de cette ville, détruite à maintes reprises par des tremblements de terre, tsunamis et incendies, ville qui a bouillonné de tous ses sens lors des soulèvements populaires de 2019-2020.

Cette jeunesse, avide de changements politiques est aussi en pleine quête identitaire. Cette tendance à penser différemment son identité de genre, à revendiquer de sortir des cases du masculin et du féminin n’est pas l’apanage de cette ville côtière du Chili. Une frange de notre jeunesse mondiale s’est lancée dans une quête existentielle, une quête de cette identité sexuelle qu’elle veut choisir. Bien décidée à ne pas se laisser assigner une étiquette. Et elle trouve refuge dans cette
« bulle » qu’est Valparaiso. 

Etienne Maury

Dans l'interstice des clôtures 

Dans l’interstice des clôtures est une recherche documentaire sur le loup et les questions de cohabitation entre l'humain et les autres vivants que sa présence soulève. Dans une époque caractérisée par notre difficulté à considérer les êtres qui nous entourent, ce voisin turbulent agit comme un révélateur. Le penser comme force en présence — invisible et potentielle — plutôt qu’en terme d’individus est l’opportunité de comprendre les conséquences globales de son retour dans les Alpes.

Au contact de celles et ceux dont le quotidien est impacté par le prédateur, aux frontières des habitats, et jusque dans les imaginaires, ce projet s’attache aux remous que l’animal provoque. Il piste les existences mêlées, les voisinages hasardeux, les cohabitations impossibles. Car c’est à travers les interstices et non au grand jour que l’on peut voir le loup. 

Daniel Mebarek

Utopie Andine 

 

Ce projet a pour objectif de façonner un portrait intime et lyrique des villes de La Paz et d’El Alto tout en menant une réflexion sur le contexte politique actuel de la Bolivie.

La dynamique entre les deux villes a toujours été marquée par de profondes inégalités sociales. Jusqu'à ce qu'elle devienne officiellement une ville en 1988, El Alto était considérée uniquement comme une périphérie défavorisée de La Paz constituée principalement de migrants ruraux Aymaras. Aujourd'hui, El Alto est la deuxième plus grande ville de la Bolivie, avec une population de plus en plus jeune et fière de ses origines indigènes. La ville a également été historiquement le théâtre d'importantes luttes politiques, de l'insurrection anticoloniale menée par Túpac Katari en 1781 à la « guerre du gaz » en 2003. Plus récemment, El Alto a été marquée par le massacre de Senkata qui a fait dix morts et des dizaines de blessés à la suite d'une intervention militaire dans le contexte de la crise politique de 2019. Ce drame a révélé une nouvelle fois des profondes tensions, encore palpables aujourd’hui, entre La Paz et El Alto.

Dans ce cadre, ce projet cherche à aborder ces deux villes au-delà des récits souvent simplistes qui caractérisent la période de polarisation politique actuelle dans le pays.

 

Marie Moroni

CIAO BELLA

Au début du XXe siècle la communauté italienne devint la première communauté étrangère résidente en France, avec près de 400 000 personnes en 1901. De nombreuses familles quittent leur Pays dans le but de trouver du travail. La xénophobie est très présente et leur intégration ne se fit pas sans heurts. En 1893, La tuerie d’Aigues-Mortes est un lynchage collectif qui commence par une rixe ouvrière dans les Salins du Midi et qui se poursuit en chasse à l’homme. Pour autant, les Italiens ont continué à venir, et à venir toujours plus nombreux.

En 1901, mes arrière-grands-parents paternels et leurs deux enfants - dont mon grand-père - quittent Calcinaia, leur terre natale en Toscane pour rejoindre Aigues-Mortes. Cette famille a disparu depuis longtemps en France, emportant avec elle mes racines. Je suis vierge de tous souvenirs de ce pays, de cette langue, et de cette culture oubliés en trois générations.
Mon projet est une enquête documentaire sur les traces des Moroni, une histoire de migration ... entre réalité et fiction.
Je souhaite refaire l’itinéraire emprunté par mes ancêtres, en sens inverse, d’Aigues-Mortes à Calcinaïa, dans les mêmes conditions, à pied, comme un voyage dans le temps pour retrouver la mémoire.

Le désir de laisser une empreinte, par la photographie, pour les descendants de ces immigrants tellement bien intégrés qu’ils ne connaissent que très peu l’histoire de leurs aïeux et de leurs aventures d’exode. 

Nicola N. Coppola

Le pouvoir en lumière 

Ce projet documentaire a pour but de mettre en lumière la tragédie que vit le Venezuela, documenter la douleur avec de la couleur à travers le paysage nocturne du Venezuela. Métaphore des temps durs et d’une réalité historique : comment une politique énergétique  a changé la couleur de la nuit au Venezuela. Le 17 novembre 2006, dans une allocution télévisée, le président Hugo Chavez annonça le lancement de nouvelles dispositions d’économies d’énergie: la Misión Revolución energética.

Il s’agissait d’une série de mesures dont l’objectif affiché était de diminuer la consommation et le gaspillage électrique national, en substituant 52 millions d’ampoules à incandescence par des ampoules fluorescentes compactes. Avec ce projet de photographie nocturne, je voudrais  documenter les différents lieux associés aux décisions politiques prises aux débuts des années 2000 qui affectent toujours la vie des vénézuéliens.

Je voudrais faire une cartographie du système électrique du pays au moyen d’images nocturnes : depuis les façades des bâtiments où le pouvoir s’exerce et les décisions sont prises jusqu’à l’intérieur des espaces civils où l’électricité n’arrive que de manière précaire et intermittente ( maisons, hôpitaux, écoles, universités...) en passant par les installations qui génèrent et transmettent l’énergie électrique dans le pays. 

Orianne Ciantar Olive

Les ruines circulaires

En proie à une instabilité systémique depuis sa création il y a 100 ans, le Liban comptabilise presque 80 années de guerres et de conflits. Le communautarisme politique religieux, inscrit dans la constitution, enferme les existences dans des luttes internes dont il est impossible de sortir indemne. Plus encore depuis la révolution de 2019 et la crise économique qui a suivie, des signes de fracture apparaissent partout, dans les familles, dans les murs, sur les corps et les visages, dans le mirage d’une jeunesse résignée au sacrifice de ses illusions sur l’autel d’un avenir impossible.

Nourri par les écrits et études de la philosophie de l’existence et par la poésie - en particulier de l’oeuvre d’Etel Adnan -, Nos printemps intranquilles vise à instaurer un dialogue entre tensions extérieures et conflits intérieurs et à établir un ensemble cohérent d’images laissant apparaitre la complexité du Devenir, des êtres et des territoires, des individus et du collectif, dans un pays éternellement supplicié par une crise majeure. Il apparaitra en filigrane un triangle existentiel qui symbolise trois états intérieurs: la recherche d’une nécessaire révolution, les velléités de reconstruction, et l’impossible accès à la paix. Des états qui s’ancrent dans le crépuscule des luttes adolescentes de ce jeune pays déchiré entre le temps de l’insouciance et celui des responsabilités. 

Aude Osnowycz

A l'ombre du mur 

En 2002, le gouvernement israélien a décidé de construire un mur le long de la ligne d’armistice de 1949 entre Israël et la Cisjordanie pour se prémunir des attaques terroristes mais ce mur a profondément réduit les chances d’une solution à deux états et bétonné une paix impossible. le projet «à l’ombre du mur, vivre en territoire occupé»» vise à suivre les contours du mur de séparation du nord de la Cisjordanie jusqu’aux zones désertiques du sud.

A travers ce parcours, je dresserai le portrait, vingt ans après la construction du mur, d’une situation toujours plus explosive : la multiplication des attentats des groupes armés palestiniens, les raids de l’armée israélienne toujours plus meurtriers mais surtout l’accroissement du processus de colonisation avec l’expansion des colonies déjà existantes dont de nombreuses colonies de juifs ultraorthodoxes connus pour leur taux de natalité particulièrement élevé mais également les nouveaux avant postes illégaux tenus par les «colons des collines». Portés par l’ultra droite israélienne, ces colons occupent à marche forcée la Cisjordanie, qu’ils appellent la Judée Samarie provoquant d’incessants incidents avec la population palestinienne aboutissant parfois à de véritables guérillas.

A travers ce travail photographique j’espère mettre en lumière le quotidien d’une population palestinienne au bord de l’asphyxie, vivant dans un réel état d’appartheid et dont le territoire ne cesse d’être grignoté mais aussi le quotidien de ces colons qui considèrent la Cisjordanie comme leur et que rien ne semble pouvoir arrêter .

Anaïs Oudart

L'Etreinte du serpent

À l’Est de la République démocratique du Congo, dans les régions du Nord et du Sud Kivu, les groupes armés exterminent la population. Leur but est d'exploiter des terres riches en minerais, (or, diamants, cobalt et coltan, indispensables à la production des téléphones portables).
les groupes armés utilisent le viols en masse. On recense de nombreux cas de mutilations sur les corps des femmes. L'appareil génital est pris pour cible. Il est presque systématiquement détruit. le viol est utilisé comme arme de guerre, le corps des femmes est devenu le nouveau champ de bataille. Seul, dans son hôpital de Panzi, le Docteur Mukwege, prix Nobel de la paix 2018, répare le système génital détruit des femmes. 

Je me suis rendu pour la première fois à l'Hôpital de Panzi en 2018, lors d'un tour du monde organisé par Médecins du Monde.
Ayant été bouleversée par la condition des femmes en RDC je suis retournée en 2019, à Panzi pour réaliser un travail documentaire sur les survivantes des violences sexuelles. Je les ai prise en photo pendant leur parcours de soin et de reconstruction. J'ai monté un petit studio photo au sein de l'hôpital, pour réaliser des portraits, et recueillir leurs témoignages lors d’interviews.
Mon objectif est clairement de porter la voix des survivantes des viols et violences sexuelles et de faire connaître leur histoire. 

Karine Pierre

Les Femmes de Karachi (titre provisoire)

Résumé à venir

Sophie Rodriguez

Le Népal : un pays vidé de ses hommes

En novembre 2022, le Qatar accueillera la Coupe du Monde de football. Cet évènement polémique a mis en lumière les conditions de travail inhumaines des travailleurs immigrés sur les chantiers des stades. Parmi ces ouvriers, une grande partie est originaire du Népal. Chaque jour, ce sont 1 300 jeunes hommes qui quittent leur pays pour travailler au Qatar ou ailleurs. Selon le Nepali Time, le Népal a perdu 30% de sa population masculine et 60% de ses jeunes de moins de 30 ans en raison de cette émigration professionnelle.

J'ai choisi de m'intéresser aux travailleurs migrants uniquement depuis leur pays d’origine, pour saisir ce (et ceux) qu’ils quittent. Les deux enjeux seront de documenter l’exode de ces jeunes népalais. Qu’est-ce qui pousse ces jeunes à fuir un pays qui fait rêver les occidentaux et qui n’est pas en guerre pour travailler dans des conditions dégradantes voire périlleuses ? Comment se déroule le recrutement par les
« manpower agencies » ? Et comment vivent-ils leurs derniers jours au pays avant le grand départ ? Il s'agira également de questionner la place de ceux qui restent au pays et notamment des femmes.

Dans les zones rurales, d’où sont originaires la plupart de ces travailleurs, comment la vie quotidienne est-elle affectée par ce manque de main d’œuvre ? Est-ce une aubaine ou une double-peine pour les femmes (surcharge de travail, absence de leurs époux, évolution de leur place dans la société, nouvelles responsabilités) ? 

Aurélie Scouarnec

Evid mond dirag an heol (pour aller devant le soleil)

Ce projet photographique ira à la rencontre de jeunes pour qui le port du costume breton est aujourd’hui un élément important de leur vie quotidienne. Il s’inscrira dans une tension entre le monde contemporain et ce que le costume transporte avec lui d’histoire et de symboles. Surtout, il cherchera à inscrire les corps des porteurs au cœur de ce projet, dans un entremêlement de matières et de textures, organiques et vestimentaires. 

J’aimerais ainsi proposer une facette contemporaine, forte d’un lien organique et symbolique, du costume breton porté par la jeune génération d’aujourd’hui en Bretagne. Il ne s’agira pas d’établir un répertoire sériel ou exhaustif des costumes bretons, mais bien d’en saisir une vision faite d’un costume incarné, à travers la gestualité des corps. Une attention particulière, à l’image de mes projets précédents, sera portée aux gestes, aux matières et à la lumière.

Alexandra Serrano

Diarios de abordo (titre provisoire)

Diarios de abordo est une enquête photographique sur l’émigration de réfugiés républicains espagnols depuis la France vers le Mexique, à la fin de la guerre civile espagnole. Il se focalise tout particulièrement sur la traversée de l’Atlantique par les républicains, un exil flottant entre deux continents où pendant la durée du voyage, chacun tente de construire la fiction d’une vie future dans un pays qui lui est inconnu.

Ironie du sort, cette traversée fait également écho à celle menée par Cortés en 1519, à l’issu de laquelle débuta la colonisation espagnole avec la fondation de la première ville coloniale de Mésoamérique : Villa Rica de Veracruz, là même où les exilés républicains débarquèrent trois siècles plus tard. Centré sur un épisode de l’Histoire encore trop méconnu car noyé dans la deuxième guerre mondiale, ce travail photographique aborde une dimension universelle, traitant de questions essentielles de notre temps :  l’identité et l’histoire de l’immigration. 

Anne-Lise Seusse

Les enfants du palais sous la mer

Ce projet est né de l’invitation d’Amélie Nicolas, sociologue et enseignante chercheuse de l’école d’architecture de Nantes et du laboratoire de recherche CRENE- AU, regroupant des chercheurs de différents horizons (sociologues, urbaniste, architectes, géographes, etc.), autour de la question du devenir des anciennes colonies de vacances sur le littoral vendéen. Cette recherche, menée au sein du laboratoire, s’intéresse au déclassement de ces espaces par choix politiques et sociétaux.

Cette invitation m’a permis de poursuivre ma recherche sur les périphéries mouvantes et les espaces en déclassement de la métropole et d’aborder la question de l’échelle et des limites d’un territoire, celui du « grand Paris ». Ici, c’est d’autant plus intéressant que le déplacement d’échelle se pose sur un territoire qui est une forêt, patrimoine de L’ONF, et qui contient en lui une sorte de microcosme en ruine des villes périphériques proches de Paris. Je me suis attachée, pendant deux années à enregistrer la lente dégradation de l’une de ses colonies, celle de la ville de Houilles, abandonnée en 2018. Elle m’a semblé un terrain propice pour connecter plusieurs récits, celui d’une mémoire des bâtiments, d’une histoire de l’éducation par le plein air aujourd’hui révolue et d’une réappropriation sauvage de ce bâtiment par des activités nocturnes illicites ( urbex, graffitis etc ...).

L’idée de ce travail a été de produire une sorte de “futurologie” à partir d’une enquête de terrain mêlant des sources d’images très diverses et articulant documents de recherche, archives personnelles et images produites allant vers une forme « science-fictionnelle ». La construction de ce récit fragmentaire à partir des « délaissés » superpose une catastrophe à une autre; celle à venir celle de la submersion du littoral.
Intervenant comme les groupes et personnages divers rencontrés sur le site je m’y suis rendue principalement la nuit, pour enregistrer les traces de ces occupations récentes mais aussi la lente dégradation des objets laissés à l’abandon. Je me suis proposée cet espace comme une sorte de studio travaillant les éclairages comme pour maquiller ces scènes « de crime ». Les pauses étant parfois très longues la chromie de la bobine argentique a parfois dérivé proposant une sorte de vision hallucinée du site en “souffrance”.

Charles Thiefaine

Marcher avec les dragons

Marcher avec les dragons est une série de photographies documentaires portant sur le quotidien des habitants de l’île Yéménite de Socotra et plus particulièrement sur le lien qu’ils entretiennent avec la nature. Je tenterai, à travers la narration, de révéler les différents modes d’action et moyens d’adaptation d’individus vivant sur un territoire délimité par la mer et dont la vie de tous les jours est affectée par la guerre sur le continent.

Je m’attacherai à suivre deux principaux personnages : Khalifa, pêcheur de Socotra et Mohamed, réfugié originaire du Yémen continental et ayant fui la guerre. Je montrerai, par une photographie de point de vue, comment la nature constitue un rempart face aux différentes violences militaires, économiques et politiques. Je dresserai finalement un inventaire des espèces endémiques qui composent l’écosystème extraordinaire de Socotra. 

Dernière mise à jour le 12 mars 2024