31 projets, portés par de 32 artistes, parmi 427 demandes reçues, ont bénéficié du soutien au projet artistique suite à la commission du 27 mai 2025.

Boris Achour

Une anthologie de films courts avec des nuages et deux personnes qui dialoguent

Ce film, d’une durée de 15 minutes environ, serait, comme chacun des autres, réalisé en collaboration avec un·e écrivain·e. Chaque film est formé de deux composantes bien distinctes, réalisées indépendamment. Les images des films seront exclusivement constituées de plans fixes de ciels et de nuages, correspondant à la vision subjective d’une personne allongée sur le dos. Chaque bande-son d’un film, en voix off, sera constituée d’un dialogue entre deux personnes devisant allongées dans l’herbe, leurs regards tournés vers le ciel. Ces textes seront écrits par plusieurs auteur·ices dont j’aime particulièrement le travail et, pour certain·es, avec qui j’ai déjà collaboré. Le dialogue du premier des film sera écrit par Thomas Clerc. 

Ethan Assouline

Réalité (Gherkin/Gloriès)

Je souhaite travailler autour de deux bâtiments, Le 30 St Mary Axe à Londres (aussi appelé Gherkin) et la tour Gloriès à Barcelone. Ces deux bâtiments emblématiques des deux villes ont la même caractéristique d'avoir une forme phallique. Je voudrais questionner la place de cette forme dans le paysage et ce qu'elle nous raconte de l'époque, de ceux qui construisent et décident. Par des dessins, poèmes, collages, entretiens avec des personnes qui travaillent dedans ou vivent proche, la visite d'un centre d'archives, la prise de photographies et de vidéos, il s'agira de former un ensemble de documents pour soutenir une critique et une remise en question de ce type d'architecture et son rôle symbolique dans nos vies quotidiennes. 

L'exemple de ces bâtiments me permet de développer une recherche à la croisée de la critique architecturale, des théories anti-autoritaires, des analyses des mécanismes à l'œuvre dans la ville contemporaine capitaliste, et une exploration d'un certain rapport à la masculinité entre attraction et répulsion basé sur mon expérience personnelle et les enjeux sexuels et identitaires. Une forme phallique géante se plante dans le paysage et il faut vivre avec. Qu’est-ce que cela dit de notre rapport à la domination, et surtout à la domination masculine de l’espace public et visuel, politique, idéologique ?. 

Bertille Bak

La meute / Les meutes

Le projet va se développer à Lima, dans le quartier de Pampelune, où 130 000 habitants vivent dans des conditions précaires, sans eau courante, assainissement ou infrastructures de base. Ce bidonville, en expansion rapide à cause de l'exode rural, est encerclé par un mur de 10 km de long et 3 mètres de haut, bordé de barbelés. Cette barrière a été érigée pour protéger les quartiers huppés de "Las Casuarinas" et "La Molina" de l'urbanisation informelle et de la pauvreté.

La justification de cette séparation réside dans la volonté de sécuriser les zones résidentielles de la criminalité et du terrorisme, avec l'argument que le terrain pourrait perdre sa valeur. Ce mur empêche les habitants de Pampelune d'accéder librement aux quartiers voisins, leur mobilité étant restreinte. Cependant, deux portes surveillées permettent aux travailleurs domestiques du bidonville d'entrer et sortir entre 5h et 23h. 

Ce mur est surnommé "el muro de la vergüenza" (le mur de la honte) et représente un symbole de ségrégation sociale. Le Tribunal constitutionnel a ordonné sa destruction, mais les autorités locales soulignent un manque de fonds pour sa démolition. Le projet sera réalisé en étroite collaboration avec les habitants de Pampelona Alta, qui vivent dans une situation invisibilisée jusqu'à présent.

Louidgi Beltrame

L'avenir est aux fantômes

L’avenir est aux fantômes naît d’un désir d’explorer comment les histoires personnelles et collectives s’entrelacent à travers la mémoire, le langage et l’architecture. En s’appuyant sur la pensée de Jacques Derrida, notamment ses concepts de spectralité, de trace et d’archive, le projet résonne avec mon histoire familiale liée à l’Algérie. Cette recherche vidéo se déploie entre deux espaces marquants de la vie de Derrida — l’Algérie, où il a grandi, et la Californie, où il a enseigné. Ce va-et-vient géographique crée un espace liminal mêlant paysages, architectures modernistes et mémoires enfouies. À travers ce dialogue entre biographie, philosophie et géopolitique, le projet interroge les récits de la modernité, les héritages coloniaux et postcoloniaux, et ouvre une réflexion sur la manière dont le passé, à travers ses traces spectrales, continue de hanter notre présent. 

Maxime Bichon

The Dance Cabinet II

Ce projet s'articule autour de la reproduction du Dance Cabinet, meuble conservé au Sir John Soane's Museum à Londres, en dialogue avec l'histoire de la céroplastie italienne, notamment les œuvres de Gaetano Zumbo et Anna Morandi Manzolini. L'intention est de créer un meuble-sculpture qui soit à la fois œuvre et lieu d'exposition, prolongeant ma réflexion sur les relations entre contenu et contenant dans l'art. Le projet s'inspire particulièrement de la façon dont les céroplasticiens italiens concevaient leurs vitrines, écrins sophistiqués pour leurs œuvres en cire. 

La recherche se déploierait en plusieurs phases : étude approfondie du Dance Cabinet à Londres, exploration des collections de céroplastie en France et en Italie, et période de production dans mon atelier à La Courneuve. Des collaborations avec des chercheurs, artisans et conservateurs enrichiront le projet. Cette démarche s'inscrit dans la continuité de mon travail artistique, où j'explore régulièrement les conditions d'apparition de l'art et les espaces qui l'accueillent. Le meuble final intégrera des éléments inspirés des billards et des tours de magie, tout en conservant l'essence d'un cabinet aux multiples réceptacles. Il servira de cadre pour accueillir poèmes, dessins et objets.

Julien Bismuth

Rio Guaporé

Le propos de ce film est le dialogue entre une linguiste d'origine indigène, Prof. Ana Vilacy Galucío, et ses collègues du Museu Goeldi de Belem avec les derniers parlants des langues Wayuru et Makurap en Amazonie brésilienne, dans le cadre d'un projet de revitalisation de ces deux langues indigènes en voie de disparition. Ce film est une rencontre entre deux formes de savoirs. Les outils du savoir occidental sont ici utilisés pour tenter de réparer les effets dévastateurs du colonialisme en dialogue avec ces derniers parlants. Ce film est le résultat d'une invitation de la part de Prof. Vilacy, et se construit en collaboration avec les communautés et chercheurs en question, jusqu'à son financement qui sera aussi utilisé pour appuyer le projet des linguistes. 

De même, mes enregistrements seront préservés au Museu Goeldi avec droit d'utilisation pour les chercheurs ainsi que les deux communautés. Mon rôle est celui d'un témoin, en l'occurence, celui de la renaissance de ces deux langues, mais aussi des mondes qu'elles incarnent et révèlent. 

Ce film témoigne aussi de la valeur du dialogue entre les cultures, ainsi que de ce que le philosophe Souleymane Bachir Diagne appelle "l'universel de la traduction", d'autant plus important à notre époque si marquée par la xénophobie sous toutes ces formes. 

Olga Boudin

Le ciel traverse bien les fenêtres

Le ciel traverse bien les fenêtres est un projet, de recherche et de production, de peintures et de vitraux contemporains au service des communs. 

Je me demande quelle serait aujourd'hui une pratique du vitrail qui fasse sens à l'aune des pratiques contemporaines de la communauté et comment peut-on faire apparaître cette forme de luxe sans condescendance. Mes recherches m'amènent à relever bien des formes dans l'histoire du vitrail et à les intégrer au fur et à mesure dans ma pratique de la peinture.

Le projet ici consiste à réaliser des vitraux et d'en installer dans des espaces de vie qui s'organisent en rupture avec la propriété individuelle privée. Je réaliserai les cartons et la vitrailliste Charlotte Swiatkiewicz sera engagée pour la réalisation et l'installation des vitraux dans les lieux collectifs qui pourraient les désirer. Dans le même temps, je poursuivrai mes recherches en peinture qui seront alors nourries par ces formes qui tendent vers l'abstraction et qui me permettent d'envisager de nouvelles narrations.

Amandine Chhor & Aïssa Logerot

Une chose utile

Le Larousse définit le tabouret comme « un siège à piétement, sans bras ni dossier », souvent réduit à une simple planche et quatre pieds. Or, il nous semble que cette réduction formelle et radicale lui confère une flexibilité d’usages qui lui permet de dépasser la seule fonction d’assise : il devient tour à tour marchepied, table d’appoint, étagère, support d’objets ou élément de composition dans l’espace… Son format réduit le rend accessible, adaptable et mobile, tandis que la simplicité de sa construction lui donne une dimension universelle.

Nous prenons ici le tabouret comme un prétexte pour explorer la création d'artefacts à la frontière de plusieurs territoires. Ces objets indéterminés peuvent-ils exister sans être strictement affiliés à une catégorie fonctionnelle ou formelle, à une classification type ? Peut-on concevoir un artefact qui puisse être interprété librement et approprié de multiples manières ? En d’autres mots, peut-on créer une chose utile et versatile ?

Les objets conçus dans le cadre de ce projet seraient à la fois des réceptacles d’usages et de spéculations, suffisamment ouverts pour accueillir une pluralité de narrations et d’appropriations, et suffisamment discrets pour accompagner les gestes et les mouvements quotidiens.

Cette recherche se veut une exploration des seuils et des transitions : entre mobilier et sculpture, entre fonction et abstraction, entre standardisation et singularité.

Isabelle Cornaro

Domus Aurea

Domus Aurea est un projet de film, destiné à être présenté sous la forme d'une installation vidéo multi-écrans. Il investit la question, récurrente dans ma pratique, des fondements inconscients - affectifs, sociaux et politiques - de la culture européenne, pour l’aborder ici à partir des écrits de Christophe Boltanski sur le commerce des minéraux et de mon histoire personnelle, passée en Republique centrafricaine. Le film  s’intéresse aux effets de la colonisation européenne dans différentes régions du continent africain de manière beaucoup plus directe – à la fois plus intime et plus politique.

Jean-Alain Corre

Hibou TV show 2

Morgan Courtois

Parfums

Après avoir composé depuis plusieurs années des parfums pour des sculptures, avec le projet “Parfums”, je souhaite réaliser une première ligne de trois parfums correspondant à trois portraits et produire, pour la première fois, des flacons en verre en bronze et en plastique ainsi que leurs packaging. Ces trois flacons feront, comme pour certains lancements de nouveaux parfums commerciaux, hors normes, à savoir entre 30 cm et 80 cm de hauteur. 

Réunissant plusieurs aspects liés au craft, concept essentiel dans ma pratique artistique, ce projet sera l’occasion de faire rencontrer le récipient en verre avec les matériaux que je travaille depuis plusieurs années : la porcelaine, les émaux, le plâtre, l'époxy, le bronze… Je souhaite également avec ce projet prolonger le travail graphique que je développe lors de l’écriture des parfums afin de réaliser des packagings qui seront les boîtes de conservation et de protection des 3 flacons. 

Rebecca Digne

Paola & Gorky

Je veux suivre Paola (72 ans) qui vit avec son fils Gorky autiste de 47 ans dans un petit appartement à Florence. Gorky passe ses journées à la coopérative Le Rose créé par sa mère il y a plus de 30 ans, ce lieu en périphérie de la ville accueille des adultes autistes. Là-bas, ils sont libres de s’occuper des chevaux, du potager, de faire de la poterie ou du théâtre. La région impose sa fermeture prochaine, pour cause de non-conformité. Je veux filmer la fin de cette utopie humaine et sociale. Avant d’entrer dans le champ des arts plastiques, j’ai travaillé pendant plusieurs années dans le Cirque invisible de Victoria Chaplin et Jean-Baptiste Thiérée. Cette expérience a été fondamentale dans mon parcours et dans la coopérative Le Rose, je retrouve cette atmosphère particulière qui est de vivre en collectivité avec la volonté de mettre ses forces en commun pour une autre vision du monde.


La coopérative va fermer fin 2025, je veux y poser ma caméra pour ces derniers mois d’activité et suivre de près Paola dans cette épreuve qu’elle va vivre avec son fils Gorky et toutes les autres personnes impliquées dans ce projet depuis plus de 30 ans. Je veux que ce film témoigne des actions faites à échelle humaine pour offrir à tous une vie digne et riche en expériences. 

Antoine Dochniak

Sous l’armure — Corps-fenêtres — Faces d’Horloges

Le projet Sous l’armure — Corps-fenêtres — Faces d’Horloges, explore l’origine des douleurs articulaires (arthralgies, fibromyalgies, tendinites) en les reliant aux conditions de travail et à une inflammation plus large de notre environnement post-industriel à travers une relecture du livre de Raj Patel, "Inflamed: Deep Medicine and the Anatomy of Injustice". Mon projet reposera sur la collecte de témoignages et de traces matérielles auprès de travailleur·euses d’usines de production d’acier, d’élevages agro-pastoral et d’usines de batteries (Île-de-France, Hauts-de-France, Grand Est, Pyrénées). 

Ces données nourriront des sculptures et une œuvre sonore, pensées comme des centres d’archives plastiques. Cette recherche a pour but d'interroger la manière dont les œuvres et l'exposition peuvent entamer un processus de réparation. À travers ce projet d'exposition, il s'agira de concevoir les articulations des personnes rencontrées, comme des espaces privilégiés pour exprimer les maux que leur corps endure face à leur environnement de vie et de travail — qu’il soit naturel, professionnel, psychique ou physique. Étudier les mouvements tels que la rotation, la flexion, la lubrification, mais aussi les fissures ou ruptures de ces articulations, devient alors un moyen d’évaluer l’inflammation globale du système et d’en comprendre les causes à travers ses symptômes.

Stefan Eichhorn

Habitats Spatiaux

Mon projet explore l’intersection entre utopie et dystopie à travers des structures inspirées des tentes, oscillant entre utilisabilité réelle et sculpture conceptuelle. S’inspirant des visions historiques et contemporaines de la colonisation spatiale – de Kepler et Tsiolkovski aux projets actuels de SpaceX – ces architectures interrogent notre rapport à l’exploration, à l’abri et à la précarité.

Utilisant exclusivement des matériaux recyclés (voiles abandonnées, bâches usagées, toiles de tente), mes constructions évoquent autant les habitats futuristes de Mars que les camps de réfugiés terrestres. Elles incarnent une réflexion critique sur la durabilité, les limites de l’utopie et les réalités de la survie dans des environnements hostiles.

En créant des objets marqués par l’usure et la mémoire de leurs matériaux, je cherche à interroger notre fascination pour l’ailleurs et notre responsabilité face aux crises actuelles. Mon travail ne se limite pas à une proposition formelle, mais raconte une histoire : celle des rêves d’expansion, des contradictions humaines et des défis du monde contemporain. 

Mathilde Ganancia

Principe émollient

Principe émollient est un projet de courtes vidéos, en boucle, mettant en scène des peintures élastiques prises dans une érotique indistincte de corps en continuelles métamorphoses. Mêlées à d’autres captations vidéos de mon quotidien, urbaines et rurales, il s’agira de raconter des rencontres hallucinées entre des surfaces peintes, filmées et virtuelles, issues de différents règnes. Un dialogue épidermique s’établira entre des communautés de plantes, de bêtes, et d’entités terrestres, mais aussi d’artefacts, de textures numériques et de phénomènes météorologiques. 

En travaillant sur des supports élastiques, vierges ou réutilisés, cousus et peints, je souhaite leur faire faire des actions liées à la peau, pouvant aller de l’horripilation au maquillage, le camouflage, la brulure, le plissage, le peeling ou la caresse. La présence humaine, si elle permet d'activer les peintures pour des prises de vue, restera en second plan. Le son sera réalisé par un artiste et ingénieur du son, mêlant bruitages et boucles psychédéliques au synthétiseur.

Konstantinos Kyriakopoulos

Un lit dans la cuisine

La proposition formulée prolonge mes recherches autour de l’espace et des négociations qui y existent dans le cadre de projets collaboratifs. Ancrée dans les Hautes-Pyrénées, dans le village d’Aulon, elle est inspirée des logiques à l'œuvre dans les refuge de montagne : isolés, ils accueillent des randonneureuses dans des bâtiments où la notion de collectif est centrale. Ces architectures sont pensées selon deux idées : garder la chaleur et être simple d’utilisation. Les espaces perdus sont donc inexistants, un banc peut se transformer en coffre pour ranger des couvertures, un lit peut en cacher un autre.

 Je me suis alors intéressé aux lits-boîte, dont l’origine est datée à l’époque médiévale, qui ont connu un certain essor en France à partir du XVIe siècle. Installés dans la cuisine, pièce la plus chaude de la maison, ils étaient surmontés de rideaux, offrant, dans un espace collectif, une forme d’intimité. À Aulon, et avec les habitant.es du village, je souhaite concevoir et produire une sculpture collective, dans laquelle se retrouvent ces notions d’espace intime à l’intérieur d’un espace partagé. Une sorte de rencontre entre les dortoirs des refuges et les lits-boîtes médiévaux, convoquant des histoires et des savoir-faire. 

Béatrice Lussol

Vivantes

Une recherche, traversant à la fois les pratiques du dessin et de l’écriture sur comment les mots, dans leur polysémie vive, leurs clignotements, consolent, comme peut le faire la possession de choses précieuses, d’un trésor. L'objectif est de faire apparaître des œuvres nouvelles afin de produire une installation avec des aquarelles et des collages qui seraient une extension de mon prochain livre, un transfert des mots vers les formes.

Charlie Malgat

Caresse Dissolue

Caresse dissolue s’inscrit dans une exploration nouvelle des relations entre animation de la matière et captation vidéo.

Mon projet repose sur la mise en place d’un dispositif d’observation qui permettra d’enregistrer l’altération progressive d’un ensemble de mes sculptures. Grâce à un système de captation à différentes échelles – du plan large à la microscopie –, je documenterai les
transformations de la matière sous l’effet du temps, de l’humidité et de la prolifération d’organismes vivants (moisissures, champignons, bactéries). L’accumulation de ces images fixes et animées aboutira à la création d’un livre d’archives et d’une vidéo d’animation, qui donneront à voir un processus original d’autophagie sculpturale.

Ce projet marque un tournant radical dans ma pratique : désormais, il ne s’agit plus de produire de nouveaux objets sculpturaux, mais bien d’accompagner la dématérialisation d’œuvres préexistantes pour en extraire un nouveau récit visuel et scientifique. 
 

Garush Melkonyan

The Transcaucasian Tales

The Transcaucasian Tales est une œuvre vidéo mêlant documentaire, performance et fiction spéculative, qui donne corps à des récits queer dans la région du Sud-Caucase. Inspiré par la République démocratique fédérative de Transcaucasie, une union politique ayant duré à peine cinq semaines en 1918, le projet imagine d’autres formes de coexistence, en marge des récits nationaux et des logiques économiques qui dominent les champs politique et culturel actuels. Au centre du film, un geste symbolique : des personnages fondent des fragments de statues, détournant des icônes officielles pour réinventer de nouvelles figures. Cette refonte devient un acte de réparation, une manière de reprendre possession d’une histoire souvent effacée.

Louise Morin

Conforts

L'architecture et le design ont toujours été au service de notre quête vers plus de confort. Dans l’essai « After Comfort », Daniel Barber interroge les implications géophysiques et géopolitiques du confort. Il pointe l’impossibilité énergétique d’étendre le modèle d’une architecture toujours plus étanche à l’extérieur, reposant sur la climatisation et le chauffage de l’air ambiant pour atteindre une température « idéale » de 20 degrés, été comme hiver, à Tucson comme à Vancouver. Il défend l’idée que « la vie après le confort doit être inconfortable ».

Ce projet interroge notre rapport au confort thermique, à la frontière entre l’architecture, les arts décoratifs et le design. En constituant dans un premier temps un inventaire visuel d’objets permettant de transporter la chaleur avec soi au cours de l’histoire. Chauffes-pied, chauffe-mains, chauffe-lits ou chauffe-bains présents dans les collections publiques françaises et ailleurs. Longtemps ce sont des braises prélevées dans la cheminée puis de l’eau chaude que l’on transporte avec soi. Métal, bois, céramique, ces objets se déclinent dans des versions rudimentaires ou sont un terrain d’expression pour les arts décoratifs. 

Ce projet propose dans un second temps d’explorer le potentiel d’une technologie récente: le chauffage par infrarouge lointain, et ses caractéristiques: souplesse et chauffage rayonnant. Pour imaginer en collaboration avec l’industrie, de nouvelles formes pour chauffer les personnes plutôt que l’air.

Hugo Pernet

Les grandes amphores

Au point de départ du projet il y a trois grandes peintures représentant des "amphores" très stylisées, et d'autres plus petites figurant des coquillages. Mon idée est de développer un foisonnement de formes et d'idées à partir de cette image aplatie d'un contenant (la toile = le vase), jusqu'à créer une profusion de "sujets" abstraits et figuratifs (animaux, géométriques...) faisant exposition, sous la forme inédite d'un "décor" tenant autant du musée d'archéologie que de l'art contemporain.

Le sujet de l’amphore me paraît faire la synthèse du dessin et de la couleur, de l’abstraction et de la figuration, du positif et du négatif, de l’illusionnisme et de la littéralité, comme il fait dans la réalité la synthèse du contenu et du contenant, de la fonction et du statut social etc. «Posée» entre le haut et le bas du rectangle du tableau, le vase ainsi figuré est à l’objet réel ce que le planisphère est au globe en trois dimensions.

Jean-Baptiste Perret

La conférence des oiseaux

Ce projet est celui d'un film-portrait de l’artiste peintre autodidacte Sophie Grandval, aujourd’hui âgée de 88 ans, qui habite en quasi-ermite depuis plus de 40 ans dans les montagnes auvergnates dans un profond dénuement et immergée dans la nature sauvage qui est sa source d’inspiration. Sa peinture, que l’on rapproche souvent de « l’art naïf » et qui est une ode au vivant, fait partie de collections privées et publiques prestigieuses mais reste méconnu en France notamment du fait de son mode de vie.

Ce projet s’inscrit dans le cadre de recherches que je mène depuis plusieurs années dans le Massif central sur des personnes développant leur propre manière d’habiter la ruralité, avec des rapports singuliers à la solitude, au temps, au vivant et à l’économie. J’ai ainsi réalisé un film en 2018 avec 4 habitants du territoire du Haut-Forez qui s’intitule "L’hiver et le 15 août". Je termine actuellement un nouveau film "À l’heure la plus silencieuse", qui prolonge ces questionnements sur le territoire des gorges du Haut-Allier.

Émilie Pitoiset

So Much Tenderness

Cette vidéo s’intéresse au rôle des mascottes, en tant qu’outils à la fois publicitaires et politiques. Soumises à des règles strictes, elles doivent rester anonymes, ne jamais parler, et leurs costumes sont souvent conçus de manière à ne pas comporter de bouche. Pour ce projet, j’ai créé une mascotte de lapin, dont le costume sera au cœur du film.

À travers ce personnage, je questionne les tensions entre visibilité et invisibilité, pouvoir et vulnérabilité. Le lapin, à la fois illusionniste et objet d’illusion, farceur et victime, se pose également comme une figure iconique dans l’histoire de l’art.

Afin d’approfondir cette réflexion, je réaliserai des entretiens avec des mascottes professionnelles, pour recueillir leurs témoignages. Leurs récits nourriront une fiction documentaire et constitueront la voix off du film, établissant ainsi un dialogue entre l’intériorité du personnage et son absence de personnalité.

Clara Prioux

Puissé-je voir l'Edelweiss

Je n’ai jamais vu d’Edelweiss. La fleur emblématique des Alpes, dont le dessin pare de nombreux souvenirs de montagne, continue à m’échapper malgré plusieurs tentatives d’approche. Ce symbole, dont la réalité me demeure fuyante, sera le point de départ de mes recherches, l’objet d’une quête.

L’Edelweiss doit sa première renommée à la difficulté à l’obtenir. Associé aux excursions, s’établissant jusqu’à 3300 mètres d’altitude, c’est toute la montagne que la fleur représente. Elle est la preuve de la distance parcourue, des risques pris.

Au 19ème siècle dans l’Oisans, des colporteurs fleuristes partent “à la grosse aventure”. Emportant dans leur “balle”, pour espérer en tirer quelque bénéfice, des graines et bulbes de fleurs arrachés à leurs montagnes comme l’Edelweiss, le Lys martagon ou la Gentiane, ils parcourent les régions voisines puis traversent les océans.

Tout en marchant sur les traces de l’Edelweiss dans les massifs de l’Oisans, je chercherai à développer une histoire croisée de résilience et d’adaptation, botanique et humaine. Je propose d’explorer la manière dont l’évolution des perceptions et des pratiques autour d’une simple fleur, l’Edelweiss, peut refléter les transformations environnementales et culturelles, depuis le 19ème siècle jusqu’à notre ère marquée par le changement climatique. Ainsi formulé, le souhait Puissé-je voir l’Edelweiss sera le prisme qui me permettra d’appréhender un territoire, celui de l’Oisans, avec ses paysages et ses habitants. 

Chloé Quenum

Dream Sellers

Dream Sellers est une installation correspondant à une collection de 80 appui-têtes en résine comprenant des inclusions d’éléments glanés (cauris, pièces, tissus, photos, téléphones portable, photos…). Leurs formes s’inspirent d’appui-têtes provenant de différentes cultures, s’élevant généralement à 12 ou 14 cm du sol. Chaque objet est unique.

La résine en tant que matériau contemporain permet de jouer avec la transparence, la texture et la forme, offrant des possibilités infinies pour réinterpréter l'appui-tête traditionnel, lui donner un aspect éthéré et onirique. Dans ce contexte, les appui-têtes en résine peuvent être utilisés pour symboliser la manière dont le sommeil et les rêves sont abordés aujourd'hui, en mettant en avant une interconnexion entre le quotidien et le spirituel, entre le corps et l'âme. Les objets glanés inclus dans ce matériau suggèrent le souvenir figé dans le temps de leur vie passée et permettent d’aborder la question des déplacements d’un endroit à un autre, et d’une temporalité à l’autre.

Cette installation joue sur la répétition de l’objet, l'agencement de l’espace, et la lumière, pour évoquer l’environnement propice au sommeil et aux rêves. Les appui-têtes seront ainsi présentés au sol sur des tissus rappelant les étals de marché, des vendeurs de tour Eiffel au étals de David Hammons (blizaard ball sale) accentuant la dimension précaire et fragile du sommeil.

Louise Sartor

Ikebana & Nature morte

Le but du projet est de produire un ensemble de tableaux appartenant à une série récurrente de peintures de fleurs mortes. L’aspect mélancolique des fleurs fanées les classe dans le registre classique occidental des nature mortes et des vanités « memento mori », mais le travail de composition florale préalable au tableau les apparente à l'art japonais de l'Ikebana.

Selon les types de fleurs, la fanaison entraîne des changements de pose, de mouvement, qui s’apparentent à de la chorégraphie. J’ai d’abord laissé la fanaison des fleurs au hasard et tiré parti de ce qui arrivait, mais petit à petit j’ai trouvé des systèmes pour contrôler partiellement l’évolution du bouquet, systèmes improvisés et pour l’instant moyennement maîtrisés. La disposition préalable du bouquet et la maîtrise de la pose ont pris une importance majeure dans la conception de ces œuvres qui relèvent maintenant d’une double pratique : un ikebana autodidacte bricolé, et le tableau qui en constitue la finalité et la trace. Ce constat m'a amené à vouloir me familiariser plus sérieusement avec la pratique de l'Ikebana, son histoire et ses règles, Le projet est donc de séjourner une période d'un mois et demi au Japon pour effectuer des recherches sur cette discipline et de réaliser sur place un nouvel ensemble de tableaux.

Noémie Sauve

EX_DATATION_ARCHÉOMAGNÉTISME

Je souhaite réaliser une série de poteries dont je changerais les informations de datation créant ainsi une perturbation temporelle dirigée des informations contenues dans ces pièces d’histoire contemporaine. Concrètement, il s’agirait de réaliser des terres cuites et de changer leurs informations magnétique grâce aux machines de laboratoire, aptes à détruire un enregistrement de champ magnétique et le remplacer par un autre enregistrement magnétique, appartenant à une autre époque. Ma découverte de l’archéomagnétisme fut un choc esthétique et affectif, car j’y trouvais une manière poétique inédite de mêler l’histoire de la vie biologique physique dont nous faisons partie à l’histoire de la plus grande force physique du globe. Les deux se rencontrant dans des informations magnétiques enregistrées dans l'argile au moment du refroidissement après une cuisson.

Les modalités de recherche de cette discipline me semblaient aussi être potentiellement de nouvelles manières inédites de sensibiliser à une écologie invisible et géologique beaucoup plus lointaine, à la fois en âge et en taille, grâce aux outils scientifiques de lecture, de traduction, d’analyse et de calcul, tout en gardant une forme de mystère global persistant.

Ce projet que j’appelle « EX_DATATION_ARCHÉOMAGNÉTISME » mêlerait, d’après moi, la vie visible et invisible dans une nouvelle forme de mise à disposition de données, portant la confusion dans les époques; une autre manière de jouer les recherches scientifiques qui tentent de trouver des réponses pour le futur dans les pièces du passé et peut-être dire que le présent peut jouer un rôle plus actif et nécessaire dans les enjeux écologiques actuels. 

Mathilde Soares-Pereira

Behind Velvet

Behind Velvet interroge la manière dont les travailleuses du sexe sont perçues et représentées, ainsi que la déshumanisation progressive du désir dans un monde ultra-connecté. Accompagnée par Elora Weill-Engerer, curatrice et autrice, je souhaite réaliser une série de courts-métrages explorant la tension entre séduction ritualisée et humanité. Ce projet se matérialisera dans une installation vidéo, avec plusieurs écrans et casques audio, pour offrir une intimité sonore et rapprocher le spectateur des personnages.

Ce projet se déploie en deux axes :

  • Quatre courts-métrages (5 à 10 min) qui dévoilent l’envers du décor des espaces érotiques, tels que les strip-clubs et chambres d’hôtel... Loin des clichés sexuels, ces films mettent en lumière l’intimité, l’humanité, le désir, la tendresse, mais aussi l’humour et la complicité. À travers mon expérience de stripteaseuse et mon engagement militant, je souhaite révéler ce que les clients viennent réellement chercher, mais aussi explorer la sororité entre les filles, le rapport au corps et la tension entre désir et frustration.
  • Un court film (20 min), découpé en plusieurs scènes, qui interroge la mécanique du désir à travers les gestes des travailleuses du sexe. Ces gestes, souvent ritualisés et stratégiques, seront présentés de manière détachée, exposant la séduction comme une performance mécanique.

Rozenn Veauvy

A MINIMA

Pour A MINIMA je m’intéresse à la manière dont les artistes et travailleureuses de l’art naviguent dans les dispositifs d’aides sociales en France, entre nécessité, précarité et absurdité administrative. A MINIMA est une création textuelle et sonore qui prend racine dans ces réalités: une plongée dans le langage des administrations, des entretiens à la CAF, des injonctions normatives et des témoignages d’artistes confrontés à ces systèmes.

Ce projet s'inscrit dans une recherche plus large sur l’impact des politiques sociales et de l’économie sur la création artistique, en écho aux récentes mobilisations en Pays de la Loire.

Mon objectif est d’explorer la puissance narrative des témoignages, en les travaillant dans une forme textuelle et sonore, mêlant la poésie et la musique. Ce format m’a semblé être le plus juste, lorsque j’y ai associé la question de la précarité chez les artistes - auteurices, et l’évidente association avec l’histoire des chants des luttes sociales. Lorsque les travailleureuses chantent leur conditions de travail, leurs souffrances et leurs attentes. Même si A MINIMA, n’est pas un projet de chants révolutionnaires, il est évident que cette facette historique doit entrer dans mon champ de recherche.

Gaspar Willmann

Glass House (transparent crust)

Glass House (transparent crust) est une installation vidéo en deux modules, composés d’écrans leds et de panneaux de Plexiglas gravés. Clin-d’œil assumé au projet inachevé Glass house (1926-1930) de Sergueï Eisenstein, le projet présente Bob R., un personnage vivant dans un monde où toutes les surfaces sont transparentes.

Reclus dans son appartement, au vu et au su de tous, ce « monsieur tout le monde » est paralysé par ce monde de verre et va chercher des solutions pour s’extraire de cette simulation. C’est que même chez soi, dans son lit, derrière les meubles, il est impossible de trouver du repos.

En faisant le choix du found footage et de la diffusion sur des écrans leds au pitch faible, l’artiste propose une « écologie du regard » tout autant qu’une économie de moyen qui met le montage au cœur de processus de création. Ce terrain de jeu propice aux surimpressions et aux images pauvres rappelle que le montage est un objet politique quand il fait des images une destination que le regardeur n’avait pas anticipé. En utilisant comme acteurs des prestataires trouvés en ligne sur des sites comme upwork ou fiverr, Gaspar Willmann fait passer ses propres craintes sur les IA analytiques ou son addiction aux écrans via la voix d’individus déjà au coeur d’une matrice, véritables usagers subissant déjà les algorithmes de tri. 

Qingmei Yao

Chroniques du Kung-Fu : Cent contre Un

Chroniques du Kung-Fu : Cent contre Un est un projet de vidéo d’art qui réinvente la scène emblématique « un contre cent » des films de kung-fu, en faisant dialoguer les récits de migration et la mémoire corporelle. Plutôt que de célébrer le héros invincible, l’installation confronte la virtuosité d’un artiste martial à l’endurance de migrants chinois récemment arrivés, surnommés « line walkers », qui ont traversé l’Amérique du Sud et le Darién pour gagner les États-Unis.

La forme retenue est une double projection vidéo où se juxtapose d’un côté un combat chorégraphié, de l’autre la réalité de corps épuisés par la répétition et la fatigue. À travers des témoignages et l’intégration du rap, le projet révèle une autre dimension de la « lutte », où la vulnérabilité et l’effort deviennent porteurs d’une force collective.

En détournant l’esthétique traditionnelle du kung-fu, Chroniques du Kung-Fu interroge la notion même de combat, qu’il transforme en expérience poétique et résiliente ancrée dans la réalité migratoire.

Dernière mise à jour le 2 juillet 2025