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Exposition
Arts plastiques
Les filles du calvaire Paris 03

Katinka Lampe

Pour un classicisme éminemment contemporain

 

Katinka Lampe, artiste néerlandaise, poursuit une remarquable carrière jalonnée de nombreuses expositions et ensembles picturaux qui associent une surprenante contemporanéité, de par son style et ses sujets, à une filiation avec l’histoire de la peinture et le genre du portrait - dont la scène hollandaise contemporaine englobe plusieurs de ses dignes représentants tant en peinture qu’en photographie. 

En 2014, elle a présenté une exceptionnelle exposition[1] au célèbre Musée Van Loon d’Amsterdam. Celui-ci abrite un ensemble historique de portraits familiaux jalonnant plusieurs siècles dont les descendants qui, en sont toujours les propriétaires et les mécènes, sont  très actifs dans le champ de l’art contemporain auquel ils dédient des expositions temporaires. Ils ont souhaité cette fois-ci aller plus loin en prolongeant la collection de portraits par un grand ensemble commandé à Katinka Lampe. Elle s’y est consacrée pendant plus de deux ans. Lors de l’exposition, l’artiste a intégralement re-scénographié le musée en mettant en miroir ses portraits avec ceux de la collection, exposés dans les pièces d’habitation de cette grande demeure bourgeoise du XVIIème -  muséographiées avec leur mobilier et leur décor d’époque XVIIIème. Cette exposition a suscité plus de 35 000 visites et un succès retentissant trouvant une véritable résonnance tant auprès des amateurs d’art ancien que d’art contemporain.

Pour autant, les portraits de Katinka Lampe de la famille van Loon sont résolument contemporains puisqu’ils représentent principalement, comme souvent dans son art, des jeunes personnes accoutrées avec habits et accessoires, tenant plus du fantasme et de la mascarade que du hiératisme protestant des portraits anciens. De même, Lampe joue à nouveau des codes séculaires de la posture du sujet en choisissant un cadrage détonnant, inspiré des photographies qu’elle réalise de ses modèles au moment de leur « mise en costume » dans des scènes orchestrées librement avec ses personnages. Les cadres, des gros plans la plupart du temps, renforcent souvent l’effet d’étrangeté et confèrent parfois au personnage un aspect grotesque, voire grimaçant, venant intensifier le décalage temporel provoqué par la perruque ou le masque qu’il arbore.

Dans un deuxième temps, Lampe s’inspire de ces images au moment de leur  « mise en peinture », sans pour autant en faire des copies conformes. A la différence d’autres peintres  contemporains, à l’instar de Gerard Richter, qui s’inspirent directement de la technique photographique Katinka Lampe confère à la photographie un rôle d’incubateur qui permet autant aux modèles de se plonger dans un univers fantasmagorique et de libérer leurs énergies profondes qu’à l’artiste de capter leur singularité.

 

 

Les fonds sont quant à eux travaillés comme des zones franches où la plénitude de la monochromie sert avant tout, selon la tonalité employée, à souligner la puissance des volumes corporels ou, au contraire, à offrir une relative fragilité au personnage.  De même, le trait figuratif laisse une large autonomie à la couleur. Celle-ci se déploie souvent dans des plages réservées au motif, qui devenu prétexte, n’est plus déterminé que par la ligne le cernant. Les accessoires tels que les perruques, coiffes ou masques sont autant d’opportunités laissant libre court à la peinture, à travers le velours des aplats. Ici la couleur joue à plein de sa densité et de sa matité. Dans un même espace pictural, ces plages abstraites sont mises en dialogue avec de subtils glacis, dont l’effet vibratoire rend à merveille la délicatesse des peaux, l’évanescence des voiles et le cristallin des bijoux.

A l’occasion de cette nouvelle exposition à la galerie et de son solo show, présenté en écho au Grand Palais, pour ART Paris, Katinka Lampe va à nouveau bousculer l’art du portrait en créant deux nouveaux corpus. Le solo show est présenté telle une série et s’inspire aussi bien de portraits classiques que d’images de mode ou cinématographiques. L’ensemble est conçu comme une scène de théâtre d’où surgissent des icônes maniéristes, dont les accessoires (masques, collants ou voiles) font le lien avec la vie quotidienne contemporaine. L’atmosphère qui s’en dégage est teintée de réminiscences surréalistes tandis que certains décalages stylistiques ne sont pas rappeler le fantasque chic et pop de David Bowie ou l’ambiguïté punk d’Alexander Mc Queen.

Pour l’espace de la galerie, l’accrochage, différent, est plus solennel car il se désire, en partie, comme un hommage silencieux aux victimes de novembre. La peintre nous livre ainsi une galerie de portraits, extrêmement raffinés tant dans la ciselure du trait, que dans les tonalités des corps, subtiles et minimales, qui résonnent avec des fonds contrastés. Ces tableaux à la densité élégante rappellent ainsi, tel un hommage néo-gothique, la profondeur de l’art et de la culture flamande et hollandaise de l’artiste. De cette manière sobre et empathique, cette néerlandaise souhaite évoquer le silence et procurer au spectateur une infime quiétude visuelle et un apaisement spirituel. Et à travers ce remarquable corpus, l’artiste explore un espace-temps qui permet à sa peinture de rejoindre celle de l’Histoire… Pour un instant seulement.

 

 

Christine Ollier

 

Commissaires d'exposition

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Katinka Lampe

Horaires

Ouvert du mardi au samedi de 11h à 18h30

Adresse

Les filles du calvaire 17 rue des Filles du calvaire 75003 Paris 03 France

Comment s'y rendre

17 rue des Filles-du-Calvaire, 75003 Paris Métro : ligne 8, station Filles du calvaire. Bus : lignes 96, 20, 65 /arrêt Oberkampf - Filles du calvaire
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022