Sic Transit Gloria Mundi

Ainsi passe la gloire du Monde
Exposition
Arts plastiques
Galerie Eva Hober Paris 08

Ce siècle qui a dix ans est celui des tours effondrées, des guerres justes et chirur- gicales, des kamikazes aveugles, des ci- vils qui paient le prix fort, des traversées et des accostages aléatoires, des charters menottés, des retours à la case départ, des démocraties qui glissent doucement, du populisme triomphant... Contre tout cela, l’art sait qu’il ne peut fondamenta- lement rien, et il convient de se méfier des preux chevaliers blancs qui, prati- quant l’engagement ostentatoire et le trafic d’indulgences, s’offrent de vous fournir une conscience politique à bon compte, de loin et proprement. Contre le mal, l’art est impuissant, mais devrait- il pour autant feindre de ne rien voir ni entendre de notre sombre époque et se retourner narcissiquement sur lui- même, répétant à l’infini les hauts faits des héros d’hier afin de plaire aux aînés et leur faire croire que leur passé est notre avenir ? J’ai le sentiment que, dans son essence, notre époque n’est pas celle du néo-conceptualisme ou du néo- minimalisme. Entre les engagés de sa- lons feutrés et les bons élèves, il doit bien exister une troisième solution. Sic Transit Gloria Mundi est un drame en quatre tableaux. Quatre artistes – quatre peintres – en sont les acteurs. Gregory Forstner, Axel Pahlavi, Sté- phane Pencréac’h et Ronald Ophuis ne se font sans doute aucune illusion sur l’avenir du monde, dont ils observent les évolutions sans jugement moral, globa- lement sans optimisme ni pessimisme. Ils savent en effet que ce qui est arrivé arrivera encore, parce que l’humanité réagit à un certain nombre de réflexes et stimuli récurrents – appelons-les des « passions » –, lesquels ont finalement assez peu varié depuis les récits d’Ho- mère, d’Eschyle ou de la Bible. De ce point de vue, les quatre artistes se sont ici partagé le « monde » : en somme, Pencréac’h traite du sexe, Pahlavi de l’amour, Ophuis de la violence, Forstner de la mort. La permanence de ces quatre compo- santes humaines essentielles – comme il y eut quatre types d’humeurs ou d’élé- ments – est certainement la raison pour laquelle on retrouve dans les tableaux de cette exposition des aspects mytholo- giques et religieux : ici une composition évoque une crucifixion, là une mise au tombeau... mais sur un mode crypté. Ces réminiscences relèvent en effet moins du clin d’œil à l’art du passé que d’une grande culture visuelle qui innerve la pratique des artistes. Cette culture constitue un vivier de solutions for- melles dans lequel ils puisent subrep- ticement, afin que ces anciennes images et sujets, transfigurés et investis d’un nouveau contenu, agissent d’une ma- nière subliminale. Les stratégies formelles mises en œuvres par ces artistes sont diverses. Elles partagent cependant un même intérêt pour « l’image choc », directe, frontale, sans pour autant céder aux attraits aguicheurs de la littéralité monosémique, laquelle se révèle grande fossoyeuse : lorsqu’on vous dit précisément ce qu’il faut regarder et comprendre, s’agit-il en- core d’art ? On ne saurait en effet affir- mer avec précision ce qui se passe dans cesœuvres.Chacuneconstitue,enquel- que sorte, un mystère, au sens presque médiéval du terme. Ainsi s’exposent, dans ces tableaux, l’image d’une humanité intemporelle,et la gloire du monde, qui ne fait que passer. EVA HOBER

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Axel Pahlavi

Adresse

Galerie Eva Hober 156 boulevard Haussmann 75008 Paris 08 France
Dernière mise à jour le 2 mars 2020