Room 236

Exposition collective
Exposition
Arts plastiques
GALERIE CHLOE SALGADO Paris 03
Vue de l'exposition ROOM 236, GALERIE CHLOE SALGADO, 2020

« “Le problème n’est pas d’inventer l’espace, encore moins de le ré-inventer, mais de l’interroger, ou, plus simplement encore, de le lire ; car ce que nous appelons quotidienneté n’est pas évidence, mais opacité : une forme de cécité, une manière d’anesthésie.” 

Cette absence de perception dont parle Georges Perec dans le livre Espèces d’espaces est le résultat de notre indifférence face à ce qui nous est du plus ordinaire. Au matin levé, nos yeux s’ouvrent voilés. Chaque élément qui compose ma pièce de vie, ma salle à manger, ma cuisine, mon jardin ou ma salle de bain, se disperse pour s’effacer à mesure que j’en ai l’usage. Du quotidien de nos intérieurs disparaissent courbes et creux.

Le concept curatorial Room (Room 237 - Le salon, Galerie Bubenberg, juin 2019 ; Room 236 - La salle d’eau, GALERIE CHLOE SALGADO, janvier 2020) est né de cette envie d’éveiller nos affects autour de l’habitat, et de formuler par l’art de nouveaux alphabets pour lire nos espaces de vies.

Voyez-vous ces enseignes, pignons sur rue, éclairées de jour comme de nuit, et qui présentent un large répertoire de mobilier, accessoires, et revêtements ? Des showrooms concentrés sur les mêmes trottoirs, celui du Boulevard Saint-Germain à Paris par exemple, où les vitrines se succèdent ? La rue y devient un catalogue de styles et de goûts. Galeries commerciales lisses et glacées, elles ont inspiré Room 236.

Présentée comme une pièce témoin, l’exposition détourne objets et usages pour composer une salle d’eau passée et future à travers des époques esthétiques contradictoires. Dans l’antiquité, ce sont les civilisations grecques, romaines et égyptiennes qui ont popularisé le rituel social mêlant corps et eaux dans les thermes et bains publics. Cet héritage est le berceau de nos salles de bains.

Par évocation ou traduction contemporaine, l’eau parmi les œuvres de l’exposition est omniprésente. Elle nous accueille par un son régulier chez Arthur Hoffner, dont le motif de la fontaine est obsessionnel dans sa production plastique. À ses côtés, l’eau se fige sous de multiples facettes, comme saisie par tout son spectre coloré, dans le respect du mouvement liquide du verre manipulé par Flavie Audi. L’espace s’accessoirise pour accompagner l’hygiène corporelle dans les œuvres d’Hélène Garcia sous des parures de mailles empruntées à l’époque médiévale et des éponges naturelles précieuses. Humide, la pièce transpire dans les états de matières synthétiques qui imitent les phénomènes naturels chez Jonathan Bréchignac. Par son installation, les linceuls de Jenna Kaës, martelés de fleurs naturelles invitent au passage dans l’intimité du bain. Quelques pétales apparentes et fragiles distillent des fragrances inodores. La peinture ondulatoire d'Hugo Avigo forme par un système de puzzle des scènes suspendues, du lac d’altitude aux flaques nacrées. Quant à Amandine Maas, elle puise dans son observation attentive du corps et des soins apportés, des palettes et matières pour ses sculptures prêtes-à-porter.

Les œuvres nouent entre elles des dialogues éphémères, rejouant ainsi les dispositions conventionnelles ou historiques des pièces d’eau. Par une étrange familiarité, nous nous employons à relire les contours de ces œuvres confondues en objets, et soigner notre regard pour s’amuser du plus ordinaire. »

Anne Bourrassé

Commissaires d'exposition

Adresse

GALERIE CHLOE SALGADO 61, rue de Saintonge 75003 Paris 03 France
Dernière mise à jour le 11 janvier 2023