Restitution d’une œuvre disparue : La Plaine, Cassis-sur-mer (1913) d’Henri Manguin
![Paysage lumineux représentant des collines, des maisons et une végétation méditerranéenne à Cassis-sur-Mer, peint dans des tons doux et naturels. Paysage lumineux représentant des collines, des maisons et une végétation méditerranéenne à Cassis-sur-Mer, peint dans des tons doux et naturels.](/sites/default/files/styles/mobile/public/drawing/image/2024/12/La%20Plaine%2C%20Cassis-sur-mer%20OK.jpg?itok=yhBvJsLI)
Henri Manguin, La Plaine, Cassis-sur-Mer, 1913. Huile sur toile, 100 x 120 cm. Collection du Centre national des arts plastiques, inv. FNAC 5315
Le 11 décembre, une œuvre importante du patrimoine français, avérée disparue depuis 1950, a été restituée au Centre national des arts plastiques (Cnap) par le groupe Bayer. La Plaine, Cassis-sur-mer, paysage peint en 1913 par le peintre fauve Henri Manguin, réintégre cette collection exceptionnelle constituée par l’État qui compte près de 108 000 œuvres.
Afin de permettre au public de découvrir cette œuvre au destin singulier, La Plaine, Cassis-sur-mer, sera déposée au Musée d’art moderne André Malraux (MuMa) du Havre, une destination naturelle pour cette œuvre d’Henri Manguin tant les côtes normandes ont inspiré les peintres fauves avant même celles de la Méditerranée. Au sein du nouveau parcours des collections, elle rejoindra les paysages provençaux d’Albert Marquet, d’Othon Friesz ou de Charles Camoin, exposées au niveau de la mezzanine du musée. La restitution fera l’objet d’un événement au MuMa le 11 décembre 2024, en présence du groupe Bayer.
Une œuvre à l’histoire singulière
L’histoire de ce paysage de Provence, région chère au peintre Henri Manguin, était en partie méconnue jusqu’à sa réapparition en 2024. Le Cnap a pu, grâce au soutien de Bayer, en retracer quelques jalons.
Peint en 1913, ce paysage est acheté trois ans plus tard par l’État français, qui avait déjà acquis auprès de l’artiste cinq toiles – des copies d’après les maîtres – à la fin du XIXe siècle. Après le scandale du Salon d’Automne de 1905 qui a constitué l’acte de naissance de la nébuleuse fauve, Henri Manguin bénéficie d’une certaine notoriété : il reçoit le soutien de nombreux collectionneurs et galeristes, comme Ambroise Vollard ou Eugène Druet, et participe fréquemment aux différents salons artistiques, en France et à l’étranger. C’est à l’occasion de l’édition de la Triennale de 1916 que l’œuvre est acquise par l’État français auprès du galeriste Druet, célèbre pour son travail photographique avec Rodin, avant d’être déposée au ministère des Affaires étrangères.
Trente ans plus tard, la disparition de La Plaine, Cassis-sur-mer est constatée à l’occasion d’un récolement des dépôts de l’État au ministère des Affaires étrangères, dont le bâtiment a été occupé entre 1940 et 1944 par l’armée allemande. Jusqu’en 2024, la suite de l’histoire de La Plaine, Cassis-sur -mer est restée méconnue – et ce malgré des recherches du Cnap. Les informations transmises par le groupe Bayer, qui avait fait l’acquisition de l’œuvre au début des années 1950, ont permis de recoudre les fils de l’histoire : La Plaine aurait été conservée un temps par l’Association artistique de Rhénanie et de Westphalie (Kunstverein fur Rheinlande und Westfalen), avant d’être acquise par Bayer et intégrée à sa collection. Consacrée à la présentation et à la diffusion de l’art contemporain, la Kunstverein organisait des expositions d’artistes vivants en Allemagne et à l’étranger. Après-guerre, elle a été dirigée par l’historien de l’art et marchand allemand Hildebrand Gurlitt, impliqué dans de nombreuses spoliations d’œuvres d’art par les Nazis, laissant ainsi penser que La Plaine aurait été emportée en Allemagne durant l’Occupation.
Plus de soixante-dix ans après que sa disparition ait été avérée, l’œuvre est réapparue dans la perspective d’une vente confiée à Sotheby’s Cologne. Des recherches ont permis à Bayer et à Sotheby’s de la rattacher à la collection du Cnap. Souhaitant restituer l’œuvre à l’État français, Bayer a contacté le Cnap qui a pu rapidement confirmer l’identification de l’œuvre de manière certaine. Soucieux de présenter l’œuvre au public, l’établissement public a proposé l’œuvre en dépôt au MuMa. Après plus de quatre-vingts ans d’absence, le Cnap, Bayer et le MuMa sont très heureux de pouvoir retracer le cheminement de cette œuvre importante et de lui redonner la visibilité qu’elle mérite.
Henri Manguin, le Havre et la Méditerranée
Albert Marquet, Henri Matisse, Henri Manguin… autant de peintres – proches et compagnons de travail – qui voyagèrent sur les côtes normandes et/ou sur les côtes méditerranéennes dans le sillage des impressionnistes.
Soucieux de retranscrire en peinture les atmosphères changeantes des paysages normands, Henri Manguin voyage ainsi dès 1903 à Fécamp en compagnie d’Albert Marquet. C’est toutefois la Méditerranée et sa lumière éclatante qui reçoit le plus son attention. Il s’y rend dès 1904, louant la villa La Ramade à Saint-Tropez qu’occupait quelques jours avant lui Matisse. Après le Salon d’Automne de 1905, les voyages se multiplient et inspirent de nombreuses peintures, paysages ou baigneuses, aux couleurs franches et contrastées, comme la Baigneuse aussi appelée Baigneuse à Cavalière de 1906 (FNAC 16148), conservée dans la collection du Cnap et déposée au musée de l’Annonciade à Saint-Tropez.
Dès 1905, Manguin expose à la Société des amis des arts du Havre, qui a été l’une des premières à s’ouvrir aux tendances de l’art moderne. L’exposition se distingue par une participation massive de jeunes artistes havrais tels que Raoul Dufy et Othon Friesz, mais aussi de nouveaux venus tels que Charles Camoin, Albert Marquet ou Henri Manguin. En 1906, dans l’Orangerie de l’Hôtel-de-ville du Havre s’ouvre la première exposition du Cercle de l’art moderne. Manguin qui est proche du peintre Othon Friesz membre du comité d’organisation du cercle, y expose chaque année jusqu’en 1909 et remporte de grands succès auprès des collectionneurs havrais.
La Plaine, peinture au chromatisme moins marqué que les œuvres de la période fauve, témoigne quant à elle de l’évolution du travail d’Henri Manguin, qui, huit ans après le Salon fauve, livre une vision plus apaisée des paysages méditerranéens. De 1912 à 1914, il passe ses étés à Cassis, ce village de pêcheurs célèbre pour ses falaises abruptes, couvertes de maquis, descendant vers les calanques.
Manguin exécute ce paysage lors d’un séjour en famille à la villa Villecroze pendant l’été 1913. L’artiste travaille à de grands paysages dans l’arrière-pays vallonné. Les arbres et buissons verdoyants sont ponctués par les toits de terre cuite des fermes tandis que les chemins sablonneux mènent au pont à arcades qui se dessine dans le lointain. Manguin esquisse alors une première étude de ce paysage, de dimensions réduites, par la suite acquise par les collectionneurs suisses Hedy et Arthur Hahnloser.
Au musée du Havre, ce paysage provençal voisine désormais avec ceux de ses compagnons de peinture, Marquet, Camoin ou encore Othon Friesz. Ces amis « fauves », auxquels il faut notamment ajouter Kees Van Dongen, ne cèdent pas aux sirènes du cubisme et vont trouver leur propre voie dans le paysage.
Partenaires
Musée d’art moderne André Malraux (MuMa), Le Havre
Constituées à partir de 1845, les collections du musée ont d’abord été un reflet fidèle des différentes écoles de peinture européenne depuis la Renaissance. Mais au tournant du XXe siècle, à la suite de plusieurs dons et legs importants, le musée devient un haut lieu de l’impressionnisme et du fauvisme.
En 1900, le frère d’Eugène Boudin, Louis, lègue à la Ville du Havre le fonds d’atelier de l’artiste, soit deux cent quarante esquisses peintes sur toile, carton ou panneau de bois.
En 1901, véritable exception française, la Ville du Havre crée une commission formée d’amateurs « éclairés », chargée de choisir des œuvres significatives de l’époque contemporaine afin d’enrichir les collections publiques. En 1901, elle acquiert des œuvres d’artistes de la galerie Durand-Ruel : Maxime Maufra, Henry Moret et Georges d’Espagnat. En 1903, les membres de la commission invitent Camille Pissarro à venir peindre au Havre. Il y exécute vingt-quatre toiles : le musée du Havre, première institution publique à lui acheter des œuvres, achète deux d’entre elles. En 1910, Claude Monet fait un don exceptionnel au musée (Les Falaises de Varengeville, Londres, Le Parlement et Les Nymphéas).
Ce fonds est enrichi en 1936 par le legs du havrais Charles-Auguste Marande, négociant en coton, et grand amateur d’art, membre fondateur en 1906 du Cercle de l’art moderne, avec, entre autres, Olivier Senn, Raoul Dufy et Georges Braque. Soixante-trois peintures, vingt-cinq dessins et une sculpture, dont de nouvelles pièces impressionnistes (Renoir, Monet, Pissarro) mais surtout des œuvres fauves (Marquet, van Dongen, Camoin), font leur entrée dans les collections du musée.
En 1963, la veuve du havrais Raoul Dufy lègue un ensemble de soixante-dix œuvres de son mari (peinture, dessin, tapisserie, céramique). Parallèlement, des pièces du XIXe siècle (Monet, Fécamp bord de mer ; Courbet, La Vague) et XXe siècle (Léger, Hélion, Villon, Dubuffet...) sont acquises.
En 2004, le MuMa se voit offrir, par donation d’Hélène Senn-Foulds, l’extraordinaire collection de son grand-père, Olivier Senn. Constituée de la fin du XIXe siècle aux années trente, la donation se compose de deux cent cinq œuvres (soixante et onze peintures, cent trente œuvres graphiques et cinq sculptures parmi lesquelles Courbet, Delacroix, Corot, Renoir, Sisley, Monet, Pissarro, Guillaumin, Degas, Cross, Sérusier, Vallotton, Bonnard et Vuillard, Derain, Marquet et Matisse...) et propulse le MuMa parmi les plus riches musées français en peinture impressionniste.
En 2009, Hélène Senn-Foulds offre aussi la collection de son père Edouard. Soixante-sept œuvres (quarante-deux peintures, quinze dessins, cinq gravures et cinq sculptures) composent cette donation dont Paysage, Antibes, de Nicolas de Staël. Enfin en 2015, Pierre-Maurice Mathey, petit- fils par alliance d’Olivier Senn, offre dix peintures et sept dessins (Boudin, Pissarro, Guillaumin, Marquet, Cross, Vignon, Utrillo, mais aussi Degas pour les dessins).
En 2019, le MuMa acquiert Le Havre, le bassin (1906) d’Albert Marquet. Barque sur la grève (1956) de Georges Braque entre dans les collections suite au legs de Florence Malraux. En 2020, le MuMa reçoit Le Clocher de l’église d’Harfleur (1901- 1903), de Raoul Dufy, Tête d’enfant et pomme d’Auguste Renoir, Herblay, Automne, Le remorqueur (1919) de Marquet et Lever de lune, vieille route de Tréduder (1898) de Charles Guilloux. En 2022, lors du décès de sa compagne, Silvia Baron Supervielle décide d’offrir une œuvre de Geneviève Asse, Horizontale (1978). Deux collectionneurs font aussi don, sous réserve d’usufruit, d’une œuvre de Marquet, Notre Dame de Paris sous la neige (1916).
Le MuMa possède aujourd’hui près de 4 500 œuvres (1650 peintures, 190 sculptures, 2 000 œuvres graphiques, 400 photographies et nouveaux médias, 140 œuvres d’art décoratif et textile). Les dépôts du Cnap au MuMa sont nombreux : ils comprennent cinquante-deux peintures et quatorze sculptures dont Le Signal d’Henri-Georges Adam (FNAC 9032). En 1956, le bureau des Travaux d'art de l'administration des Beaux-Arts, dont le Cnap est l’héritier, qui a pour mission d'enrichir le patrimoine artistique de l'État, d'en assurer la répartition sur le territoire et de soutenir le travail des artistes plasticiens vivants, commande à Henri-Georges Adam cette sculpture monumentale, en béton (ciment) et aluminium. Installée en 1961, elle veille encore aujourd’hui sur le parvis du musée.
Par ailleurs entre 2007 et 2009, dans le cadre d’une commande publique du ministère de la Culture et du Centre national des arts plastiques, des œuvres photographiques du Havre ont été commandées aux artistes Nancy Wilson-Pajic, Charles Decorps et Xavier Zimmermann. Ces photographies sont depuis en dépôt au musée du Havre.
Bayer
Bayer est un groupe international des Sciences de la vie, dont les cœurs de métier sont la santé et l’agriculture. En adéquation avec sa mission « Health for all, Hunger for none », les produits et services de Bayer sont conçus pour répondre aux défis d'une population mondiale croissante et vieillissante, en protégeant chacun au quotidien. Créant de la valeur par l’innovation et la science, Bayer s’engage fortement en matière de développement durable et adopte une conduite transparente et responsable de ses activités. En 2023, Bayer comptait environ 100 000 salariés et a réalisé un chiffre d’affaires de 47,6 milliards d’euros. Le Groupe a consacré 5,8 milliards d’euros à la R&D.
L’engagement culturel de Bayer
Bayer est impliqué dans des activités culturelles depuis 1907. Aujourd'hui, l'entreprise possède une vaste collection de peintures, dessins, gravures et sculptures d'artistes renommés des XXe et XXIe siècles. Cette collection comprend des œuvres de peintres, d'artistes multimédias et de sculpteurs de renommée internationale, ainsi que des créations réalisées pour l'entreprise ou ayant une importance historique pour celle-ci.
Avec le stARTfestival, « Bayer Kultur » propose chaque printemps un programme culturel de qualité dans différents sites Bayer à travers l'Allemagne. Des activités pour les enfants et les jeunes viennent compléter ce programme. Depuis plus d'une décennie, Bayer soutient également les jeunes talents dans les domaines de la musique, de la danse et du cinéma grâce à la stARTacademy. L'objectif de cet engagement est de favoriser une scène artistique et musicale vivante et diversifiée.
Adresse
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76600 Le Havre
France