Renaud Auguste-Dormeuil
Renaud Auguste-Dormeuil
Bigger Than Life
18.03 /30.04
2010
pour Bigger Than Life, sa seconde exposition personnelle à la galerie in situ / fabienne leclerc, renaud auguste-dormeuil -1968- démontre, une fois de plus, son goût pour la pensée et le travail en série, forme de réflexion fertile que sa pratique endosse régulièrement. artiste politique – au sens premier du terme –, prenant en compte les enjeux contemporains dans une œuvre à l’indéniable force plastique, renaud auguste-dormeuil ne cesse de mettre en question l’image et les représentations, qu’elles soient médiatiques, officielles ou plus intimes. ce faisant, il informe sur la manière dont les systèmes urbains, économiques, politiques et culturels sont organisés, se jouant des valeurs et des symboles établis.
ainsi, de la représentation officielle du pouvoir, déstructurée par la série Les Ambitieux - 2008. cette irrévérencieuse galerie de portraits, issue d’une réduction corporelle à la mode jivaro – guillotine d’un genre nouveau –, réduit de grandes figures de l’histoire politique aux attributs de la puissance, à des spécificités locales et vestimentaires et à un sens – l’ouïe – où la flatterie est toujours la bienvenue. néanmoins, ces portraits officiels, proprement défigurés, sont, pour un certain nombre, aisément reconnaissables. l’accessoire - un cigare, une casquette, une érudition livresque - s’est fait signe et symbole, les incarnations successives du pouvoir renforçant les permanence étatique et nationale. de plus, l’accrochage de cette galerie de portraits, dans la scénographie imaginée par l’artiste, la transforme en un tribunal implacable, à la fois dérisoire et menaçant, toisant, du haut de sa respectabilité, des personnages à taille humaine s’épuisant sur le « ring » de la vie.
en effet, l’installation et la série Sans titre - 2010 - présente des couples sujets aux lois de l’attraction terrestre et de la violence sociale. corps affaissés, étreintes fragiles, silhouettes détourées dessinent une population très 1930 en proie à une mystérieuse léthargie, sous le coup de coups dont nous ne connaissons pas l’origine. un quelque sorte, la grande dépression des corps et des âmes.
en se réappropriant des images trouvées et historiquement datées, l’artiste en modifie notre lecture et nous invite à les considérer depuis l’intérieur du ring pour ce qu’elles sont : des figures étranges, assommées par une violence qui les dépasse.
plus loin, la série des Black Out, initiée à paris* lors de la résidence d’artistes eurogroup 2008-2009 puis élargie à rome et new york, procède, comme Les Ambitieux, d’une tension entre disparition et reconnaissance. poursuivant sa démarche cartographique entreprise dans la série Hôtel des transmissions-Jusqu’à un certain point 2003-2006, panoramas stratégiques de douze capitales européennes, ainsi que sa réflexion sur le visible – série The Day Before, Ecriture nocturne (toutes deux de 2004) –, les Black Out révèle des paysages urbains typés. ils renvoient aux images mentales des skylines de ces villes aux bâtis très dissemblables, New York révélant vite sa verticalité. réalisée depuis des points culminants, ces photographies s’avèrent être des portraits en négatifs – après les portraits jivaro et les corps « dépressifs » –, des tentatives démiurgiques pour ôter les lumières de la ville et en révéler l’essence cachée.
en regroupant trois séries récentes sous une expression typiquement américaine – « bigger than life » –, aux significations multiples, entre pessimisme et émerveillement, cette nouvelle exposition poursuit la réflexion de l’artiste sur le visible et l’invisible, le su et le vu, l’effacement et la révélation. Bigger Than Life est aussi le titre d’un film de nicholas ray sorti en 1956 et adulé par Les Cahiers du cinéma et jean-luc godard. dans sa traduction francaise, le film est devenu Derrière le miroir. une autre expression qui conviendrait bien à l’œuvre de renaud auguste-dormeuil.
clément dirié
le Blackout de Paris a été réalisé dans le cadre de la résidence d’artistes d’eurogroup 2009
le Blackout de New York prix meurice pour l’art contemporain 2010/2011