RÉFLEXIONS

"...Cinq décennies d'art et de création. 50 années ininterrompues de mouvement. À l'époque où je jouais encore à la balle et aux petites voitures, Jan était déjà un habitué des expositions du Stedelijk Museum d'Amsterdam, du Van Abbemuseum d'Eindhoven ou du Museum Booijmans van Beuningen de Rotterdam.
50 années passées au service de l'art visuel. Et, en réalité, plus longtemps encore ! Sculpteur, comme le dit Jan lui-même. Pour un fonctionnaire, on évoquerait « de longs états de service » mais j'espère que dans 10 ans on titrera encore : Jan van Munster, In Motion, 1970-2030.
L'œuvre de Jan est très riche et présente de très nombreuses facettes. Elle est également très conséquente et se démarque par une signature extrêmement claire et reconnaissable.
Au bout de 50 ans de création artistique il ne fait plus de doute que c'est « l'énergie » LE fil directeur de l'œuvre de Jan. Tout tourne autour de l'énergie. Même ce globe terrestre sur lequel nous vivons qui est constitué d'atomes. L'énergie tant au propre qu'au figuré avec sa charge invisible et émotionnelle. Énergie, force, tension, contraste. Voici les éléments qui reviennent constamment dans l'œuvre de Jan. Parfois il m'arrive de me figurer cette association d'une implosion de forces rassemblées, comme dans sa Battery for Five Fingers de 1995, exposée dans le jardin des sculptures du musée Kröller-Müller.
Avec l'énergie pour thème central, il est question, dans l'œuvre de Jan, d'attirance et de répulsion comme dans son travail magnétique, d'oppositions comme dans ses installations positif-négatif, de bipolarités entre lesquels circule l'énergie, d'ombre et de clarté, de noir et de blanc, de calme et de mouvement, de chaleur et de froid comme pour ses tables recouvertes d'une fine couche de glace ou pour ses fils de fer incandescents ; il est question de corps et d'esprit, de sentiment et de raison comme dans ses « Brainwaves », et pour finir, de la vie et de la mort.

Dans ses travaux, Jan s'attache à une forme d'expression pragmatique, réduite, à un idiome abstrait par le truchement duquel il poursuit sa quête vers la simplicité la plus aboutie. Qu'il s'agisse d'art concret, d'art abstrait géométrique, d'expressionnisme abstrait ou de post-minimalisme, il tient lui-même à clarifier que son travail est tout sauf abstrait. On y parle d'émotion, de visualisation des tensions entre lui et les autres, de sa volonté de rendre visibles celles entre le « moi » et le « toi ». Lignes et formes simples incarnent et rassemblent énergie et forces opposées. Quel poids ce
clou auquel est suspendu son carré dessiné au fusain est-il censé supporter ? « One Square on a Nail », fut présenté pour la première fois en 1972 : il constitue un exemple des œuvres de Jan dans lesquelles transparaît son humour. C'est aussi le cas dans Fixed Light de 1975, création dans laquelle il tente de fixer au mur au moyen d'un boulon, une ligne projetée de lumière. Et à qui viendrait à l'esprit de vouloir suspendre une dame aussi distinguée que « Miss Blanche » (première version 2014) à un simple gros clou tout juste pas rouillé ?

Personnellement, je qualifierais l'humour de Jan comme à froid, acéré, sans concession, et surtout potache. Exactement comme son style, sa signature artistique.
Ici, aux Pays-Bas, nous sommes habitués à ce style pur et minimaliste qu'est celui de Jan. Nous avons grandi avec ce jeu des lignes, qu'il s'agisse du mouvement “De Stijl” des van Doesburg, Mondriaan et Rietveld, ou de celles qui se dessinent dans les paysages de Hollande quand on peut les observer depuis l'avion. Ainsi, il y a quelques temps, à l'occasion de l'ouverture de l'une des expositions de Jan, j'ai essayé de familiariser le public allemand au néerlandais pour qualifier sa signature artistique par des adjectifs tels que : eenvoudig, puur, gewoon, precies, terughoudend, nuchter, functioneel, straf, streng (simple, pur, normal, précis, réservé, sobre, fonctionnel, rigoureux, sévère). Tout a fini par s'agréger dans le terme « strak » (épuré) passé depuis dans le vocabulaire allemand..."

- Extrait du texte de John Jaspers, directeur de l'International Centre for Light Art Unna, basé sur son discours prononcé le 4 mai 2019 à l'occasion de l'ouverture de l'exposition "In Motion 1970 – 2020" au Musée Kröller-Müller (Pays-Bas).

Image : Jan van Munster, Edged circle, 2017
© Michiel Vermet