Radical Hope

mor charpentier Paris 03
Vue d'exposition, Radical Hope, mor charpentier, Paris, 2020

Comment définir une frontière ? Ces délimitations qui déterminent de façon capitale l’existence humaine sont majoritairement le fruit de constructions historique, politique et économique, elles partagent finalement peu de chose avec les caractéristiques géographiques d’un territoire. Cependant, tirer une ligne de démarcation ou la déplacer modifie considérablement la réalité de part et d’autre de celle-ci, bouleversant l’identité même d’une terre, de la nature et des populations autour d’elle. Peut-on tracer des lignes sur la mer ? 

Traverser les frontières est aujourd’hui un privilège qui se voit refuser à une grande partie de l’humanité. Comme toute forme de privilège, il est principalement déterminé par la race, la classe et le genre : les occidentaux vivant à l’étranger se nomment eux-mêmes « expatriés », établissant une distinction précise avec les « immigrés » venant essentiellement du Sud. Les sociétés du 21e siècle sont en train de se distinguer par leur capacité de réaction face aux futures et actuelles urgences humanitaires. Les artistes, pleinement conscients de l’effort à mener, mettent en lumière ces routes et trajets qui rythment aujourd’hui la vie de nombreuses populations et documentent les potentialités de résistance, amenant dans leur sillage une forme d’espoir radical. 

History is the Future / The Future is History, une déclaration troublante qui se révèle de façon intermittente sur l’enseigne lumineuse d’Uriel Orlow. Le renversement de point de vue installe un sentiment d’inquiétude ou de méfiance vis-à-vis du devenir de nos sociétés contemporaines. L’oeuvre témoigne d’une période de crise profonde à la fois au sein de nos croyances idéologiques et morales mais également dans une urgence démocratique, économique et écologique. 

L’un des nombreux signes de ces chamboulements, est une perception de la frontière comme espace symbolique d’un conflit générateur d’identité et de réalité. 

L’oeuvre de Carlos Motta propose un ensemble de cartes dans le but de souligner la présence continue de la guerre et de la violence dans certains territoires. 

La cartographie est également au coeur des recherches menées par Rossella Biscotti afin de documenter la mer Méditerranée et les nombreuses lignes stratégiques souvent méconnues qui la régissent. Les cartes de l’artiste mettent en évidence des itinéraires commerciaux, des démarcations politiques et militaires, des trajets migratoires liés à la faune et la flore ainsi que les trajets de certains réfugiés.

Dans un même élan, Daniel Otero Torres constitue une série de globes en terre cuite à la surface desquels ils sculptent les schémas des grandes migrations animales, les seules pouvant encore traverser librement les océans et les continents. 

Le groupe de sérigraphies de Bouchra Khalili résulte d’un projet plus vaste : The Mapping Journey. Celui-ci est constitué d’une série de huit conversations filmées 

par l’artiste capturant à partir d’une carte et d’un tracé les récits de voyage de huit migrants. Les Constellations proposent une vision synthétique et abstraite du chemin parcouru, chaque voyage semble se métamorphoser en une constellation stellaire. Ces constellations deviennent le lieu où la mer et le ciel se confondent, où les frontières sont abolies et où le vécu de l’individu se transforme en une démarche alternative d’orientation. 

Une autre façon puissante de nous rappeler la possibilité d’un changement positif est de documenter la résistance. Teresa Margolles a passé plus d’un an à la frontière entre le Venezuela et la Colombie dénonçant l’immigration massive entre les deux pays, un des mouvements migratoire les plus importants jamais documentés en Amérique Latine. Teresa Margolles se concentre en particulier sur la résilience des femmes – ‘Carretilleras’ devenues ‘Trocheras’– et leur capacité à surmonter les épreuves issues d’une politique globale centrée sur l’individualisme. 

Dans un même mouvement, Marwa Arsanios part à la rencontre de communautés autonomes exclusivement dédiées aux femmes dans les montagnes du Kurdistan et au Nord de la Syrie. Les derniers films de l’artiste regroupés sous le titre de Who is afraid of Ideology ? posent notamment la question de la propriété des terres au Kurdistan, révélant des formes plus profondes de discrimination de genre ou de race dépassant largement l’actuel conflit militaire dans le pays. 

La pratique de Paz Errázuriz est également connue pour son engagement au sein de communautés en marge. Dans sa série Nómades del mar, elle se déplace en Patagonie chilienne pour photographier les derniers Kawésqar, un peuple nomade de la mer, connus pour leurs larges canoës et leur mode de vie maritime. Les clichés de l’artiste emprisonnent une culture en voie de disparition dans une relation intime à la nature et au paysage. 

Si le futur peut paraître plus incertain que jamais, l’art reste un outil de prédilection pour considérer le présent et le questionner afin de mettre en oeuvre un combat moral et intellectuel qui nous permette d’envisager le changement en devenir. 

> dossier de presse

Adresse

mor charpentier 61 rue de bretagne 75003 Paris 03 France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022