In Praesentia

Exposition
Arts plastiques
Villa du Parc Centre d'art contemporain Annemasse
Niels Trannois

A la Villa du Parc, Niels Trannois imagine In Praesentia, une exposition inspirée par l’atmosphère domestique du lieu, peuplée des traces délicates d’une personnalité amnésique qu’il évoque en creux. Les œuvres sont les relais d’une mémoire parcellaire, balbutiante, qui enregistrent les secousses de l’oubli en s’appuyant sur un vocabulaire symbolique primaire et presque de survie. Le vide y tient sa place, tant physiquement que mentalement, et rend d’autant plus sensibles et vibratoires les formes, robustes ou ténues, qui y opèrent.

Les installations, fortement localisées dans l’espace, apparaissent comme des flashs mentaux, où le geste pictural se fixe sur des objets chargés de souvenirs et puisés dans un environnement intime. S’y agrègent des éléments de tailles et de natures variées, qui s’équilibrent en se figeant dans une image. Les supports sont souvent massifs et abrupts, citant des éléments architecturaux ou mobiliers. Parmi eux, une grande rambarde ajourée en métal, une structure de claire-voie démontée, des poutres de bois fixés sur les murs courbes, ou encore une grande bâche de chantier. Ils s’adoucissent par adjonction de touches charnelles de couleurs, de figures fragmentaires, d’éléments légers et périssables comme des épines de pin ou des rubans peints, telles des allégories du temps qui passe et des références lointaines dont le sens s’est en partie perdu. Des enveloppes peintes, bouts de tissu, poèmes dyslexiques, branches, plumes, éclats de porcelaine, se déposent ainsi sur ce mobilier à l’usage décalé ou s’encapsulent par collage sous des plexiglas fixés au mur ou au coin des portes. Des points de rencontre et d’arrêt, ici un combiné téléphonique fixé sur des tasseaux, là une paire de fauteuils au design moderniste voilés par un rideau de câbles, recueillent reliques et collages de petits formats, et cristallisent l’absence d’un personnage fictionnel.

Dans cet univers onirique qui favorise les états de transition, de rêverie, de rémanence, les plans de représentation s’inversent, les contours s’incisent, les détails s’estompent, la fluidité et la réversibilité des matériaux comme des genres prévalent. La porcelaine, choisie pour ses qualités de résistance et de fragilité, matériau plastique qui en se figeant garde la trace du moindre traumatisme, agit comme une métaphore du cerveau, empruntant même ponctuellement sa forme ovoïde. Elle est le support de peintures aux significations mystérieuses, étrangement familières, qui nous entraînent vers l’imaginaire et des réalités parallèles. Espaces de projection mentale et arrière-salles de l’esprit, les œuvres figurent des corps stylisés, réifiés, ou fragmentés, mêlant actions ambigües et visions fantasmatiques. Des affiches d’expositions marquantes, de celles qu’on garde dans sa chambre ou dans l’atelier, deviennent avec le temps un support formel propice à de nouvelles combinaisons et collages.

L’invitation d’artistes complices insuffle une rythmique discrète et supplémentaire au parcours, au fil duquel l’identité absente se pare de multiples et subtiles variations. Chaque collaboration pensée pour cette exposition est construite sur un processus d’échange et de création spécifique, dans des relations à différents niveaux de porosité et d’influences. Elles infusent d’abord un assemblage provisoire de papiers autour d’une lampe en bronze bleuté, d’une sensualité froide, de la designeuse ukrainienne Polina Moroz ; ou s’inscrivent dans l’univers sonore de la musicienne Félicia Atkinson, qui a composé un morceau inédit, intitulé « Absent Friend », pour le projet In Praesentia. Dans une proximité interposée, il s’agit ailleurs d’emprunter à un ami une peinture des années 1960 qui lui est chère de la légendaire peintre new yorkaise Sylvia Sleigh, pour la faire côtoyer une de ses peintures ovales sur porcelaine. Ou encore d’expérimenter la dissolution de la figure du créateur qui prévaut d’ordinaire dans une exposition monographique en créant pour deux espaces de l’exposition des œuvres en duo avec son ami Jessy Razafimandimby, qu’ils signent sous le nom féminin de Quintana E.

S’esquisse alors, peut-être, en filigrane et négatif du parcours, la figure sous influence et aux multiples identités d’un être hybride, dandy.e mélancolique, sensible au symbolisme et aux associations subconscientes, aimanté.e par les expériences et les visions qui redistribuent les rôles et intensifient la vie.

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Niels Trannois, artiste français né en 1976, travaille à Bâle après avoir vécu une décennie à Berlin. Il développe une pratique picturale excédant ses limites comme médium, extensive à l’espace, aux objets, aux images, et ouverte aux collaborations extérieures. Projection esthétique qui permet le ressouvenir, la peinture se déploie comme une substance organique révélatrice des surfaces où elle se dépose. Le travail de Niels Trannois se nourrit d’images fantasmées, d’instants vécus à transmettre et de correspondances fictionnelles ramenés à la matérialité de supports aussi variés que l’affiche, la porcelaine, le métal.  Les œuvres oscillent entre figuration et abstraction, par la création d’un langage de signes et de dessins, l’emploi du collage et de la réhausse ou encore l’apport d’échos au réel souvent partiels. Niels Trannois tisse ainsi un univers symbolique, hanté par la vulnérabilité de la mémoire, qui se transmet par autant de traces et d’énigmes personnelles et collectives.

Commissaires d'exposition

Artistes

Autres artistes présentés

Félicia Atkinson, Sylvia Sleigh, Quintana E., Polina Moroz

Partenaires

L'exposition In Praesentia bénéficie du soutien de Pro Helvetia, Fondation suisse pour la Culture.

Horaires

Du mardi au dimanche de 14h à 18h30

Tarifs

Entrée gratuite

Accès mobilité réduite

Oui

Adresse

Villa du Parc Centre d'art contemporain Parc Montessuit 12 rue de Genève 74100 Annemasse France

Comment s'y rendre

Accès terminus tram 17 depuis Genève

Dernière mise à jour le 18 octobre 2022