Plateau 2 en ligne

« Inquiétances des temps »
Projection/Diffusion audio

II. Contre-histoire (architecture des médias)
22 mai-25 juin 2021

L’Histoire est une sorte de maquillage, dit en substance Greil Marcus dans Lipstick Traces. Une histoire secrète du vingtième siècle (Paris, Allia, 2000) : un recouvrement, des strates, des multitudes de chemins de traverse, des cicatrices qui réapparaissent. La création contemporaine témoigne de cela : des traversées de strates, d’histoires parallèles, de références, de sources diversifiées montées et mixées, formant une architecture temporelle. Tout au long du XXe siècle, des écrivains, des artistes, des cinéastes ont fait du face-à-face de l’image et de la technique un véritable espace d’expression, en plaçant la représentation, l’image, au cœur de l’architecture des médias, pour en penser tous les dépassements, les retournements féconds, les appropriations singulières, afin de conquérir une toujours plus grande unité de sens en interrogeant la rhétorique des images médiatiques, et non pour déployer des appareillages technologiques complexes.

5 films

Florence Lazar, Les Bosquets, 2011, 51’13”
Les films de Florence Lazar interrogent la fonction de témoignage de toute représentation lorsque celle-ci se mesure au récit d’événements qui mettent en péril l’humanité. Ils mettent en scène d’une manière très subtile des moments de parole. Le film Les Bosquets poursuit son projet filmique : « Filmer une parole amplifiée dans l’espace public ». Le film est composé de longs plans-séquences accueillant le son et les dialogues en hors-champ des mères de famille, des adolescents, des habitants, confrontés à la destruction-reconstruction inéluctable de leur lieu de vie.

Florence Lazar, Les Bosquets, 2011, 51’13”

 

Florence Lazar, 125 Hectares, 2019, 33’25”
Filmé dans le nord de la Martinique, terre agricole hautement polluée depuis des décennies par le chlordécone, pesticide toxique lié à la culture intensive de la banane, 125 Hectares est une leçon de résistance en acte à la crise écologique, et de lutte contre les diktats technico-agricoles imposés par la politique agricole aux agriculteurs martiniquais. En donnant la parole à Véronique Montjean, une agricultrice filmée au travail sur le terrain qu’elle occupe illicitement avec un collectif d’agriculteurs depuis les années 1980, le film produit une analyse politique très précise du contexte colonial dans lequel la pollution au chlordécone a pu s’instaurer, rendant précaires l’existence de générations entières d’habitants et tout l’écosystème de l’île. La culture des tubercules de dachines, notamment, est l’une des réponses en faveur de la biodiversité et de la rotation des cultures comme solutions durables face au système de la monoculture imposé par l’Hexagone.

Florence Lazar, 125 Hectares, 2019, 33’25”

 

Dania Reymond, Paysage emprunté #1, 2011, 20’
Paysage emprunté fait se croiser deux exercices de lectures d’images concomitantes : celle d’un groupe de spectateurs placés en hors-champ du film, qui décrivent un tableau de Bruegel, Le Massacre des innocents, et les potentiels spectateurs du film invités à écouter les différentes descriptions du tableau tout en regardant des plans-séquences filmés dans la ville bosniaque de Srebrenica, sur les lieux mêmes des massacres commis en 1995 pendant le conflit yougoslave.

Dania Reymond, Paysage emprunté #1, 2011, 20’

 

Allan Sekula, The Lottery of the Sea, 2006, 27’44’’
Dans toute son œuvre, le photographe et cinéaste Allan Sekula n’a cessé d’interroger les processus de réification sociale engendrés par le capitalisme globalisé de la fin du XXe  siècle. L’industrie maritime comme prototype même du marché mondial et la circulation des biens à travers leur circulation sur les mers constituent le sujet de prédilection de l’artiste pour représenter la globalisation des échanges humains. Tourné entre le Japon, la Grèce, l’Espagne, les États-Unis, le film donne à voir les conditions aliénantes du travail comme la dématérialisation toujours plus poussée de la logique capitaliste.

Allan Sekula, The Lottery of the Sea, 2006, 27’44’’

 

Marie Voignier, Hearing the Shape of a Drum, 2010, 17’
Les films de Marie Voignier composent des suites de figures absentes, de matrices vides, des représentations retournées, qui interrogent de ce fait une politique de la représentation. Les géographies n’y sont pas dotées de véritables coordonnées, l’image y est comme un corps absent, les sujets sont souvent anonymes ou d’une présence suggérée en négatif. C’est le cas du film Hearing the Shape of a Drum, dans lequel Marie Voignier établit des courts-circuits entre le réel et la représentation : la cinéaste retourne sa caméra vers les caméras et les micros des journalistes venus filmer et mettre en images, devant le tribunal d’audience de Sankt Pölten, un procès relatif à un faits divers en Autriche, qui en restera privé.

Marie Voignier, Hearing the Shape of a Drum, 2010, 17’

Complément d'information

Du samedi 22 mai au vendredi 25 juin sur la chaîne YouTube de l’Abbaye de Maubuisson et sur le site www.inquietances-des-temps.com

Hors-Champ, 2e épisode, samedi 22 mai à 18h

Projection spéciale de Bani Khoshnoudi, The Silent Majority Speaks, samedi 22 mai à 20h30

Commissaires d'exposition

Dernière mise à jour le 17 mai 2021