Peter Neuchs – Turi Heisselberg Pedersen

Dans la forêt
Exposition
Arts plastiques
Galerie Maria Lund Paris 03

 

C’est une fascination réciproque pour l’oeuvre de l’autre qui est à l’origine de l’exposition Dans la forêt qui réunit le plasticien Peter Neuchs (Brésil) et la sculptrice Turi Heisselberg (Danemark). Un regard sur les deux univers identifie des points communs : une profondeur quasi impénétrable, un rapport puissant au primitif et une palette délicate mais intense. Chez les deux artistes, l’approche du thème choisi privilégie une perception dominée par les sens et l’imaginaire qui déforme pour mieux traduire les sensations, réelles ou fantasmées qu’inspirent l’idée de la forêt.

Turi Heisselberg Pedersen s’est attachée à étudier de très près le végétal – bulbes, tubercules et souches –,  rappelant ainsi la beauté et l’immensité de la nature dans chacune de ses plus infimes créations. Son oeuvre révèle par là même la richesse d’expression de la matière céramique et évoque la relation ancestrale et sensuelle de l’homme à la terre, à la matière. Peter Neuchs lui, a choisi de dépeindre de larges paysages imprégnés d’un étrange suspens, des nocturnes inquiétantes et sauvages, dont l’atmosphère évoque celle d’un film noir. Entre art baroque et cinématographie, c’est aussi le rapport complexe entre la civilisation et la nature qu’explore Peter Neuchs.

 

 

Peter Neuchs

oeuvres sur papier

 

Dans la forêt de Peter Neuchs se dressent des paysages nocturnes, grandioses et inquiétants. Une nuit baroque, flamboyante, où les éléments – ciel, terre et eau – fusionnent et se diluent dans l’aquarelle ; une forêt ténébreuse, dont les arbres se détachent de la matière impénétrable de la gouache, dans un clair-obscur vibrant. La surface picturale, remplie all over, est gorgée jusqu'à l'excès de détails, de sensations, de sentiments.

 

Dans la forêt

Les éléments de composition empruntés au Baroque – densité de la construction, effets de raccourci, formes, couleurs et lumières – confèrent aux oeuvres de Peter Neuchs une immédiateté, une qualité spectaculaire. Ses paysages relèvent de l’esthétique du Sublime, de ce « plaisant sentiment d'horreur »* qui envahit le spectateur devant ce qui transcende le beau. Cette notion de sublime reste liée au mouvement  romantique, à l’émerveillement face aux splendeurs et à la puissance de la nature au XIXe siècle. Analogiquement, c’est une foule de sentiments que l’on éprouve devant une oeuvre de Peter Neuchs. Outre l’émotion ressentie devant la virtuosité technique de l’artiste et la beauté des paysages représentés, il demeure des pensées, des sensations primitives, devant ces arbres rouges si hauts et si puissants, encerclant un refuge solitaire, devant ces buissons ardents, cette eau gelée, ces ombres mystérieuses dans la nuit...


Peter Neuchs flirte ici avec le « néo-romantisme » de celui qui rêve depuis son atelier une nature excessive et belle. Mais justement, une fois plongé dans ces nocturnes inquiétantes, leur artificialité se révèle peu à peu. Des lumières étranges, presque trop fortes ou trop blanches - des projecteurs ? Des couleurs saturées, trop de couleurs pour une nuit dans la forêt… Le titre d’une des oeuvres révèle la supercherie, le pourquoi de cette densité visuelle : La nuit américaine, titre d’un film de François Truffaut sur le cinéma et son artificialité, mais également référence à un procédé cinématographique, un filtre qui permet de tourner des scènes nocturnes en plein jour.

 

Ces paysages sont donc des projections, des fantasmes, des produits de l’imaginaire de leur auteur, tout comme elles  sont un hommage au cinéma, qui influence grandement le travail de Peter Neuchs, en termes de plans, de couleurs, de lumière, d’ambiances et de références. Construits, artificiels, ces paysages démesurés - mieux que nature -, à la fois baroques et cinématographiques, deviennent alors un réceptacle pour les représentations, les visions et les songes du spectateur.   

 

Parcours

Peter Neuchs (né en 1958 au Danemark) a une pratique des arts visuels très vaste (installation, sculpture, dessin, photo et gravure). L’artiste vit à Rio de Janeiro et expose régulièrement au Brésil et en Europe.

La GALERIE MARIA LUND a présenté son travail dans nombre d’expositions (CUT - OUTS, Motel Acapulco, R.J., 2002 – DREAMTEST, 2004 – SWEET PAPER, 2006 – oeuvres nouvelles, 2007 - Counting sheep, 2008 – Itinérances nocturnes, 2009) ainsi qu’au Salon du dessin contemporain, Paris, (2007, 2008) où il a reçu un accueil très enthousiaste tant de la part du public que de la critique (« les aquarelles si charnelles de Peter Neuchs », blog de Lunettes rouges du 1er avril 2007 - Télérama, sept. 2007). L’artiste sera également présenté au salon DRAWING NOW 2013.

En 2009 la commissaire Andrea Holzherr l’avait invité à présenter sa série Dreamtests (dessin sur napperons à dentelle) dans l’exposition itinérante The Myth of Childhood (Haus für kunst Uri - Altdorf, Suisse et à CCA Kunsthalle Andratx, Majorque).

L’oeuvre de Peter Neuchs est représentée dans une douzaine de collections publiques dont celle du FRAC de la Haute Normandie.

 

* Joseph Addison, Remarks on Several Parts of Italy, 1718



Turi Heisselberg Pedersen
sculpture

Soudain on peut douter : douter de ce qu’on voit, douter de ce qu’on avait cru voir ; la perception est défiée, les sensations et les impressions s’intensifient, les proportions se modifient – et on panique… Ou inversement – le connu offre de visions nouvelles pour « s’ouvrir »; l’objet du regard n’est plus seulement un objet ou un phénomène nommé, mais plusieurs existences à la fois. Une métamorphose s’est opérée, on voit le monde sous un nouveau jour…
Le contact avec la nature peut avoir ces effets. Soit elle nous angoisse du fait de son immensité et sa puissance par rapport à notre substance fragile ; ou bien nous sommes émerveillés, transportés, transformés devant cette magnificence et la richesse de ce qui nous échappe et nous dépasse.

Introduction
En se lançant Dans la forêt avec le peintre plasticien Peter Neuchs, Turi Heisselberg Pedersen a entamé une interrogation sur l’ambiguïté de notre relation à la nature. Une première série d’oeuvres, My Garden (2011-2012), découlait d’une étude de son propre jardin, de l’observation de la croissance des végétaux et de son rapport à la terre - rapport d’autant plus puissant que l’artiste a été formée en tant que céramiste. Dans cette série le lien avec le contenant, le vase, sa forme de référence depuis toujours, était encore partiellement visible : il s’agissait, pour une partie, de « vases » sur lesquels des brindilles et des feuilles venaient se greffer. Dans d’autres oeuvres elle avait totalement abandonné le contenant et sa ligne symétrique et rigoureuse pour développer des sculptures inspirées de bulbes, tiges et légumes ; des pièces aux formes exagérées où disproportionnées. Ceci pour exprimer une vision et une expérience sensorielle, affective plutôt qu’un désir de représentation.
Alors que les oeuvres antérieures de l’artiste étaient caractérisées par une surface mate et régulière, un engobe, sorte de peau qui faisait corps avec la terre, avec My Garden Turi Heisselberg Pedersen a commencé à employer des coulures de glaçures soulignant les courbes des oeuvres sur lesquelles elles évoluent. Elle indiquait ainsi une volonté de laisser la nature et ses lois – en l’occurrence celle de la pesanteur – s’introduire et prendre part à la « direction artistique ».
 

Dans la forêt
Avec le nouveau volet de son travail sur notre relation à la nature – Dans la forêt – Turi Heisselberg Pedersen est allée encore plus loin : la forme du vase a totalement disparu. Des sculptures sont nées, où la tension entre imaginaire et réalité est encore plus prononcée. Ses Troncs évoquent aussi bien des arbres que des corps, corps sensuels – spécimens de cette forêt enchantée où l’imagination voit également autre chose. Des Tubercules élancées ont abandonnés leur cachette sous terre et leurs dimensions modestes pour se dresser fièrement, offrant à la vue les structures presque feuilletées qui constituent leur surface. Un ensemble de Bulbes, sont attendrissants dans leur lourdeur ronde ou intriguant du fait de leurs formes contenues et de leur surface ciselée. Des lignes sont incisées dans la surface mate. Elles soulignent les volumes bombés et font songer aux arts premiers (peintures aborigènes et tatouages tribaux). Les couleurs sont terreuses mais lumineuses, alors que l’engobe apporté sur le corps de grès dégourdi* est matte. Cette luminosité s’explique soit par le procédé de vaporisation de l’engobe, qui laisse des aspérités comme autant de capteurs de lumière à la surface, soit par la juxtaposition des tons contrastant.
La confrontation avec un sujet à la fois classique et éternel permet à Turi Heisselberg Pedersen de révéler toute la richesse de la matière céramique et son imaginaire personnel ; elle y apporte cette sensualité aigüe qui caractérise son univers. Sans exotisme emprunté, ses oeuvres exaltent les sens, les sensations primitives du rapport de l’homme à la terre. Dans leur appréciation le corps entier du spectateur est mobilisé et pas uniquement le toucher.

Parcours
L’oeuvre de Turi Heisselberg Pedersen (née au Danemark, 1965-…) a déjà été exposé à plusieurs reprises en France : la première fois dans l’exposition collective itinérante From the kilns of Denmark sur la scène céramique contemporaine danoise (Maison du Danemark, 2004), à la Galerie Pierre (2004) et ensuite à la GALERIE MARIA LUND (2010). En 2010 elle a aussi gagné le Prix de la Biennale de Vallauris dans la section du contenant et en 2011 elle a été invité à la 16e Biennale de Châteauroux sur le thème Construire et Elever la matiere (2011). Les trois œuvres qu’elle y a présentées ont fait l’objet d’une acquisition par le musée de Sèvres Cité de la céramique (2012). Par ailleurs l’oeuvre de Turi Heisselberg Pedersen est représentée dans nombre de collections publiques et privées : Musée Magnelli, Musée de la Céramique, Vallauris – Designmuseum Danmark, Copenhague – Schloss Gottorf, Schlesvig-Holsteinisches Landesmuseum, Allemagne – Danish Arts Foundation, Danemark et Annie and Otto Detlef’s Foundation, Danemark.
En 2009 le Kunstindustrimuseum (Musée des arts décoratifs, Copenhague) a accueilli l’exposition TIME OUT, une confrontation entre les sculptures de Turi Heisselberg Pedersen et de Lone Skov Madsen et une sélection d’objets issues des fonds du musée. Cette exposition a été primée par le Danish Arts Foundation.
Turi Heisselberg Pedersen est membre de New Danish Ceramics, groupement réunissant 7 plasticiens-céramistes de notoriété.


* Technique : la matière première des sculptures de Turi Heisselberg Pedersen est un grès hongrois modelé à l’aide d’une technique japonaise de colombins épais (3-4 cm), aplatis ou étirés avant l’assemblage. Une fois terminé la pièce est cuite une première fois à 1260 dégrées – le dégourdi - dans un four électrique avant l’application d’un engobe et une deuxième cuisson. L’engobe est apporté par vaporisation pour permettre une application parfaitement régulière car ce type d’engobe ne fonds pas dans le four et aucun lissage n’est en conséquence obtenu lors de sa cuisson. 

Autres artistes présentés

Peter Neuchs

Turi Heisselberg Pedersen Heisselberg Pedersen

Adresse

Galerie Maria Lund 48 rue de Turenne 75003 Paris 03 France

Comment s'y rendre

M°1 - St Paul 
 

Dernière mise à jour le 2 mars 2020