Personnes

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Christian Boltanski, l’un des artistes de notre pays les plus en vue au plan international, poursuit depuis près d’un demi-siècle une œuvre très personnelle, où le travail de mémoire se mêle à une recherche sur les mythologies individuelles.
Avec Personnes, l’œuvre qu’il a conçue pour le Grand Palais, il franchit une nouvelle étape dans l’échelle de ses propositions. 
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Le Grand Palais, une scène de spectacles
« Le fait de se situer au milieu de Paris, dans un espace très baroque imprégné d’une forte présence, de s’adresser à un public extrêmement large, oriente naturellement les choix et les décisions artistiques. Le Grand Palais est pour moi un lieu de spectacle. En tant que tel, il inspire et appelle la fabrication d’une grande mise en scène qui dépasse totalement l’idée d’œuvre muséale et, plus encore, le fait de créer une œuvre dans une galerie. Quand je travaille au Grand Palais, j’ai la sensation de réaliser un opéra, avec cette différence que l’architecture remplace la musique. L’œuvre est une scénographie. »
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Personnes, une expérience intime
« Ce qui m’intéresse principalement aujourd’hui c’est que le spectateur ne soit plus placé devant une œuvre, mais qu’il pénètre à l’intérieur de l’œuvre.
Contrairement à une exposition classique dans un musée, où l’art défile sous notre regard, le Grand Palais est un lieu propice à une expérience qui immerge le spectateur, puisque tout l’espace fait partie de l’œuvre.
Le son, le climat, la manière de déambuler, y compris la gêne suscitée à certains endroits de passage, les matériaux utilisés, tous ces éléments sont constitutifs d’un projet artistique qui est une œuvre globale. »
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Un espace d’immersion
« Depuis longtemps déjà, je cherche à réaliser des installations à la frontière entre les arts plastiques, au sens traditionnel du terme, et des œuvres théâtrales ou musicales. Ce qui manque habituellement aux arts plastiques c’est l’idée de déroulement, de progression depuis un point de départ, une entrée, vers une certaine finalité. J’ai voulu un déroulement du temps différent de celui de l’espace muséal où l’on passe simplement d’un tableau à l’autre, puis d’une salle à une autre. Avec l’œuvre que j’ai réalisée au Grand Palais, on est à l’intérieur d’un monde. Plutôt qu’objet de contemplation, cette installation forme un espace d’immersion. Cette œuvre est à l’image des cercles de l’enfer de Dante, elle environne totalement la progression du spectateur et le marque d’un sentiment profond. Même les réactions des spectateurs, ses peurs ou ses colères, sont partie intégrante du déroulement de l’œuvre. »
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Un retournement de la tragédie vers la vie
« Le fait d’avoir froid, d’être angoissé et bouleversé, de chercher la sortie, de vouloir retrouver la vie à tout prix est une expérience originale, procurée par le cœur vivant de l’œuvre.
Mes installations sont souvent propices à de pareils retournements. Après avoir progressé au travers de lieux de plus en plus sombres, de plus en plus tristes, on retrouve soudain un espace de vie et de mouvements joyeux. C’est un retournement de la tragédie vers la vie. C’est aussi le cas dans mon projet au Grand Palais.
Cette installation est conçue pour produire un puissant sentiment d’oppression. Il s’agit d’une expérience dure et je suis convaincu que les gens éprouveront un soulagement en sortant. C’est la beauté de l’architecture et l’immensité de l’espace du Grand Palais, cette étendue vague et abandonnée, qui m’ont permis de proposer cette expérience directe. Dans ce cadre, le jugement sur l’œuvre, le fait qu’on l’aime ou pas, n’est plus pertinent ; il ne s’agit que  d’éprouver et d’être imprégné.»
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Un art très classique
« Qu’est-ce que j’aimerais dire à un visiteur peu familier d’art contemporain et qui entre dans le Grand Palais pour découvrir Personnes ? C’est facile, je ne m’adresse pas aux spécialistes de l’art contemporain. Mon art est extrêmement traditionnel et très classique. Les questionnements en art restent toujours profondément les mêmes. Ceux que j’aborde ici sont le hasard, la loi de Dieu, la mort. Le fait aussi qu’à partir d’un certain âge on a le sentiment de traverser en permanence un champ de mines, on voit les autres mourir autour de soi, alors que, sans raison, on reste, jusqu’au moment où on sautera à son tour. Tel est le sujet de Personnes. »

Propos recueillis par Catherine Grenier
(juillet 2009)

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Dernière mise à jour le 24 octobre 2019