An Ocean of Air

Exposition
Arts plastiques
Galerie Allen Paris 03

Angelica Mesiti
In the Mouth of the Tyrant, 2015
Video, 16:9, high definition, colour, silent
10 mins 20 secs
Video still.

La Galerie Allen, Paris, est heureuse de présenter la première exposition personnelle en France de l’artiste australienne Angelica Mesiti (1976, vit et travaille entre Paris et Sydney). Intitulée An Ocean of Air, cette exposition comprend un ensemble d’oeuvres inédites : deux vidéos silencieuses ainsi qu’une œuvre sculpturale sonore.

« Une ondulation sonore circonscrit l’espace de la galerie. Ce roulement ininterrompu provient d’un îlot formé par la sculpture Untitled (Sound Sculpture), composée de trois harmoniums « préparés »1 , de taille miniature. Sur chaque clavier, l’artiste a posé une pierre de Volvic, dont les aspérités propres à chacune créent une association simultanée de notes aléatoires formant un motif atonal qui génère une certaine discordance. Il en résulte un effet de ritournelle dont le caractère hypnotique des vibrations harmoniques évoque la musique drone.

Aux murs adjacents, deux vidéos sont projetées en silence. D’abord, In the Mouth of the Tyrant, montrant la lente progression du soleil se couchant dans le cratère du volcan Stromboli toujours fumant – un phénomène qui se produit une fois l’an, aux alentours du 15 août. Puis, l’exaltante Nakh Removed qui reprend le rite de la « danse des cheveux » issu de la culture berbère et dont les balancements répétitifs de la tête et du corps ont la réputation de faire entrer en transe. Il s’agit en l’occurrence d’une (ré)appropriation par cinq Parisiennes d’origine algérienne, marocaine et tunisienne. 

Il émane de cet assemblage transculturel2 un corpus porteur d’une esthétique de l’existence où se déploie le récit phénoménologique de nos corps-instruments. Ceux-ci sont transportés par « l’idée même du chœur et de la mélodie des choses, l’articulation entre solitude et communauté, une sorte d’écho des considérations nietzschéennes sur l’apollinien et le dionysiaque »3 . Il y a donc rapprochement, pour ainsi dire, avec la notion de wajd : aller à la rencontre de ce qui est en rapport étroit avec le plus profond de l’être ou en accord intime avec la situation vécue.4

Chez Angelica Mesiti, l’espace entre soi et l’Autre se fait véhicule expérientiel, les protagonistes émetteurs-récepteurs et le dispositif : espace hétérotopique.5 Il s’agit là d’un thème récurrent chez l’artiste. Citons notamment Rapture, Citizens Band, The Calling ainsi que In the Ear of the Tyrant qui illustrent bien la relation étroite que l’artiste entretient avec les notions d’identité et de performativité, dans le contexte d’une certaine « altermodernité »6 . Plus particulièrement, le rôle social inexprimable que joue la musique — et par extension l’espace sonore — dans notre rapport au monde. 

Dans son ouvrage Bruits - Essai sur l’économie politique de la musique7 , Jacques Attali nous rappelle le pouvoir qu’a la musique de (re)définir la société, d’en indiquer les frontières ou même de marquer la propriété d’un espace. Il affirme que sans musique, il n’y a pas de liberté. Selon lui, la musique inciterait au dépassement de soi et des autres, à aller au-delà des normes et des règles, à se faire une idée, même faible, de la transcendance. 

Ajoutons par ailleurs que Jean-Luc Nancy nous invite à penser « un monde où coexiste à la fois la multiplicité et des singuliers. Un monde dont ne sont plus données ni la raison ni la fin, ni la provenance ni la destination, tandis qu’il faut pourtant le penser comme monde, comme totalité de sens »8 . C’est-à-dire le monde comme possible, le monde en état constant de création. Il semble que c’est à partir de ce monde que l’artiste interroge la matière et donne à entendre la forme.

Avec le doigté tout en retenue d’Angelica Mesiti, l’acte de performance transporte. Et c’est par l’entremise du cadrage que l’artiste (re)créé l’événement. Si Mesiti caractérise de ready-made la matière à partir de laquelle elle procède, cette matière, c’est le monde dans son devenir monde, un monde agissant que nous (re)constituons au gré des indices laissés par l’artiste. »

- Maryse Morin

1. En référence au piano préparé de John Cage
2. Christian Suhr and Rane Willerslev, Transcultural Montage, Berghahn Books, 2013
3. Rainer Maria Rilke, Notes sur la mélodie des choses, Éditions Allia, Paris, 2008, p. 61
4. Gilbert Rouget, La musique et la transe, Éditions Gallimard, 1990
5. Michel Foucault, Le corps utopique suivi de Les hétérotopies, Nouvelles Éditions Lignes, 2009
6. Nicolas Bourriaud, Radicant. Pour une esthétique de la globalisation, Denoël, 2009
7. Jacques Attali, Bruits Essai sur l’économie politique de la musique, Fayard / Puf, 2001
8. Jean-Luc Nancy, La création du monde ou la mondialisation, Éditions Galilée, 2002 

Artistes

Adresse

Galerie Allen 6, passage Sainte-Avoye 75003 Paris 03 France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022