Session 3 - 2017

Lauréats des bourses de recherche curatoriale du Cnap

« Théâtre des opérations. Phase III : Division des Beaux-Arts. Les enjeux contextuels et sociopolitiques des œuvres en dépôt » 
Par Bénédicte le Pimpec et Emile Ouroumov, en collaboration avec Céline Bertin

« Le projet s’inscrit dans le cadre du Théâtre des opérations, plateforme curatoriale qui analyse les zones d’échange et de confrontation entre plusieurs modèles pratiques et théoriques.
Empirique, appliquée et située, cette recherche considère les enjeux sociopolitiques et curatoriaux d’un ensemble d’œuvres issu de la collection du Cnap depuis ses origines en 1791, notamment à travers leurs fonctions et valeurs d’usage. Il s’agit d’analyser le contexte, les conditions d’accès au public, la perception des œuvres, ainsi que les modalités d’exposition in situ, spécifiquement dans le cadre de dépôts d’œuvres dans diverses institutions liées à l’administration, la politique, l’enseignement, etc.
Un travail d’enquête sur place produira un ensemble de connaissances sur la corrélation entre contenu et contexte de ces œuvres en dépôt. Alimentée par ces données, la réalisation finale du projet donnerait lieu à un geste post-curatorial qui porte une attention sur ces œuvres « déjà-exposées », à travers des actes spatiaux en regard de leurs biotopes : des contributions matérielles ou immatérielles sollicitées auprès de personnes issues de champs culturels, scientifiques ou sociétaux. »

Au sein du programme « Théâtre des opérations », les commissaires Bénédicte le Pimpec (*1986, FR) et Émile Ouroumov (*1979, BG) ont réalisé les projets « Phase I : Reconnaissance » (Théâtre de l’Usine, Genève, 2015), mettant l’espace théâtral à l’épreuve d’une série d’interventions artistiques et « Phase II : Manœuvres » (Place de la République, Paris, 2017), se confrontant aux comportements induits par la notion d’« espace public ». Ils sont aussi co-auteurs du « Principe Galápagos » (Palais de Tokyo, Paris, 2013), autour des particularités du « biotope de l’art ». Pour cette recherche, ils seront accompagnés par Céline Bertin (*1985, FR), coordinatrice artistique au Centre d’art de la Ferme du Buisson, qui mène en parallèle une réflexion sur l’adéquation politique et sociale des formes artistiques.

« La collection du Cnap à l’aune du queer » 
Par Antony Hudek

« Ce projet s’attache à tracer les réseaux affectifs et historiques queer liant des œuvres des années 1960 à nos jours dans la collection du Cnap. Dans le cadre de cette recherche, « queer » qualifie toute position biaisée par rapport à l’hétéronormativité sexuelle, sociale et politique. Certaines des œuvres ont trait à  la représentation de corps qui se jouent des conventions esthétiques privilégiant le sujet hétérosexuel. D’autres mettent en jeu une sensibilité et une performativité queer, qui dévient du mode générique binaire (homme/femme, parent/enfant, mais aussi sujet/objet et humain/non-humain). Pour mener à bien le traçage de ces zigzags affectifs, ce projet s’attachera à effectuer une sélection d’œuvres dans la collection du Cnap, à les mettre en relation entre elles et à d’autres, et à étudier les traces de leur institutionnalisation au travers de documents détaillant les conditions de leur acquisition et servant à justifier leur inscription dans la collection nationale. Il en ressortira une cartographie queer de la collection post-1960 du Cnap, constituée de rapports parfois évidents, parfois sous-jacents, voire fictifs. Présenté sous forme de blog, ce projet fera également état de zones d’ombre et de lacunes, mettant ainsi en relief l’absence, au sein de la collection, de certaines figures ou d’œuvres. Car la visibilité de l’œuvre et du corps, ainsi que leur (auto)effacement, font partie, on pourrait dire intégrale, de l’histoire queer, particulièrement pendant la période située entre l’émergence du sida au début des années 1980 et les premières thérapies antirétrovirales au tournant des années 1990. Ce projet se veut donc à la fois travail de prospection, de mémoire désirante, et essai de fictionnalisme (pour emprunter une expression chère à Philippe Thomas) – seul moyen, on pourrait arguer, de porter un regard queer sur l’histoire collective et sociale représentée par la collection du Cnap. »

« Algérie : creux de mémoire, traces d'archives »
Par Natasha Marie Llorens

« Ce projet prend comme point de départ le travail de Fayçal Baghriche, Point, ligne, particules (2008). Cette vidéo montre l'artiste en train de taguer  la surface extérieure d'un train au repos à la gare de Boigneuille. Le point rouge de la peinture à la bombe se transforme en ligne lorsque le train démarre. La ligne disparaît complètement à mesure que le train accélère et que les particules de peinture ne trouvent plus de surface à laquelle se fixer.
L'Algérie, le lieu lui-même, a disparu progressivement de l’imagination française, tout comme le train de la vidéo de Baghriche. Avec l'indépendance et le bouleversement politique tumultueux des années 1980 et 1990, une génération d'artistes nés en Algérie - d'origine algérienne et européenne - sont demeurés avec des bombes de peinture aux mains, essayant de représenter quelque chose d’absent. Pourtant, l'Algérie a persisté dans la collection du Cnap comme une mémoire de traces ou un nuage de particules, plutôt que quelque chose d'ancré, comme un point ou une ligne.
Cette recherche envisage la collection du Cnap comme une manifestation de l'imaginaire national français. La première question est la suivante : comment le corpus d'œuvres d'art du Cnap relatif à l'Algérie rend-t-il visible la relation postcoloniale entre la période de l'indépendance algérienne et aujourd'hui ?
Le projet se concentre d’abord sur les artistes collectionnés par le Cnap qui s'identifient eux-mêmes comme des artistes algériens, soit parce qu'ils sont nés et ont vécu en Algérie toute leur vie, soit parce qu'ils sont partis en exil tardivement dans leur carrière. Une deuxième question concerne les artistes pieds-noirs de la collection. Quel genre d’images produisent-ils ? Des images de l’Algérie ? Et sinon, lesquelles ? »

« Hors-sol : formes en exil dans la Collection du Cnap »
Par Estelle Nabeyrat & Pedro de Llano

« Cette recherche prend comme point de départ l’attention manifestée par l’institution aux artistes étrangers. Constatant que l'inventaire des œuvres du Cnap fait émerger un nombre conséquent d'artistes de multiples nationalités (résidants ou non en France) parmi lesquels se trouvent des apatrides et ou des migrants, nous nous sommes penchés plus singulièrement sur l'expérience des artistes en exil. Car c'est du fait de leur activité et de la nécessaire liberté à pouvoir la pratiquer qu'ils se doivent de quitter leur pays. En retour, l'exil conditionne d'une certaine façon leur manière de penser et de produire leur travail artistique. Voilà un des aspects sensibles que nous souhaitons ici explorer. Elle-même sans résidence particulière et, par définition, destinée à se mouvoir, la collection du Cnap est une collection « hors sol » à travers laquelle sa nation d'attache se présente comme un territoire fidèle aux principes d'hospitalité.
Notre recherche s'appliquera à identifier les nuances à travers la variété des situations géographiques et historiques qui ont conduit à l'exil : des raisons politiques et idéologiques, dans le contexte de l'après seconde guerre mondiale et de la guerre froide, aux questions religieuses, ethniques, et même de genres dans nos sociétés contemporaines. »

Jury
  • Yves Robert, directeur du Cnap
  • Laetitia Badaut Haussmann, artiste
  • Valérie Da Costa, historienne de l'art, critique d'art et enseignante
  • François Piron, historien de l'art et commissaire indépendant
  • Aude Bodet, cheffe du pôle Collection
  • Juliette Pollet, responsable de la collection arts plastiques

 

Dernière mise à jour le 1 février 2022