Ce qui ne se voit pas

Commande publique au groupe RADO
Exposition

Maxence Rifflet,
Inspection des canalisations d’eau de pluie, Tulle, décembre 2011

La commande publique du Centre national des arts plastiques au groupe RADO, initiée par Peuple et Culture Corrèze (association d'éducation populaire), aboutit à une double exposition à Tulle et sur l'île de Vassivière.
Du 21 juin au 12 août 2014, l’Église Saint-Pierre (Tulle) a accueilli le premier volet du projet. Le deuxième volet est présenté sur l’île de Vassivière, au Centre international d’art et du paysage et du 6 juillet au 2 novembre 2014.

Le projet

Ce qui ne se voit pas, c’est le titre d’une double exposition présentée au terme d’une résidence de trois années en Corrèze. En 2011, par la voix de Manée Teyssandier, Peuple et Culture invitait le groupe RADO à s'intéresser « au présent et au futur » du pays de Tulle, en privilégiant les occasions de travailler avec ses habitants. Les artistes ont choisi d’aborder le territoire par ses réseaux techniques (énergie, déchets, transports, etc.), par sa vie organique en somme, qui est et sera de plus en plus un objet de luttes et de débats. Cette vie, c'est la vie des forces dans le quotidien des hommes, et elle est tissée d'invisible, ceci de bien des façons. Il y avait là un défi documentaire : comment avec de la vidéo, du dessin, des photographies, des sculptures, révéler des réalités cachées, ou mal regardées, tout en indiquant des réserves d’invisible ? De ces questions et de ce vaste terrain d'enquête se sont dégagées plusieurs situations :
- Enfantillages outillés
Fanny Béguery et Adrien Malcor ont mis en place un atelier mobile avec des élèves de trois écoles primaires situées de part et d’autre de la Dordogne. Ils ont donné aux enfants des outils artistiques, ceux du dessin, de la photographie et de la gravure, pour qu’ils imaginent ou réinventent le fonctionnement des machines qui les entourent, des objets domestiques aux grandes installations hydroélectriques tapies dans leur voisinage.
- Forêt-machine 
Madeleine Bernardin Sabri a enquêté sur la gestion sylvicole du plateau de Millevaches. Photographe, elle a pris le temps de lire le paysage et a assisté à des coupes rases ; elle a rencontré ceux qui activent des réseaux de chaleur locaux et évitent de faire appel aux entreprises qui exploitent la forêt comme d’autres prélèvent du pétrole. Elle a participé à la réalisation d’un Rapport sur l’état de nos forêts et leurs devenirs possibles conçu par des habitants, et a peint deux cartes sur verre en cherchant la juste traduction des différences d’échelle vertigineuses entre exploitation locale et gestion industrielle du bois.
- Ouvriers des réseaux
Maxence Rifflet et Antoine Yoseph ont filmé des ouvriers d’un centre de tri des déchets près d’Argentat. Ils ont saisi l’occasion rare (permise par la détermination d’un élu) de filmer le travail, tel qu’il a lieu. Ils ont cherché à rendre compte – sans commentaire, par le montage, au plus près des corps – des gestes d’une dizaine d’hommes et de femmes qui trient des « déchets propres ». Parallèlement, ils ont photographié l’activité de ceux qui enfouissent des câbles en forêt, élaguent des pins près de lignes à haute tension, inspectent des canalisations d’eau de pluie, veillent au fonctionnement d’une micro-centrale…
- Autonomie
Marie Preston a mené une série d’entretiens filmés avec des personnes installées en Corrèze, soucieuses de vivre à l’écart des réseaux centralisés, sans dépense énergétique superflue, proches de la nature. Quelles inventions, quels modes de vie, quelles contradictions suscite ce désir d’« autonomie » ? Elle a réalisé deux films : le premier mêle les portraits de deux hommes de générations différentes qui prônent la cohérence et de manière plus dissensuelle la sobriété et l’apport du collectif ; le second, plus court, se concentre sur une maison faite d’arbres coupés au lendemain d’une tempête.
- L’air de l’accordéon
Claire Tenu et Fanny Béguery proposent une divagation sonore et visuelle, suscitée par la présence de la fabrique d’accordéons Maugein à Tulle et leur intérêt pour l’instrument. À partir d’une analogie avec l’appareil photographique, et d’un jeu sur l’air, entendu comme mélodie et comme souffle, elles présentent trois œuvres qui correspondent à trois temps du projet : un montage audiovisuel fait de photographies, de lectures, d’entretiens, d’études filmées et de musique ; un petit lamellophone ; et une installation imaginée pour le phare de Vassivière.
- Plate-forme multimodale
Florian Fouché, Adrien Malcor, et Antoine Yoseph se sont concentrés sur le quartier de la gare de Tulle, récemment devenu ce que le jargon urbanistique appelle une « plate-forme multimodale » : une zone d’échanges entre les différents réseaux et moyens de transport. En 2011, le monument au sergent Charles Lovy, pauvre héros tulliste des guerres coloniales tué en 1903 dans le Sud-Oranais, fut réinstallé sur l’ancien square du Souvenir français, au cœur de ce qui est aussi le « quartier des martyrs » du 9 juin 1944. Observant combien une opération de rénovation urbaine peut occulter des enjeux mémoriels, les trois artistes ont transposé ce point clé de Tulle sur une scène d’images et d’objets qui ménage une place au citoyen regardeur. Parallèlement, Florian Fouché propose deux œuvres : Lumières pendues, un ensemble de photographies réalisé en mémoire des hommes pendus par les nazis dans les rues de la ville ; et un objet photographique qui dialogue avec l’extraordinaire contre-monument d’Antoine Paucard, Le franc-tireur 1870-1944, situé dans un bois près de Saint-Salvadour.

Le groupe RADO

Fanny Béguery, Madeleine Bernardin Sabri, Florian Fouché, Adrien Malcor, Anaïs Masson, Marie Preston, Maxence Rifflet, Claire Tenu, Antoine Yoseph

Avec la collaboration de Kerwin Rolland.

Depuis 2009, RADO réunit 9 artistes aux pratiques diverses, de la photographie à la sculpture, en passant par la vidéo et le dessin. Tous partagent un intérêt pour les formes et les conditions d’une pratique collective de l’art, parallèlement à l’activité qui structure leurs recherches personnelles. Les membres de RADO se sont rencontrés grâce au séminaire Des Territoires animé par Jean-François Chevrier à l’École des beaux-arts de Paris ; séminaire qui se voulait, au tournant du siècle, un espace de réflexion et d’information ouvert, qui dépasse les limites de l’art contemporain et se préoccupe de l’état du monde.

RADO est un sigle à signification variable : il peut s’adapter aux circonstances comme aux désirs de ceux qui associent leurs noms sous ces quatre lettres. Cette mobilité, sinon ce flottement, rappelle celle des « troncs de bois reliés de manière assez lâche » évoqués par Fernand Deligny pour décrire la figure du radeau. Les membres de RADO y reconnaissent l’image la plus juste pour dire l’en-commun d’une activité menée à plusieurs.

Sites internet associés

Complément d'information

Samedi 21 juin (Tulle)
18h : vernissage dans l'église Saint-Pierre, quai Baluze, Tulle.
L'exposition sera présentée jusqu'au 12 août. Elle sera ouverte les mardis, jeudis et vendredi de 15h à 19h, et les mercredis et samedis de 10h à 12h et de 15h à 19h.
Renseignements : 05 55 26 32 25 - http://peupleetculture.fr
Samedi 5 juillet (Tulle)
14h : rendez-vous dans les locaux de Peuple et Culture (51bis rue Louis Mie) ; 15h : visite de l’exposition à l’église Saint-Pierre ; puis découverte de la sculpture d’Antoine Paucard, Le franc-tireur 1870-1944, près de Saint-Salvadour.
Renseignements : 05 55 26 32 25 - http://peupleetculture.fr
Dimanche 6 juillet (Vassivière)
11h : vernissage au Centre international d’art et du paysage de l’île de Vassivière ; avec un concert-performance d’Olivier Philippson, accordéonniste.
L'exposition sera présentée jusqu'au 2 novembre. En juillet et août, elle sera ouverte tous les jours de 11h à 19h ; puis à partir de septembre, du mardi au dimanche de 11h à 13h et de 14h à 18h.
Renseignements : 05 55 69 27 27 http://www.ciapiledevassiviere.com
Dimanche 20 juillet (Tulle et Vassivière)
« Échappée » organisée par le réseau d’art contemporain Cinq/25 : visite des deux expositions, à Tulle puis à Vassivière, en compagnie de l’un des artistes de RADO.
Tarifs et réservations : 06 58 22 90 06 http://www.cinqvingtcinq.org

Dernière mise à jour le 2 mars 2021