Narimane Mari, lauréate du Prix du Cnap au FIDMarseille 2022

Palmarès de la 33e édition du festival
Manifestation/Festival
FIDMarseille Marseille
Narimane Mari, On a eu la journée bonsoir, 61', France, 2022.

Narimane Mari est la lauréate du prix du Cnap de la 33ème édition du FIDMarseille pour le film On a eu la journée bonsoir.

Le jury était composé de Maureen Fazendeiro, Chema González et Marie Reinert.

Le prix doté par le Cnap a été créé en 2015 en partenariat avec le FIDMarseille, et est attribué à un réalisateur français ou étranger. Ce prix est décerné à une œuvre au sein de la sélection officielle du FIDMarseille, et vise à récompenser la dimension expérimentale de sa conception, sa réflexivité et ses capacités à questionner le monde et sa représentation.

On a eu la journée bonsoir de Narimane Mari : Il ne m’est pays que de Michel

« Je suis bien là, dans mes rêves, entre la lune et les étoiles. Je redescends parfois voir mon peuple, les humains, c’est un peuple magnifique ». Entre les métros Belleville et Couronnes, dans la clameur finissante du marché, un clochard céleste devise, charriant ses courses et des mots montés en lui aussi soudainement que la marée. Son prêche terminé, il laisse place à un plan resserré sur Michel Haas.

Son beau regard naïf agrippe ce que son art attrape, le mouvement incessant de la vie, la joie jaillissante, continue, d’être là, l’éternité heureuse, hébergée dans la fugacité, pareille à ses personnages en papier dont la matière, fragile, est fécondée par la force de l’idée qu’ils soutiennent. Ses grands yeux mobiles scrutent, épient, vagabondent, assoiffés d’un détail, ils regardent partout sauf devant, comme si devant, c’était derrière, l’arrêt, la mort.

Lui est du côté de la flamme, des contre-allées, du mouvement. À celle qu’il aime et qui le filme, il sert du Prévert, présent qui ressemble plus à une prière qu’à une sérénade : « Trois allumettes une à une allumées dans la nuit, la première pour voir ton visage tout entier, le seconde pour voir tes yeux, la dernière pour voir ta bouche et l'obscurité tout entière pour me rappeler de tout cela en te serrant dans mes bras ». Un vœu qui ne restera pas pieux dans l’immensité familière, finale, de la Méditerranée.

C’est un homme nu, au sens propre comme figuré, qui marche ici, immédiatement lui-même, debout, aimant, vivant jusque dans le déclin, la douleur et ce seuil infranchissable franchi avec son arme fatale, l’humour, répandu y compris depuis son lit de mourant. Cette union des âmes est retrouvée de façon éclatée, distillée par fragments amoureux. Cette complicité a des airs de communion, elle fulgure dans un message vocal a priori bénin, faussement banal, où une phrase de Bachelard fait office de phare comme de boussole : « La mémoire, gardienne du temps, ne garde que l’instant ; elle ne conserve rien, absolument rien, de notre sensation compliquée et factice qu’est la durée. »

Ellipses, digressions, incises, détours… valent pour esquisse parfaite, elles servent de définition à travers cette peinture pointilliste. La totalité est contenue dans le minuscule et rendue dans ses parties, qu’il s’agisse des plans installant une lutte ferme avec la forme dans l’intimité de son atelier, du face à face sur fond de farce avec une séquence de Chaplin, d’une conversation ronronnante et riante avec son chat. « Il était une fois un homme à mon image » dit un vers d’Aragon extrait de Il ne m’est Paris que d’Elsa. « Il ne m’est pays que de Michel » pourrait relancer Narimane Mari. La douceur y règne, la délicatesse fait rage… C’est en se jetant à l’eau et non pas en voguant à la surface des choses et des êtres qu’on va vers l’art et l’amour, c’est beau à voir et bouleversant à vivre. Le don de l’art, la dette d’amour, dans les deux cas, on se surprend à donner, à recevoir aussi, bien plus que ce que l’on croyait. « Ce que l'on met dans l'autre, rappelle magnifiquement Anne Dufourmantelle dans En cas d'amour, est infiniment plus vaste que ce que l'on croit lui confier.

« Quelque fois c'est sa propre vie, d'autres fois c'est son âme, sa vocation, sa sauvagerie, sa misère, une dette ancestrale, c'est toujours exorbitant, une valeur passée en douce, clandestine, que l'on s'échange dès le premier regard. »

Son Michel devenu un peu le nôtre avait le don de dévorer le jour, il dévalait la vie. « On a eu la journée bonsoir ». La messe, parfois, n’est jamais aussi bien dite que par soi-même… Les souvenirs saignent mais le sang est encore chaud : « Je suis loin mais je suis là aussi mon amour ».

Nicolas Dutent pour la revue ESPRIT

Fiche technique

Version originale : français, anglais
Sous-titres : français, anglais
Réalisation : Narimane Mari
Scénario : Narimane Mari, Michel Haas
Image : Narimane Mari, Nasser Medjkane, Antonin Boischot
Montage : Narimane Mari
Son : Narimane Mari, Antoine Morin, Benjamin Laurent
Avec : Michel Haas
Production : Narimane Mari (Centrale Électrique), Olivier Boischot (Centrale Électrique), Michel Haas (Centrale Électrique)
Distribution : Pascale Ramonda

Filmographie

Holy days, 2019
Le Fort des fous, 2017
Loubia Hamra, 2013
Prologue, 2007

Complément d'information

Projection le 10 septembre 2022 à 20h45 au Cinéma Le Saint-André-des-arts, suivie d'une rencontre avec la réalisatrice, animée par Pascale Cassagnau et Cyril Neyat (FID)

Artistes

Adresse

FIDMarseille

14, Allée Léon Gambetta
13001 Marseille
France

Dernière mise à jour le 6 septembre 2022