Napoléon III et l’impératrice Eugénie : portraits d’apparat par F.-X. Winterhalter

Par Virginie Inguenaud
Jules Jean Vialle, L’Empereur Napoléon III

Jules Jean Vialle (1824-1885), L’Empereur Napoléon III (FNAC PFH-1042)

L’impératrice Eugénie, portrait de Louise Adélaïde Desnos

Louise Adélaïde Desnos (1807- ?), L’impératrice Eugénie (Achat par commande à l'artiste en 1854, Inv. : FNAC PFH-1043).
Ce portrait officiel représente l’impératrice devant le parc de Saint-Cloud. Elle porte l’insigne et le ruban de l’ordre de Marie-Louise, ordre espagnol crée en 1792 pour les femmes de la noblesse. Mais le diadème porté par l’impératrice et la couronne posée à ses côtés, viennent affirmer qu’en plus d’être « grande d’Espagne », Eugénie de Montijo est aussi, l’impératrice des Français.

Napoléon III à mi-corps.

Napoléon III à mi-corps. À gauche, posée sur un épais coussin, une couronne dont on distingue à peine les aigles impériales, et, tenue par Napoléon III, la main de justice refaite en 1804 pour Napoléon 1er par l’orfèvre Martin Biennais (une main gauche a été restituée au lieu d’une main droite). Les « regalia » figurés sur le portrait en pied et sa version réduite sont conservés au musée du Louvre et visibles au département des Objets d’art.

L’Impératrice Eugénie, portrait de Charlotte Pierret

Charlotte Pierret, L’Impératrice Eugénie, 1869 (Achat par commande à l'artiste en 1869, Inv. : FNAC FH 869-313).
Le diadème crée en 1853 par Gabriel Lemonnier et la couronne exécutée le même joaillier en 1855 à l’occasion de l’exposition universelle confirment Eugénie dans son rôle de souveraine.

Des originaux disparus mais restés célèbres et passés à la postérité grâce aux nombreuses copies réalisées à l’époque, tel est le sort qu’ont connu les deux portraits présentés par Franz-Xaver Winterhalter au Salon de 1855, l’empereur Napoléon III et son épouse l’impératrice Eugénie, respectivement sous les n°4206 et 4207. Installés à Paris au palais des Tuileries, les deux tableaux ont vraisemblablement disparu durant le saccage des lieux pendant la Commune à partir de mars 1871, lieux définitivement ruinés après l’incendie de mai.

« Sa manière coquette et brillante se rapproche de celle des anglais »

Le jugement de Théophile Gautier sur l’art de F.-X. Winterhalter rejoignait celui de biens des contemporains de l’artiste. Né en Allemagne dans le grand Duché de Bade en 1805, F.-X. Winterhalter avait exposé pour la première fois à Paris au Salon de 1835. Très vite remarqué par la haute société parisienne, il attira également l’attention de la famille d’Orléans qui lui commanda de nombreux portraits (son « Louis-Philippe » connut un nombre conséquent de copies officielles : 101 figurent sur les inventaires du Fonds national d’art contemporain). Mais c’est le Second Empire (1852-1870) qui vit la consécration de l’artiste dont la légion d’honneur octroyée en 1839 avait déjà entériné la reconnaissance. Le comte de Nieuwerkerke, alors surintendant des Beaux-arts, dont la compagne officieuse, la princesse Mathilde, n’était autre que la cousine de Napoléon III, a sans doute favorisé l’introduction de Winterhalter auprès de la cour des Tuileries où sa manière de peindre séduisit immédiatement l’impératrice. Winterhalter ne pouvait alors manquer de réaliser des portraits d’apparat du couple impérial : peint en 1853, celui de l’empereur fut exposé au Salon de 1855 avec le portrait d’Eugénie en pendant.

Question d'habileté

Destinées à orner les bâtiments officiels, mais sans aucune obligation faite aux dépositaires potentiels, comme aujourd’hui les portraits photographiques de nos Présidents diffusés par les services de la Documentation Française, de nombreuses copies de ces portraits furent commandées à des artistes habiles ou à titre d’encouragement pour les autres. Si certaines copies étaient effectuées avec talent pour atteindre le niveau des originaux, d’autres furent peintes avec besogne au point de rendre nécessaires des travaux de retouches : soit on demandait aux copistes d’assurer eux-mêmes les reprises indispensables, soit la tâche était confiée à un confrère plus habile pour sauver l’œuvre de la médiocrité. Tout mérite artistique confondu, l’État commanda ainsi et déposa quelques 540 Napoléon III et près de 400 Eugénie entre 1855 et 1870 d’après les modèles de Winterhalter.

En pied ou à mi-corps

Les copies étaient déclinées en deux versions : avec les sujets montrés en pied comme sur les originaux dont ils conservaient les dimensions, ou avec Napoléon III et Eugénie cadrés plus serrés et à mi-corps, les personnages gardant grandeur nature la partie visible de leurs silhouettes. Le prix, déjà fixé au moment de la commande, ne dépendait pas de la qualité de la copie (ni du renom de l’artiste) mais de sa taille : 1 200 francs pour une version en pied (environ 250 x 150 cm) contre 600 francs pour la version à mi-corps (environ 140 x 100 cm). Certains tableaux ont conservé leur imposant cadre en bois stuqué et doré en haut duquel figurent les armoiries impériales, tandis que d’autres possèdent un encadrement plus simple avec juste une mouluration. Parfois, en bas du cadre, figure encore le cartouche d’origine qui indique « don de l’Empereur ». Souvent pris abusivement comme synonyme de cadeau, le terme « don » n’évoque pas ici un quelconque transfert de propriété, mais doit être compris dans son acception de « dépôt », car l’œuvre continue d’appartenir à l’État. L’Histoire peut expliquer la disparition d’un grand nombre des portraits du couple impérial : le désastre de Sedan en septembre 1870 et le changement de régime qui suivit n’imposèrent pas la conservation de ces œuvres à forte teneur politique et idéologique.

Virginie Inguenaud
Responsable des collections historiques (1791-1870)
Centre national des arts plastiques
 

Dernière mise à jour le 2 mars 2021