Myriam Mechita

Les architectures du désir ou mourir dans les bras de la foudre
Exposition
Arts plastiques
Le Parvis Ibos

Vue de l'exposition au centre d'art du Parvis à Ibos.

Rien n’est plus complexe finalement que d’expliquer l’art 

de Myriam Mechita. 

D’un côté, il y a la séduction des matériaux qu’elle utilise 

(des paillettes, des perles et des miroirs), emportés par la 

violence inquiétante de ses représentations (des corps 

décapités, des têtes de morts, des animaux de proies ou 

taxidermisés...). 

De l’autre, la symbolique du sujet, perpétuellement tra- 

versée par des forces contradictoires. 

Ici, le désir et l’amour associés profondément et parado- 

xalement au manque et à la mort. 

L’art de Myriam Mechita est donc pluriel. 

Il propose un voyage mental à travers une pensée en 

perpétuelle mutation, évoque autant le raffinement fé- 

minin que sa force brutale et se charge de plusieurs sens  

pour que finalement la signification se dérobe toujours. 

L’exposition Les architectures du désir ou mourir dans les 

bras de la foudre n’échappe pas à la règle et, comme  

de coutume, se charge d’une force aussi enchanteresse 

qu’inquiétante. 

Les architectures du désir ou mourir dans les bras de la 

foudre fait suite à une performance que Myriam Mechita 

a réalisé en 2009 pour le festival «A FIAC+ si affinités» dans 

le Tarn. Dans un décor inquiétant l’artiste évoquait une 

sorte de «Carte du Tendre», cette carte topographique 

et allégorique représentant les différentes étapes de la 

vie amoureuse (de la quête et à la perte de l’autre.) 

L’exposition s’inspire de cette performance et fait vivre 

au visiteur une expérience spatiale, mentale et narrative 

chargée de significations et de correspondances secrè- 

tes. 

Inventer l’amour 

Lorqu’en 1654, Mademoiselle de Scudéry publie le pre- 

mier tome de «Clélie», un roman galant dans lequel est 

figurée la carte du «Pays du Tendre» qui décrit la société 

précieuse du XVIIème siècle, son objectif est de décryp- 

ter les étapes et stratégies de la vie amoureuse selon des 

normes devenues aujourd’hui désuètes, voire même un 

peu niaises. 

Quelques trois siècles plus tard, Myriam Mechita ré-inves- 

tit cette philosophie amoureuse pour adolescentes an- 

xieuses des choses du corps et du sexe et nous livre une 

géographie morbide du sentiment où «Le Désir» trouve 

sa place au centre du tout : du regard, de l’amour mais 

également de l’angoisse, de la mort et de ses « architec- 

tures illusoires ». 

« Parce que le désir s’incarne et prend corps dans le souf-

le et l’élan vers l’autre. Le souffle, la foudre, des dépla- 

cements imperceptibles qui jouent de l’absence. J’ai en- 

vie de donner corps à cette absence, à cette présence 

aussi, à cette inquiétante étrangeté qui me bouleverse et 

me perturbe. » (Texte du projet de Myriam Mechita.) 

 

Pour Myriam Mechita, en effet, le désir et l’amour sont des 

états de souffrance permanents, des manifestations per- 

verses qui conduisent à la satisfaction et la plénitude alors 

même qu’ils perdent tout caractère de «désirabilité». 

Dans cette exposition, Myriam Mechita ne fait pas l’éloge 

des sentiments purs ni des intentions magnifiques, et éradi- 

que toute vision régressive et fleur bleue de l’amour. Ainsi, 

le corps, sa jouissance et sa finitude sont pour l’artiste de 

véritables ressorts fictionnels, plus proches d’un «pays du 

jouir» (au sens d’une petite mort) que «du tendre». 

Tout commence dans le Hall où le spectateur est convié 

à pénétrer l’exposition. 

Myriam Mechita donne ici vie à une cartographie intime 

pour laquelle elle brode, dessine, sculpte et peint le désir 

du corps de l’autre, l’espoir de sa conquête, la projection 

d’une réussite, et la possibilité de l’échec et de la mort. 

D’abord, un paysage panoramique réalisé à la perceuse 

attaque directement les murs. Il représente l’image d’une 

ville idéale, telle qu’on la trouve dans les peintures de la 

Renaissance. 

Percée en creux, la ville semble vibrer et, en laissant ainsi 

transparaître la fragilité du mur qui la supporte, rend signi- 

fiante la brutalité avec laquelle elle a été réalisée. 

Plus loin, cinq broderies cousues de multiples de paillettes, 

représentent des corps de Saints décapités, directement 

empruntés à la peinture italienne du XVème siècle. 

Des corps sans tête : voilà un thème récurrent dans le tra- 

vail de Myriam Mechita ! 

Comme l’est la décollation dans l’histoire de l’art occi- 

dental, comme le sont le sacrifice ou le martyre dans les  

sociétés archaïques. 

Est-il utile de le rappeler d’ailleurs : la décapitation est l’un 

des symboles fondateurs de toutes les mythologies : Cro- 

nos décapité par Zeus, la tête de la Gorgone Méduse 

tranchée par Persée, la tête prophétique de Mimir chez 

les Nordiques, celles de Goliath, d’Humbada, de Curoi, 

etc... Rien d’original a priori... 

Si ce n’est que trancher la tête revient, pour Myriam 

Mechita,  à faire re-surgir notre animalité oubliée…. 

Animalité qui justement fait écho aux sculptures de corps 

de chevreuils taxidermisés, suspendus à des potences et 

dont les membres, orifices et têtes absents, laissent jaillir 

des flots de perles chatoyantes. 

Pour autant dans cette exposition, les têtes sont pour une 

fois légion. 

Ce sont des visages de femmes agonisantes, selon l’ar- 

tiste (plus certainement en pleine extase) et rehaussées 

de figures animalières. 

Un serpent gigantesque couvre la chevelure de l’une 

symbolisant la transmutation du cycle vie-mort-renais- 

sance; deux chevreuils se déploient autour d’une autre 

représentant la douceur, qui touche le coeur et l’esprit 

des êtres blessés… 

Ainsi, une dizaine de dessins se disperse d’un bout à 

l’autre du centre d’art et opère une fusion avec la lumière 

froide qui irradie le lieu. 

La lumière, en effet, est un élément constitutif de l’exposi- 

tion. 

Si les perles, les paillettes et les fragments de miroirs fonc- 

tionnent comment autant d’éléments reflétant le désir de 

l’autre, c’est bien la chimie du latex et des paillettes, en- 

vahissant en flaques monumentales les murs et le sol du 

centre d’art, qui donne à l’exposition toute son aura et son 

homogénéité . Là où les œuvres, parce que hétérogènes 

et variées, morcellent et divisent, la lumière, elle, « apporte 

un geste fluide, une variable aussi fugitive qu’un souffle. » * 

Reste alors une multitude de sculptures aux formes énig- 

matiques qui continuent à se disperser dans l’espace. Des 

céramiques aux contours organiques, des oiseaux de proie 

translucides, des crânes, des lustres et des tas de chaînes, 

ré-inventent un parcours initiatique qui entraîne le specta- 

teur au coeur de l’exposition : une plate-forme hérissée de 

tasseaux de bois au pied de laquelle s’agglutine un bes- 

tiaire composé d’animaux de proie, une chambre à cou- 

cher qui symbolise l’intime, l’abandon à un amour univer- 

sel, précisément là où sera sise la performance de Myriam 

Mechita que sa fidèle acolyte Chloé Mons interprétera le 

soir du vernissage. 

Parabole du désir et de la peur humaine, autant que de 

la fuite du temps et de la fragilité de l’existence, Les archi- 

tectures du désir ou mourir dans bras de la foudre se fonde 

d’emblée sur une profonde ambiguïté, celle de l’homme 

en son essence et celle de l’artiste en sa pulsion créatrice. 

Le désir est la source d’une insatisfaction permanente. 

Or, comme pure puissance de l’homme, comme dimension 

fondamentale de son essence, le désir ne saurait s’étein- 

dre qu’avec la mort… et sans désir plus aucune création 

ne serait possible. 

Magali Gentet 

Commissaires d'exposition

Artistes

Adresse

Le Parvis Centre commercial Méridien - 1er étage Route de Pau 65421 Ibos France
Dernière mise à jour le 2 mars 2020