Mois européen de la photographie : Paris 2004

C’est sur le thème fédérateur, annoncé il y a deux ans, « Histoire, histoires, du document à la fiction », que se décline le Mois de la Photo de novembre 2004. Trois délégués, Virginie Chardin, Anne Tronche et Denis Canguilhem, ont accepté, chacun dans leur domaine et à leur manière, de relever, une fois encore, le défi qui consiste, dans une multitude de propositions pertinentes, à organiser une programmation riche et rigoureuse. Bien que le thème se prête aux interprétations les plus larges, c’est autour de trois grandes directions que se regroupent les expositions. L’une est spécifiquement historique ; elle établit une sorte de nomenclature de l’histoire de la photographie dans laquelle la chronologie occupe une place prioritaire. L’autre explore des régions peu ou moins connues et dévoile de nouvelles perspectives. Enfin, la dernière, fortement subjective, introduit par le biais de contemporains une vision interprétative, souvent poétique et fictionnelle. Ainsi en va-t-il des petites histoires qui se lovent autour de la grande, comme ces archives de l’occulte dont certains documents, jusque-là oubliés, prennent, par la vertu de l’exposition, un statut d’oeuvres d’art, ou encore, la reconstitution scrupuleuse d’une exposition mythique, celle organisée en 1935par Julien Levy autour d’Alvarez Bravo, Walker Evans, Cartier-Bresson, dont tous les tirages ont été retrouvés et seront exposés à la Fondation Henri Cartier-Bresson, sans parler de la rétrospective tant attendue d’Alfred Stieglitz ou de Robert Capa. Mais si de grands événements, comme le 150e anniversaire de la Société Française de Photographie, permettront aux visiteurs un contact direct avec des chefs-d’oeuvre fragiles rarement montrés, sans doute convient-il aussi de ne pas négliger tout ce que le Mois de la Photo peut receler de découvertes, ces pépites que les galeries, les centres culturels et centres d’art savent si bien exhumer. C’est au gré de sa fantaisie et de son humeur que le visiteur s’égarera dans ces mille et une nuits du Musée du Montparnasse, ou encore dans cette Amazonie mystérieuse que nous révèlent les photographies des explorateurs rassemblés à la Maison de l’Amérique Latine, à moins qu’il ne préfère s’engager, comme Bruno Rosier, Jan Hietala, Marine Fromanger, sur les pas de photographes du passé, condensant ainsi le temps en des raccourcis saisissants. On l’aura compris, c’est au visiteur et à lui seul, qu’il appartiendra de bâtir un parcours et de laisser son regard chiner, ici ou là. Cette année encore, de grands musées ont largement ouvert leurs cimaises à la photographie : le Louvre, le Centre Pompidou, le Jeu de Paume, le Musée Zadkine et la Maison de Victor Hugo, relayés par plus de douze centres culturels étrangers et les plus prestigieuses galeries privées. On remarque aussi l’internationalisation des productions qui inaugure une phase nouvelle. La MEP coproduit avec le Metropolitan Museum de New York, le Musée d’Orsay avec Musée Reina Sofia de Madrid, la Fondation Cartier-Bresson avec le Musée de l’Élysée de Lausanne, sans oublier la participation des Musées Alinari, Charleroi, et Keshkemet (Hongrie). Mais c’est surtout l’ouverture à l’Europe et la première édition d’un Mois Européen de la Photographie, avec les villes de Berlin et de Vienne qui retiendra l’attention. Plus de soixante expositions à Berlin, tout autant à Vienne, se répondront, comme en écho, durant tout le mois de novembre. C’est dans le cadre d’une politique culturelle inventive, coordonnée par les trois municipalités, Paris, Vienne, Berlin, dans laquelle la photographie tient une place importante, que s’inscrit cette première grande manifestation. Soutenu par le Programme culture 2000 de la Communauté Européenne, et étendu prochainement à Bratislava, Rome et Moscou, ce Mois européen de la Photographie consacrera, à n’en point douter, les efforts de tous ceux qui croient en une identité culturelle européenne et en la possibilité de construire pour la photographie un réseau d’échanges et de collaborations innovants. Jean-Luc Monterosso Commissaire général du Mois de la Photo