Mémoires de livre

Exposition
Arts plastiques
Galerie Dix9 Paris 03

Objet culturel lié à l'histoire humaine, le livre est pour son lecteur
une extension de la mémoire et de l'imagination. Support
du texte et de l'écriture, il reste un élément vivant de la civilisation
que même la révolution numérique ne saurait totalement
éradiquer. Le Livre avec un grand « l » est ainsi le fondement
des grandes religions monothéistes (La Bible ou Le Coran) tout
comme il est devenu celui de certains régimes politiques (tel le
Petit livre rouge de Mao). Par extension le livre peut s'entendre
du journal intime, carnet de notes, livre de bord, voire du simple
journal d'actualités.
Il n'est pas étonnant des lors que nombre d'artistes se soient approprié
le livre sous les formes les plus diverses. Sans même parler du livre
d'artiste dont la force d'expression revêt de multiples propositions esthétiques,
le livre et ses pages deviennent matière à penser, qu'il s'agisse de
l'objet livre ou du livre support de sens et de message. Paradoxalement
cette réactivation du livre produit des objets que l'art fige et qui s'avèrent
parfois inexplorables puisqu'il est impossible de lire toutes les pages,
voire une seule page, ni même de les toucher. Cas extrême dans les livres
cousus de Sheila Concari.
Manifeste de la culture, le livre devient objet archéologique dans sa
traduction en terre cuite par Paula de Solminihac. Papyrus, plié, ouvert
ou fermé, il laisse apparaitre les pages qui constituent son essence.
La magie du matériau cuit au feu laisse deviner son apparentement
au cuir ou au textile dont le livre a parfois été constitué. Les
pages sont vierges comme le sont les Ardoises de Mehdi-Georges
Lahlou qui a volontairement effacé les versets du Coran qui étaient recopiés
sur ces tablettes de bois de cèdre dans les écoles coraniques.
C'est sur le texte du livre que se porte le travail de Nemanja Nikolic, travail
qui témoigne de l'histoire d'une génération dont l'enfance a été marquée
par des évènements historiques tumultueux et la fin dramatique de
la Yougoslavie. Panic Book est à la fois un ensemble de dessins et son
aboutissement en une vidéo d'animation. Les dessins ont pour support
des pages de livres provenant souvent de la bibliothèque familiale, qui
traitent de la pensée politique et philosophique du socialisme yougoslave.
Les pages deviennent alors le cadre d'une reconstruction de séquences
cultes de films d'Hitchcock : scènes de panique, fuite, persécution, peur..
Cette relecture du socialisme de Tito est ainsi rapprochée des mécanismes
de mise sous tension et d'annonce de catastrophes utilisés par le
maître du suspens.
Questionnant les notions de pouvoir et de croyance par des détournements
insolites, Marie Aerts revisite les Béatitudes de la Bible. En référence
au prosélytisme de l'Eglise, l'artiste s'exprime par la taille douce et
les caractères gothiques des moines qui recopiaient les textes religieux.
Mais les sentences sont gravées sans encre sur fond blanc. Cette apparente
pureté cache une parole accablante où les inégalités sont dépeintes
sans blâmer ni les causes ni les coupables.
Fruit d'un atelier avec des artistes et des élèves d'un collège agricole,
le Monument à Georges Pérec entrepris par Anne Deguelle est un livre
manifeste sur la disparition annoncée de l’écriture manuscrite. Cet acte
collectif, où la totalité de La disparition est retranscrite, crée une oeuvre
où vernaculaire et geste artistique s’hybrident et fusionnent en un bel
impur.
C'est aussi l'écriture manuscrite qu'analyse Sophia Pompéry dans son
projet Und Punkt. Ce livre de points recense le point final original de la
première édition de quinze histoires d'amour écrites par un auteur allemand
au cours des trois derniers siècles et conservés à la Bibliothèque
Nationale de Berlin. Il commence par le point final de Goethe dans Les
Souffrances du Jeune Werther.
Les carnets de Paula de Solminihac, sorte de livre intime et de carte
mentale, deviennent eux-mêmes objet des investigations de l'artiste.
Dans ce travail axé sur la mémoire qui devient archéologie personnelle,
elle emploie certains principes de Frances Yates pour lier les apparences
extérieures à la dimension subjective des images imprimées dans l’esprit
de celui qui se souvient. En contournant les espaces libres de son journal,
l’artiste crée un registre indicatif de l'absent tout en laissant imaginer
une histoire jusque là cachée. Ailleurs elle utilise le papier de son journal
pour créer des oeuvres qui s'apparentent au dessin et témoignent de son
univers intime. Ou pour les transformer en cascaras, sorte de coquilles
qu’elle assemble en un collier qui symbolise cette alchimie de transformer
l'inutile en utile. Elle s'empare aussi de feuilles de journaux pour
traduire la mémoire d'un immense lotus d'Amazonie (Victoria)
Des oeuvres manifestes à la mémoire du livre, lui-même objet de mémoire.
Comme une ode à la magie de la page.

Tarifs :

entrée libre

Commissaires d'exposition

Artistes

Autres artistes présentés

Sheila Concari, Anne Deguelle, Leila Danziger, Mehdi-Georges Lahlou, Nemanja Nikolic, Sophia Pompéry, Paula de Solminihac, 

Accès mobilité réduite

Oui

Adresse

Galerie Dix9 19 rue des Filles du calvaire 75003 Paris 03 France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022