Les Monuments orientaux du Musée Schœlcher
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Anonyme, Génie bénisseur. Bas-relief en plâtre (FNAC PFH-6253)
Anonyme, Tributaires mèdes, moulage d'après un bas-relief en albâtre gypseux de Khorsabad en Assyrie, daté de l'époque néo-assyrienne (règne de Sargon II, 721 - 705 av. J.C.), conservé au Musée du Louvre (AO 19918). Achat à l' Atelier de Moulage du Louvre et des Musées de France en 1885, Inv. : FNAC PFH-6252.
Anonyme, Le roi Assurbanipal sur son char et prisonniers élamites, moulage d'après l'albâtre gypseux du palais d'Assurbanipal (Ninive), vers 645 av. J.C., conservé au Musée du Louvre (AO 19904). Achat à l' Atelier de Moulage du Louvre et des Musées de France en 1885, Inv. : FNAC PFH-6251.
Anonyme, Statue cube de Ouahibrê, gouverneur de Haute-Egypte, moulage d'après la statue en diorite datée de la fin de la XXVIe dynastie, vers 525 av. J.C., conservée au Musée du Louvre (A 91). Achat à l' Atelier de Moulage du Louvre et des Musées de France en 1885, Inv. : FNAC PFH-6250.
Cachet sur la base d’un des moulages : MUSÉES NATIONAUX / MOULAGE
Remarquable par sa qualité ou son histoire, étonnante, curieuse parfois, une œuvre de la collection se dévoile au travers d’un éclairage illustré et documenté. Chaque mois, le Centre national des arts plastiques choisit de mettre en valeur une œuvre, anciennement ou récemment acquise, tous matériaux et supports confondus, pour partager la richesse et la diversité de la collection de l'État.
L'art de la copie : de l'Antiquité aux ateliers des musées nationaux
Les copies en plâtre d’œuvres originales sont caractéristiques de l’époque moderne, mais elles existent en réalité depuis l’Antiquité : à l’époque romaine, il n’est pas rare de posséder des bustes et des statues en plâtre. À partir de la Renaissance, le moulage permet essentiellement la réalisation de copies d’antiques, destinées en premier lieu à orner belles demeures et jardins. À partir du XVIIe siècle, cependant, les copies deviennent des objets d’étude. Elles servent à remplacer les œuvres dont on ne peut posséder l’original. En France, l’atelier de moulage du Louvre est créé en 1794, deux ans après la création du musée. Il produit des moulages destinés à être envoyés dans les musées et les écoles des beaux-arts aux quatre coins du pays. Une idée issue de la philosophie universaliste des Lumières, afin de permettre à chacun d’acquérir des connaissances artistiques et historiques.
Les choix artistiques de Victor Schœlcher
L’utopie de réunir les œuvres emblématiques du génie artistique humain dans un but encyclopédique et pédagogique est poursuivie par les intellectuels positivistes du XIXe siècle. C’est dans cette optique que Victor Schœlcher décide, à la fin de sa vie, d'offrir à la Guadeloupe une partie des collections qu’il a amassées lors de ses nombreux voyages. En 1883, il crée le musée qui va porter son nom. À cette occasion, il fait lui-même commande aux ateliers des musées nationaux, de moulages d’œuvres conservées au Louvre, afin qu’elles puissent être admirées même loin de Paris. Les plâtres seront déposés avant même l’inauguration du musée, le 21 juillet 1887. La liste est tripartite : monuments grecs et romains (marbres du Parthénon, Apollon sauroctone, Gladiateur Borghèse, Vénus de Milo …), monuments de la Renaissance (notamment deux bas-reliefs de la Fontaine des Innocents par Jean Goujon) et des temps modernes, et monuments orientaux (Lettre du Directeur des Musées nationaux au Directeur des Beaux-Arts, 27 avril 1885 : F/21/2213, dossier n°6 [série musées]).
De l'Assyrie à l'Égypte
Des moulages d’œuvres tardives réalisées entre le VIIIe et le VIe siècle avant Jésus-Christ, en provenance du Proche-Orient et de l’Egypte antiques, font donc partie de cet envoi. L’œuvre la plus ancienne est un génie ailé bénisseur à tête d’oiseau et au corps d’homme, situé à proximité de l’un des porches du palais de Sargon II (721-705 av. J.-C.) à Khorsabad (Irak actuel). Il tient dans sa main un petit seau dans lequel il trempe une pomme de pin pour bénir les visiteurs et repousser les forces maléfiques hors du palais. De Khorsabad également provient le relief représentant les peuples soumis par les Assyriens apportant leurs tributs à Sargon II. Des tributaires Mèdes (de l’Iran actuel) offrent leurs chevaux ainsi que la maquette d’une ville, symbole de leur soumission. Le troisième bas-relief assyrien provient du palais d’Assurbanipal (669-627 av. J.-C.) à Ninive (Irak actuel). Le roi assyrien y est représenté en campagne sur son char, tandis qu’au registre supérieur figurent les populations vaincues. Deux copies de statues égyptiennes de la XXVIe dynastie (dite époque Saïte, 664-525 av. J.-C.) complètent cette collection. L’une reproduit la statue de granit de Peftchaouaneith, médecin et chef du trésor sous le règne du roi Amasis (575-526 av. J.-C.). Il tient devant lui une chapelle (naos) dans laquelle se trouve une statuette du dieu Osiris. L’autre est un moulage d’une statue-cube de Ouahibrê, gouverneur de Haute-Egypte. Ce type très ancien de statue égyptienne, apparu près de mille-cinq-cents ans plus tôt, connut un grand succès aux époques tardives. Le noble égyptien y est représenté en gardien du temple, dans lequel il a disposé sa statue pour bénéficier des faveurs du dieu du temple. Les dépôts par l’Etat de copies de sculptures et bas-reliefs ont été chose courante de la fin du XVIIIe siècle au milieu du XXe siècle, mais il est rare que le choix des œuvres ait été aussi large, les monuments antérieurs à l’Antiquité romaine étant souvent oubliés. Si la démarche de Victor Schœlcher démontre à quel point son humanisme reposait sur l’éducation gratuite et égalitaire, les choix de l’abolitionniste dénotent un universalisme peut-être teinté d’évolutionnisme.
Hélène Bouillon
Conservateur du patrimoine
Centre national des arts plastiques
BENOIT A., 2003, Les Civilisations du Proche-Orient ancien, coll. « Manuels de l'École du Louvre », École du Louvre, Editions de la Réunion des musées nationaux, Paris.
BOVOT J.-L., ZIEGLER Chr., 2002, Art et archéologie : l'Egypte ancienne, coll. « Manuels de l'École du Louvre », École du Louvre, Editions de la Réunion des musées nationaux, Paris.
COLLECTIF, 1988, « Le Moulage », in Actes du colloque international, 10-12 avril 1987, La Documentation française, Paris.
MARTINEZ J.-L ., 2000, « Les moulages en plâtre d’après l’antique du musée du Louvre : une utopie du XIXe siècle », in D’après l’antique, Catalogue de l’exposition au Musée du Louvre, Editions de la RMN, Paris, p. 78-82.
RECHT R., 2001, « Le Moulage et la naissance de l’histoire de l’art », in Le musée de sculpture comparée, l'invention d'un modèle au XIXe siècle. Colloque actes du colloque des 8 et 9 décembre 1999, Editions du Patrimoine/ Musée des monuments français/ Cité de l'architecture et du patrimoine, Paris, p. 46-63