Laura Lamiel, du miel sur un couteau

Cette exposition est l’occasion de découvrir la place singulière que l’oeuvre de Laura Lamiel occupe depuis plusieurs décennies dans le paysage artistique. L’important virage que ce travail a opéré au début des années 2000 sera visible dans l’espace de Cahn Contemporary, ainsi que la logique interne d’une démarche remarquablement ouverte où le jeu des contraires engendre sans cesse de nouvelles formes : entre espace d’exposition et atelier, surfaces immaculées et charge affective des matériaux, éveil de l’esprit et contacts amoureux.

L’exposition du miel sur un couteau est un modèle de compatibilité et d’interdépendances entre les cinq installations pensées par Laura Lamiel et l’espace d’exposition de Cahn Contemporary, agréablement décomplexant pour le corps qui s’y déplace. Cette cohabitation est le résultat du dialogue entre deux structures (l’une à l’initiative d’une galerie spécialisée en art ancien, l’autre au plus proche de formes actuelles) qui se sont connues en 2019 à Bâle et s’entendent sur une même perception de l'oeuvre d'art comme un corps vivant pourvu d'une capacité d'agir.

Les expositions mains amies et parti·e·s hier, organisées conjointement en 2019 et 2020 dans l’espace de Cahn Contemporary à Bagnolet (France), ont permis à plusieurs artistes représenté·e·s par la galerie Marcelle Alix de se connecter intuitivement à des reliques et de voir ce qui se déclenche de très émotionnel en chacun·e. Ce dialogue modèle de nouvelles intentions et relations croisées par lesquelles une histoire de l’art non-linéaire s’installe dans notre présent. À ces occasions, Laura Lamiel a renforcé le pouvoir haptique de ses installations en profitant des espaces domestiques de Cahn Contemporary en France pour nous inviter à observer à notre rythme objets archéologiques et oeuvres d’art non fétichisés, dans le calme feutré du bureau ou de la chambre.

Face à l’architecture de type brutaliste de l’espace bâlois, Laura Lamiel propose des installations qui nous saisissent par leurs échelles, leurs couleurs et leurs reflets. Son travail ne craint ni les petits espaces, ni les lieux où la taille des salles entraîne une certaine désorientation des corps. Les oeuvres plus anciennes sont réinterprétées et connaissent de nouvelles configurations où « permutations », selon ses mots. Les objets archéologiques intégrés dans ce projet inédit relaient les explorations du corps que Laura Lamiel mène depuis un moment déjà. C’est au cours d’un séjour à la Galerie Cahn à Bâle que l’artiste a longuement cherché des connivences avec des trésors de l’art archaïque, à partir desquels elle crée un espace symbolique intermédiaire. Dans l’échange qui naît de ces confrontations s’opère un renversement : les palpitations qui émanent de ces objets aux mystères intemporels cherchent à toucher de leur souffle les spectateur·trice·s à leur tour regardé·e·s.

du miel sur un couteau est un oxymore que l’on peut utiliser pour évoquer l’ensemble du travail artistique de Laura Lamiel. Toute sa démarche suggère des antagonismes et des complémentarités. C’est dans cet écart entre deux choses qui s’appellent sans cesse que l’artiste construit son identité.

Marcelle Alix & Cahn Contemporary

Avec le soutien galeries/publications du Centre national des arts plastiques