Là où je n'existe pas

Manifestation/Festival
Arts plastiques
Association Printemps de Septembre à Toulouse Toulouse
deuxièmes intentions « Là où je suis n’existe pas »… Entre «Là où je vais, je suis déjà», sous-titre du Printemps de Septembre l’an dernier, et «Là où je suis n’existe pas» cette année, il y a un enchaînement évident, mais il ne faudrait pas penser que ces deux éditions forment un diptyque : ça ne s’inverse pas totalement, on traite les enchaînements différemment, avec des tonalités autres, sans aucun doute. Cette année, le réel n’est plus la base continue du programme, on est beaucoup plus dans un univers où la tonalité subjective est le lieu du travail plutôt que l’objet saisi.

Complément d'information

Stéréo
Assez clairement, l’idée pour cette deuxième saison consiste à proposer tantôt des remakes, ou des sentiments de déjà vécu, et tantôt un contre-emploi. De manière à donner tantôt un sentiment de continuité ou d’écho d’un épisode à l’autre, tantôt d’aller complètement à revers de l’an dernier. Il est important de relever la mémoire du festival précédent dans l’esprit de ses visiteurs récurrents. L’épaisseur d’une activité artistique advient quand elle s’appuie sur la capillarité de ce qui précède.

Soleil gris
Ou «gris soleil». Pensant au « Printemps noir » de l’an dernier, j’ai glissé vers l’idée de soleil gris, c’est-à-dire d’une lumière voilée, et en vérité la seule lumière dont on dispose vraiment. Tandis qu’une pleine lumière nous éblouit, ou ne fait qu’éclairer, une lumière voilée est aussi regardable. Avec cette tonalité grise, qu’on croisera de manière cohérente dans ce nouveau festival d’expositions, il est certain qu’on passe à nouveau à côté du rose toulousain. On ne sera pas dans un moment dépressif ou déceptif, plutôt dans un moment indistinct, entre chien et loup.

Lieux
La deuxième fois, on est forcément plus familier des lieux, on se préoccupe moins de les agresser. Malgré leur fragilité, leurs inconvénients, leur inaptitude parfois à accueillir de l’art contemporain, on a pu aussi apercevoir leurs qualités particulières.
Donc il sera moins question d’attaquer les lieux, de les humilier, mais ils seront peut-être davantage ignorés. Comme le Château d’eau, contradictoirement dévolu à la photographie, et qui sera cette année investi par l’artiste Pierre Vadi. Idem avec Victor Burgin à l’Hôtel-Dieu : je ne voulais en aucune façon placer les artistes dans la situation de dialoguer avec ce lieu, et donc le parti-pris sera de l’ignorer.

Musée
J’aimerais cette année continuer de parler du musée dans le musée. Comme l’an dernier aux Abattoirs, où l’artiste John Armleder et moi nous avions mélangé les collections des Abattoirs et du musée d’histoire naturelle, mais aussi comme je le fais sans cesse au Mamco à Genève. L’exposition « Sept pièces faciles », qui se déroulera dans les salles latérales des Abattoirs, organisera sept moments possibles d’un musée. En partant pour l’essentiel des collections du Mamco, pour proposer des appariements. Par exemple, je veux mettre en regard deux tableaux de Rémy Zaugg et Gérard Gasiorowski qui ont tous les deux à voir avec La Maison du pendu de Cézanne. Je veux aussi rejouer des appariements entre des Date paintings d’On Kawara datées de 1966, 1977 ou 1988, et des œuvres d’autres artistes mais de la même époque. Voilà d’excellents prétextes pour mesurer la distance historique, et pour rejouer l’attention du musée, toujours embarrassé par sa synchronie. Un musée est comme une « Maison de rendez-vous » : pas seulement avec les visiteurs mais d’abord entre les œuvres. Et « Sept pièces faciles », c’est en souvenir de l’exposition «cinq pièces faciles» de Bertrand Lavier, titre lui-même repris d’un flm américain des années 70.

Facilité
J’aime l’idée de la facilité. D’abord, parce que je ne suis pas protestant et que la facilité c’est la fluidité ; la fluidité c’est le don des circonstances. Et je pense aussi que le musée doit être dédramatisé, qu’il doit aussi accueillir ces improbables, ces approximations… De toute façon, on ne travaille que par approximations : celles qu’on perçoit comme telles, et celles dont on se rend compte ultérieurement. Tout le décisif tient à la coïncidence, et pour le reste, je voudrais donner le sentiment que nous donnent certains acrobates : que c’est si simple. Donc il n’y a pas eu une construction intense. Effectivement, si les expositions ont été assez tendues l’année dernière, tantôt par la saturation, tantôt par le feed-back des antagonismes, là, j’aimerais que ce soit presque l’inverse, que les choses se jouent cette fois sur le mode de la connivence ou de la rencontre apaisée.

Festival
Est-ce qu’on s’oriente cette année vers une autre manière de travailler l’idée de festival ? Oui, absolument. Après le « Printemps noir » de l’an dernier, qui faisait intervenir des artistes qui critiquaient le réel, il semble que cette année on soit davantage sur le point d’assumer la « Parade ». Je pense au grand rideau de scène de Picasso qui est dans la collection des Abattoirs, qu’on réouvre au public pendant le temps de la manifestation, et dont on fait un des points de départ imaginaire du programme en faisant venir un autre rideau de scène créé par Dalí, et en invitant Jim Shaw à faire sa propre parade au milieu. Entre distance et dissentiment, je crois qu’il reste un espace pour que l’ensemble des propositions conserve un caractère critique sans être dans l’affrontement. Pour chercher une meilleure jonction avec la dimension spectacle vivant du festival, l’autre aspect du Printemps. On frôle le spectacle mais on n’est pas dans le spectacle ; et « La Nuit des tableaux vivants » vient encore pointer cela : le tableau vivant, c’est la frustration même du spectacle. C’est ce qui le rend si étrange, si fascinant, un morceau de temps sans événement autre que la suspension.

Dessin
Quand on organise un festival comme le Printemps de Septembre—à Toulouse, il est difficile d’éviter que des choses se coagulent autour de l’événement spectaculaire. D’où le choix presque inverse d’inviter beaucoup d’artistes qui pratiquent le dessin. Je pense très banalement que le dessin est une chose très importante, et qui a le mérite de ne pas relever immédiatement de la réception spectaculaire. Et je n’oublie pas qu’il n’y a au fond qu’une vingtaine d’années seulement que le dessin a été réadmis dans le champ de l’art contemporain.
En marge De toute façon, l’art de notre époque est indé-cidable – c’est le cas de beaucoup d’époques, mais pas de toutes. Et on trouve des œuvres qui travaillent précisément à la frontière, qui caractérisent notre indécision ou notre ambivalence. à l’exemple de Klara Kuchta, Jirí Kovanda, Jùlius Koller et Tony Morgan, quatre artistes qui appartiennent à l’époque du noir et blanc. Ils ont surtout en commun d’être peu visibles et de ne pas chercher à l’être particulièrement. Ils sont vraiment à la marge de l’historiographie, et n’auront probablement jamais une inscription forte dans l’Histoire. Je voulais montrer ça aujourd’hui, des figures qui n’avaient tenu qu’à elles-mêmes, dans un moment où personne ne les cherchait. Car je crois qu’il y a des gens comme ça, à nouveau, aujourd’hui.
Radio J’aime la radio, parce qu’elle ne s’adresse qu’à chacun et jamais à tout le monde, parce que c’est toujours à toi qu’elle parle, surtout la nuit. « La Radio du bout de la nuit » n’est pas un objet de communication, mais une pleine dimension du festival. C'est-à-dire la convergence de toute une série de variétés humaines : artistes, intervenants divers et public, dans un espace-temps donné, dans l’espace d’une ville. Quand les portes des expositions se ferment, on continue à faire exister cette communauté à travers la parole et les sons croisés de la radio.

Christian Bernard Fragments d’une conversation avec Jean-Max Colard

Christian Bernard — Après avoir dirigé la Villa Arson à Nice de 1986 à 1994, Christian Bernard (Strasbourg, 1950) est devenu directeur du Mamco, le musée d’art moderne et contemporain de Genève, qu’il a conçu comme une exposition globale où se mélangent expositions temporaires et collections permanentes, faisant encore varier les types d’espace et d’accrochage (l’appartement du collectionneur, le white cube, l’atelier, l’entrepôt, etc.). C’est encore sous l’enseigne du Mamco que Christian Bernard effectue des commissariats extérieurs, pour le Tramway des Maréchaux Est à Paris, en 2012, après celui de Strasbourg en 2001, ou sur l’invitation de l’artiste Claude Lévêque pour le pavillon français de l’actuelle Biennale de Venise. Il assure la direction artistique du Printemps de Septembre—à Toulouse en 2008 et 2009.

Accès mobilité réduite

Oui

Adresse

Association Printemps de Septembre à Toulouse 2, quai de la Daurade 31000 Toulouse France
Dernière mise à jour le 2 mars 2020