KATIA BOURDAREL - SANS FLEURS NI COURONNES

Exposition
Galerie Eva Hober Paris 08

De ta nuque à tes reins, l’infini - Mériam Korichi

 

Le creux de la toile, immaculé, néant de blanc, est la réserve des couleurs, ces couleurs qui sont des obscurcissements et des éclaircissements corrélatifs du blanc et du noir qui sont comme deux limites toujours transgressées par Katia Bourdarel, ces limites repoussées au cœur même du tableau. On voit la gamme infinie des couleurs comme creusement de la plénitude originaire, actualisation d’un morceau d’infini à l’intérieur de contours qui s’éloignent de la lumière, s’intensifient, s’opacifient, se matérialisent. Alors on suit la métamorphose du modèle. Il devient cru, sa surface s’approfondit et devient acidulée comme la chair des pommes sures. Renflée et salée comme de la chair vivante. Corps à 37°. De la nuque aux reins, l’affirmation d’une infinie souveraineté. Souveraineté des courbes, des renfoncements et autres enveloppes de chair. L’odalisque, objet de peinture masculine, est reprise et transfigurée par Katia Bourdarel. L’objet féminin devient sujet, s’émancipe du regard, s’approprie son être et son apparence. Il y a comme un défi dans l’air, un défi pour le voyeur. La peinture se dissocie, se scinde entre effets d’objectivation et effets d’assujettissement. L’objet de la peinture est d’abord soumis au regard ; celui-ci - c’est sa nature – ramène l’objet à lui, le rapetissant, il le rabote pour pouvoir l’envelopper, le contenir. Mais l’objet résiste, et l’artiste capte cette résistance. Dans toutes les toiles, il y a de la résistance, dès ce lit primordial et immaculé duquel le corps se tire et auquel il s’oppose, tête enfouie, regard dérobé – non, il ne se donnera pas, fuyant bien que là. Dans ce contexte natal, le corps presque épanoui n’est pas lisse, mais il glisse. Drapé comme une rivière, à la fois paysage et liquide. Assigné et fugitif. L’objet veut le regard, mais ne le rend pas, il l’emmagasine jusqu’à pouvoir donner le sien une fois libéré, advenu à une certaine autonomie. Promesse de conte trouble et cruel. Trouble parce que l’objet contemplé provoque du trouble chez celui qui le contemple. Et cruel parce qu’il est clair que cet objet n’appartient et n’appartiendra à personne, bien que pouvant susciter la convoitise. Regard direct et franc de l’objet devenu fille, sans fleurs ni couronnes, conscient de son geste souverain, officié par une main pailletée d’or. L’objet en processus d’individualisation a quelque chose à exprimer qui dépasse ce qu’en perçoit le regard ; et le regard, pour le saisir, doit devenir à son tour patient, et l’objet devenir agent, c’est- à-dire un sujet autonome, là devant, séparé, autre. Alors on s’approche, on regarde de près, close up, absence de ligne de fuite, pas d’échappatoire, le regard s’engouffre dans la chair, est absorbé, subit l’effet d’une puissance agissante, qui n’est autre que le corps lui-même dans la gloire de son magnétisme bien matériel, incarné par la peinture qui rend présente la chose même, cette dynamique du corps, qui utilise tout le spectre de la lumière, du blanc au noir, des qualités de réflexion totale d’une surface irrémédiablement blanche à celles d’absorption du trou noir. Histoire de passage, affaire de seuil. Mais le chemin tracé n’est pas de sublimation, le but, c’est l’enfouissement dans l’épaisseur profuse des cheveux, un bain dans la matière puissamment mise en forme dans le corps féminin qui déploie sa puissance de rayonnement, fait de surfaces réfléchissantes et opaques, impénétrables, à contempler.

 

From your neck to your loins, infinity - Mériam Korichi

The canvas, hollow, immaculate, a white nothingness, provides the reserve of colours, the colours which are made from white or black darkened or lightened, black and white being those two limits always to transgress for Katia Bourdarel. These limits are transgressed inside the painting. The colour range is experienced as digging the native fullness, actualizing a piece of infinite inside definite shapes moving away from light, becoming material, solid, intense. Then we follow the sitter metamorphosis. The skin becomes raw, its surface goes deep and becomes slightly acid, sweeter than sour apples. Bulbus and salted as living flesh. Body at 37° C. From neck to loins, here’s the affirmation of an infinite sovereignty. Sovereignty of curves, recesses and other envelopes of flesh. Katia Bourdarel revisits the odalisque, this traditional object of masculine painting. The object becomes subject, emancipates itself from the look of others, takes ownership of its being and appearance. We can sense a challenge in the air, a challenge for the peeping Tom. The painting disassociates itself, divides itself between objectification effects and subjectiveness effects. The object of painting is first of all subjected to the spectator’s look. And the nature of this look is to take hold of the object, making it small to grasp it. But the object resists, and the artist sees this resistance. In all the canvases, there is resistance, resistance of the body against this native and immaculate bed, head buried, hidden eyes – no, the body here is not offering itself. In this native context, the almost blossoming body is not smooth, it is sliding. Wrapped like a river, it is at the same time like a landscape and a liquid. The object wants the look but it does not give it back. It stores all the looks until it will be capable of giving its own look, once free, once enjoying autonomy. A promise of cruel and troubled tales. Troubled because the contemplated object troubles the contemplating spectator. And cruel because it is clear that the object does not and will never belong to anyone, though provoking coveting glances. Straight and open look of the girl, unceremonious, conscious of her sovereign gesture, governed by golden glitter hand. The object in its process of individualization has something to express which passes what the look can perceive. And the eyes to see it should become patient, while the object becomes agent, that is to say an autonomous subject, here in front of us. So we come nearer, we look closer, no way to escape, the eyes look at the flesh, the eyes are absorbed, subjected to an acting power which is nothing else than the body in the full glory of its material magnetism. The painting gives full presence to the body itself in its dynamism, using all the range of the light spectrum, from the qualities of a total reflexion from a pure white surface to the absorbing qualities of a black whole. But the indicated direction is not the sublimation of matter, or its disappearance, the aim here is to burry the look in the thickness of hairs, to immerse onself in the matter powerfully condensed in the feminine body expressing the wide array of its powerful radiation, opaque, impenetrable, object of contemplation.

 

Horaires

La galerie est ouverte du mardi au samedi de 11h à 19h.

Adresse

Galerie Eva Hober 156 boulevard Haussmann 75008 Paris 08 France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022