JulianneROSE - TheFleshAndBloodToyStore (LeMagasinDeJouetsEnChairEtEnOs)

Exposition
Photographie
Galerie 13 Jeannette Mariani Paris 14

Autoportrait Chantant. Photographies, son et lumière. 100x140x25cm

"Quand j’avais 8 ans, ma poupée préférée a brûlé lors d’un incendie à la maison. Mes parents m’ont consolée en promettant de m’acheter pour la remplacer une nouvelle poupée, beaucoup plus belle et en parfaite condition. Ils m’ont même affirmé que la mienne était déjà trop vielle et usée et que, finalement, ce n’était pas une grande perte." VERNISSAGE le 13 mai 2006

Complément d'information

Cela S'Apelle L'Aurore

Cela s’appelle l’aurore

Le magasin de jouets en chair et en os ! L’anglais parle de flesh et de blood. Lorsque je vois ces diptyques photographiques, qu’en est-il de la chair, du sang, des os, de la peau, du corps ?
N’y a-t-il plus désormais dans notre société que la vision externe d’un corps modélisé, corps-pour-autrui qui passe progressivement de Barbie en bimbo ? Enfant copieur d’un côté du diptyque, poupée archétype de l’autre, comment les distinguer ? Les deux ont un regard vide qui ne me regarde pas mais m’invite à le regarder.
La poupée n’est plus cette effigie de chiffon que nous avons remplie jadis de nos rêves et de nos cauchemars, de nos idéaux et de nos faces obscures, mais une contrefaçon miniature de la femme-objet de fascination et de convoitise, dont la séduction fait vendre.
Objet support de projection, mais qui donc projette sur lui, c’est-à-dire jette en avant, préfigure, anticipe, montre le chemin obligé de la poupée réduite à n’être qu’une pépée ? L’enfant doit-il se conformer à une identification programmée, l’adulte se prendre au piège de sa libido inavouable ?
Mais Julianne passe par là. Elle a vécu à 18 ans la mutation d’une jeune fille d’une petite ville d’Australie en mannequin élue « Australia’s Face of ’85 », concours de beauté qui la propulse dans un autre univers de pub et de magazines en Amérique et en Europe. « Quand on t’appelle pour ta plastique, on ne te demande pas ce que tu as à dire », se rappelle-t-elle.
Alors peu à peu elle conquiert une place active d’artiste, elle devient auteure de photos de mode et de publicité, puis plasticienne qui reprend les poupées pour, en légitime défense, les faire passer de leur innocence massacrée à la contre-violence, armes à la main (Armed Response).
Dans un ensemble intitulé Expired, elle démonte la logique implicite de l’après-Barbie : devenir une poupée gonflable vivante pour la consommation des hommes. Elle déforme, dégonfle, comprime sous vide des poupées dont elle trace la destinée entre deux dates, celle où elles ont été manufacturées, celle où elles ont été perdues, abandonnées, abîmées, échangées, mutilées. Mais ces figurines sous paquet plastique, malgré son titre, ne constituent pas un cimetière, elle leur apporte la Rose de la vie, ou plutôt de la survie. Car il s’agit de résurrection : ces jouets figés, elle les malmène pour qu’ils se réveillent, que produits marchands ils se transforment en propositions artistiques. Au contraire du mannequin qui fond dans le four de Archibald de la Cruz et qui hante Julianne comme tout l’oeuvre de Buñuel, elle ne les fait pas disparaître, leur épreuve s’inscrit dans un rite initiatique qui ne sacrifie plus à l’esthétique mais révèle la puissance de la re-création symbolique. Le vide se dévoile une vacuité ouverte aux identités possibles.
L’autoportrait donne une clé de la démarche, c’est Julianne elle-même, mannequin vivant transformée en mannequin apparemment inerte. Mais cette parole qu’on a d’abord déniée au premier, elle la reprend ironiquement dans le second en détournant la rengaine de Gloria Gaynor qui dit « I will survive ». On croit qu’on peut, en branchant la pile ou en la débranchant, le (la) soumettre à nos commandes, mais écoutons bien, elle nous dit que quoi qu’on fasse, elle survivra à jamais. Le terme will ne fait pas que marquer le temps du futur, il signifie aussi comme substantif la volonté, et même le testament, cet écrit qui abolit la mort en transmettant le vif des désirs de celui qu’on croyait disparu. Surtout elle revendique le I, le je Sujet du verbe, l’affirmation du créateur qui refuse d’être manipulé, réduit à des identifications qu’on fait pour lui, résultat d’une fabrication qui lui échappe, acheteur passif.
La nuit de l’esprit n’est pas encore venue, la marchandise n’a pas encore envahi totalement notre espace et notre temps, l’être humain résiste, nous ne renonçons pas à être les héros homériques de nos existences recouvrées, voici grâce à Julianne que point, que s’épanouit, qu’éclot pour nous tous « l’aurore aux doigts de Rose »
Bunuel a repris l’expression de Giraudoux pour titre d’un de ses films. Je citerai ce passage d’Electre qui entrouvre à l’espoir un monde en perdition:
« - Comment cela s’appelle-t-il, quand le jour se lève, comme aujourd’hui, et que tout est gâché, que tout est saccagé, et que l’air pourtant se respire, et qu’on a tout perdu, que la ville brûle, que les innocents s’entretuent, mais que les coupables agonisent, dans un coin du jour qui se lève ?
- Cela a un très beau nom, femme Narsès, cela s’appelle l’aurore. »

Jean-Pierre Klein
directeur de publication de la revue Art et Thérapie

Accès mobilité réduite

Oui

Adresse

Galerie 13 Jeannette Mariani 139 rue d'Alésia 75014 Paris 14 France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022