/// JE N’AI PLUS PEUR DE TOI /// Edi Dubien

Exposition
Arts plastiques
Galerie de la Voûte Paris 12

Le corps en construction anime l’excitation du nouveau corps en pleine transformation. Magnifier le corps comme un trésor, mais ne jamais avoir été l’autre corps, l’autre, le solitaire, l’autre, le battu à cause de l’autre, l’autre qui pourtant n’était pas lui. Renaître enfin à nouveau avec les autres. Une nouvelle croissance, l’innombrable lego du corps, s’attache et se détache de l’autre. Désir instinctif. Détruire l’autre à coup de défense, naissance d’un fantôme qui se construit en beauté réelle et futuriste, un nouveau monde, enfin avec le désir. La naissance d’un homme débarquant du futur, reconstruit de douleur et de cristal dans son laboratoire du passé. Fragile comme un animal, insoumis aux ordres et à l’autre qui ne souhaite s’ouvrir au futur. Se protéger ainsi de ses détracteurs et laisser place à l’autre qui l’aimera de toute sa modernité. L’artiste se cache et se montre, prouvant l’équilibre d’un paradoxe épanouissant en se fondant à l’autre d’un coup de baguette magique (en toute liberté). Edi décodifie les règles de la fatalité morale et nous transporte dans son monde ultra moderne, conte de rêve et de cauchemar. Un monde solitaire, parsemé d’un long chemin de cruauté. L’artiste les a dans la mémoire mais aujourd’hui il n’a plus peur d’eux. Edi renaît. Débarrassé de son passé incompris, fragile, solitaire, une chaise en attente ou alors pour l’autre, l’autre qu’il attend, l’autre depuis toujours, celui qui le protégeait quand il se cachait pour ne plus se trouver face à leur haine. Ses fantômes, les seuls bienveillants le faisaient réapparaitre dans le reflet de la mare bleu. Ce bleu confondu, transporte le corps, de celui qui s’en va et fait réapparaître l’autre. Couleur pastel, inverser les cieux pour tromper les codes. Transformer le monde. Etre là. Défier les règles de toute son évidence Attendre encore, mais pour mieux revivre, renaitre encore une autre fois, tout en étant l’autre, celui qui disparaît et laisse place à l’autre, l’autre qui s’échappe dans la mémoire, celui qui souffrait, disparaît peu à peu, celui qui subissait, le refoulement et la frustration de celui qui le persécutait. Edi tout en cristal. Ne plus avoir peur de l’autre. L’enfance, sa vie s’étire de lucidité en lucidité et le rendra encore plus libre que les autres, ceux qui ont essayé de le mettre à terre pour l’empêcher de renaitre à nouveau avec ses grandes ailes, déployant sa liberté au dessus d’un monde fermé à tout épanouissement de l’être humain en évolution, celle qui nous rend libre.

Il n’est pas indifférent que Edi Dominique Dubien, qui affirme avec force être « dans chacune de mes œuvres » ait repris La Chambre à Arles (la troisième version, celle qui se trouve au musée d’Orsay) dont on sait qu’elle constitue peut-être un autoportrait « en creux » de Van Gogh. Le peintre solitaire se serait allégorisé dans une pauvre chaise, dramatiquement présente dans cet extraordinaire jeu de couleurs complémentaires. Or Dubien a traité La Chambre en noir et blanc, seul le lit conservant sa célèbre tonalité jaune, et a ajouté à droite une robe sobrement dessinée en quasi transparence, partiellement bleue. On ne peut pas ne pas rapprocher ce tableau de 2012 d’un autre, réalisé l’année précédente sous le titre Cendrillon. Or on ne voit pas la malheureuse créature de Perrault, mais un Pinocchio à l’air triste menacé par une pluie de chaises, revêtu de la même robe bleue. Nous ne doutons pas qu’il s’agisse ici d’un subtil autoportrait par celui qui a écrit : « Ni les coups, ni la culpabilité que se traîne chaque enfant maltraité ne m’a empêché de créer et de faire ma transition, peut-être plus difficilement que d’autres. »

Edi Dominique Dubien n’a évidemment pas la prétention de se comparer à Van Gogh, mais tout se passe, dans l’ensemble de sa peinture où dominent les autoportraits, comme s’il avait compris que lui aussi pratique une écriture picturale de l’extrême, mettant au bord du vide le tracé des rapports du sujet à son absolu, à cette Chose inaccessible dont il arrache quelques signes. Dubien peint sa vie, non exempte de terribles souffrances comme celle de Van Gogh, il la peint non pas pour raconter mais pour se manifester, pour littéralement s’écrire comme sujet, et s’écrivant, apprendre à s’effacer et faire face à l’œuvre venant se placer entre lui et la Chose qu’il poursuit. Dans Baiser doux, son autoportrait de profil approche ses lèvres d’un crâne mortuaire : que ce tableau apparemment morbide ne nous conduise surtout pas à confondre l’effort pictural de Dubien avec on ne sait quelle expérience masochiste.

Simplement, comprenons que la puissance rare de ces peintures vient d’un « vouloir faire l’œuvre » s’apparentant à un « vouloir montrer sa détresse » qui effectivement se situe, comme chez Michaux ou Artaud par exemple, au bord d’un déséquilibre.
Au bord seulement. Car il y a l’art, qui le sauve. Mais plus intensément que d’autres, parce qu’il a plus souffert que d’autres ( « J’ai trop connu le refus parce que j’étais différent »), Edi Dominique Dubien rejoint dans sa démarche ce que Freud disait de la Mélancolie : toute création plonge l’artiste dans un état de « dépendance du Moi » dont la sublimation et la création sont les produits les plus évidents de la transformation d’une pulsion en quelque chose dont on pourra dire : c’est beau, c’est fort.

Oui, belle et forte apparaît l’œuvre d’Edi Dominique Dubien. « Mais à quel prix » murmurera l’amateur capable de lire les messages que l’artiste adresse au monde, comme des bouteilles à la mer. Les autoportraits du peintre dans son enfance ou tel qu’il se voit aujourd’hui s’additionnent selon des Suites évolutives, se multiplient dans une sorte de hâte angoissée. Comment ne pas revenir au Van Gogh acharné dans son entreprise forcenée de peindre encore et toujours : « Je cherche à saisir le passage désespérément rapide des choses dans la vie… » Là, décidément, se trouve l’une des clefs essentielles de la création plastique d’Edi Dominique Dubien qui nous déconcerte autant qu’elle nous attire.

http://www.visuelimage.com/verso/index.php

The painter of his own life.

It is not insignificant that Edi Dominique Dubien, who forcefully asserts to be « in each of my works » has taken Bedroom in Arles (the third version, located at the Musée d’Orsay) considered as perhaps Van Gogh’s self-portrait “in blank”.  The allegory of the solitary painter is the poor chair, dramatically presented in an extraordinary play of complementary colors.  Here Dubien renders the bedroom in black and white, only the single bed retains its famous yellow tone, and added on the right is a dress, soberly drawn and almost transparent, painted partially blue.  This painting from 2012 should be compared to ‘Cinderella’, painted the previous year.  This time however instead of the unfortunate creature Perrault, we find a sad looking Pinocchio, wearing the same blue dress, threatened by a shower of chairs.  There’s no doubt this is a subtle self-portrait.

Edi Dominique Dubien does not pretend to compare himself to Van Gogh, clearly, although everything occurring throughout the whole body of his work, where self-portraits prevail, is as if he understands that he too practices a form of pictorial writing in the extreme, that takes the relationship of subject to absolute to the limits of its inaccessibleness, and from which he can merely tear off a few signs.  Dubien paints his life not exempt from terrible suffering as that of Van Gogh and not to ‘tell’ his story but to ‘manifest’ it, literally, as its ‘subject’ so through the work he learns to delete, or at least to confront, that which comes between him and the ‘self’ he pursues. In Soft Kiss, his profiled self-portrait approaches the lips of a death skull: that this apparently morbid picture especially does not lead us to confuse the pictorial effort of Dubien with whatever kind of masochistic experience.

Simply put, we should understand the rare potency of his painting comes from ‘a need to make work’, akin to ‘a need to show its distress’, which in fact just as it did for Michaux or Artaud for instance, lies at the edge of instability; although only at the edge, because art saves him.  Edi Dominique Dubien’s approach corresponds to what Freud said of melancholy: all creation plunges the artist into a state of ‘dependency of the Me’ among which sublimation and creativity are the most obvious products of an impulse transformed into something of which we can say: it’s beautiful, it’s strong.

Yes, the work of Edi Dominique Dubien appears beautiful and strong, « but at what cost? » murmurs the amateur capable of reading the messages the artist speaks to the world, like bottles to the sea.   The self-portraits of the artist, as a child or as he is today, belonging to his Evolution Series, add up and multiply in a sort of anxious haste.  We come back again inevitably to Van Gogh’s perseverance in his maniacal pursuit: to paint forever and always.

« I seek to capture the rapidly shifting elements of life … »

Herein lies the key essential to any interpretation of Edi Dominique Dubien’s work; work that is as disconcerting as it is attractive.

Horaires

14h15 - 19h00, fermé mercredi et dimanche

Adresse

Galerie de la Voûte 42, rue de la Voûte 75012 Paris 12 France

Comment s'y rendre

M° Porte de Vincennes
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022