Intérieurs

Dépasser la surface pour accéder à la profondeur, c’est ce que semble nous dire la nudité et ce à quoi nous engage la photographie. Intérieurs est une série d’autoportraits qui interroge le corps et la photographie en tant qu’« espaces du dedans ». Ces photographies ont été prises dans plusieurs maisons. Pour établir une résonance entre la photographie et son référent, entre ces espaces intérieurs limités par des murs et ces espaces intérieurs limités par des cadres. Pour renforcer ce ressenti éprouvé par l’esprit, celui d’être enfermé à l’intérieur d’un corps, d’habiter un corps comme on habite une maison. Ensuite, parce que la maison, comme le corps, sont des lieux de l’intime, des représentations de ce qui nous anime intrinsèquement, des images de notre « intérieur ». Pour traduire cette dualité vécue par le corps, celle du dedans et du dehors ; dualité incarnée par la maison qui fait figure d’espace clos, de lieu du caché mais aussi d’espace ouvert sur l’extérieur, de lieu par lequel nous advient le monde. Enfin, pour se confronter à ce « je [qui] est un autre ». Ouvertures, passages, seuils, coins et recoins, orifices, fenêtres, parois ou encore vêtements et revêtements … corps, maison et photographie sont autant de lieux de coïncidence, de rencontre et d’affrontement entre ouvert et fermé, entre centre et périphérie, entre intérieur et extérieur. Le corps cherche sa place dans l’espace, cherche le lieu acceptable, et il n’est pas sans renvoyer au mental. Cette déambulation dans tous ses intérieurs rappelle l’errance que chaque être peut essuyer lorsqu’il est au cœur de lui-même, en quête d’identité. Ici, la maison, le corps (et la photographie) deviennent tout à la fois ce que nous avons et ce que nous sommes, ce qui se voit dans un espace et ce qui se vit dans un temps. Tous trois se transforment en lieu de récit personnel. Ils prennent une autre dimension, deviennent territoires de fiction, étendues infinies de jeux, lieux de l’expression poétique … Par la confrontation à l’autre, à ses intérieurs, ils se déterminent, parlent du genre, le féminin, se jouent de leurs cadres, explorent une nouvelle « poétique de l’espace », proposent un regard différent sur ce qu’ils donnent à voir, offrent une vision plus intérieure. Les formes et les contenus -la photographie et le corps du photographe-, sont ici interrogés en tant qu’espaces, écritures et langages propres. Le genre qu’est l’autoportrait y est questionné notamment dans sa problématique première qui serait de révéler l’identité profonde d’un individu. Intérieurs, de manière consciente et systématique, interroge le statut du corps et de la photographie dans leurs relations à la mise en scène et au vivant. L’introspection est-elle bien réelle ? Le corps et l’identité sont-ils figés dans des poses ou donnent-ils à voir ce qu’ils sont ? Un jeu s’établit alors entre réalité et fiction.