HYPOTHESES

finissage
Exposition
Arts plastiques
La Couleuvre Saint-Ouen

Avec Hélène Launois, Jean-Claude Mattrat, Bernard Moninot, Laurence Nicola, Mark Sheinkman, Jay Shinn, Chia-Wen Tsai

Une hypothèse est une proposition ou une explication que l'on se contente d'énoncer sans prendre position sur son caractère véridique, c'est-à-dire sans l'affirmer ou la nier. Il s'agit donc d'une simple supposition, une conjoncture appartenant au domaine du possible ou du probable. Une fois énoncée, une hypothèse peut être étudiée, confrontée, utilisée, discutée ou traitée de toute autre façon jugée nécessaire, par exemple dans le cadre d'une démarche expérimentale.  

Cette manière d’envisager un travail artistique me semble le fondement de la recherche dans le champ de la création contemporaine.

Les artistes réunis pour cette exposition font partie de ceux qui questionnent le monde en s’appuyant sur leur doutes, interrogeant autant ce qui les entoure que l’infiniment grand ou l’infiniment petit. 

Bernard Moninot regarde vers les étoiles. Des étoiles, il en trouve parmi des fossiles ayant plus de 180 millions d’années (des Pentacrines). Elles lui servent à construire une cosmologie rêvée. Son grand dessin, Décalage vers le rouge, nous invite à envisager la notion d’infini. Bernard Moninot nous propose une vision de l’infini, une hypothèse de ce que cela pourrait être.

Chia-Wen Tsai est une artiste née à Taiwan vivant à Montreuil. L’œuvre qu‘elle propose à la Couleuvre nous réjouit tant par la modestie des moyens employés que par la magie du résultat donné à voir. Dans la vapeur d’eau d’une casserole d’eau bouillante nait, se transforme, meurt, une multitude de petites images en 3D, comme autant de mondes possibles.

Jay Shinn est venu de Dallas pour installer Horizon rotation à la Couleuvre. La pratique de Jay Shinn est complexe et demande beaucoup de rigueur. Jay Shinn peint sur le mur ou sur des panneaux de bois des motifs que deux projecteurs lui indiquent. La pièce terminée, les projecteurs restent branchés. Il se passe alors une drôle de chose pour celui qui regarde. Est-on en présence d’une projection, d’une peinture ? Plus on regarde, plus l’objet pictural semble singulier. C’est au spectateur de formuler des hypothèses.

Jean-Claude Mattrat fait des livres. Depuis des années, c’est sa principale activité. Chaque mois, un nouveau livre vient enrichir une bibliographie déjà fort développée. Les motifs se retrouvent, se modifient, évoluent au gré des pages et des ouvrages. Il y a peu de mots dans l’univers des livres de Jean-Claude Mattrat. On en trouve dans les titres, évocateurs ou semeurs de trouble, et dans une phrase récurrente, que l’on retrouve dans tous les livres, sans exception : Ce livre est. L’artiste organise son travail par année. Ainsi naissent des séries de 12 livres formant un ensemble, un projet. Parfois, l’artiste crée une table pour les réunir tous. Ce sont deux tables, de 2008 et de 2010, qui sont montrées ici. Dans la livrerie, on pourra découvrir les livres de 2015, jamais exposés auparavant.

Les images ainsi construites puis déconstruites jouent avec les codes de représentation. Elles n’appartiennent à aucun en particulier. Ce qui est énoncé pour Jean-Claude Mattrat est vrai pour la plupart des artistes présents dans cette exposition. Chacun utilise des images, des représentations abstraites, pour faire et défaire des constructions mentales.

Mark Sheinkman est un artiste américain vivant à New York. Il est connu pour ses dessins qui s’apparentent autant à l’art abstrait qu’à des images scientifiques ou à des phénomènes physiques. Outre une série de neuf dessins, il a proposé de montrer à la Couleuvre trois vidéos très récentes. Les vidéos sont courtes (une minute) et les images sont en boucle. Les phénomènes physiques (l’eau qui bouge, l’encre qui se mêle à un liquide), créent des phénomènes visuels. Comme pour certains autres artistes présents dans l’exposition, on ne sait pas vraiment ce que l’on regarde.

On aura peut-être vu l’exposition impressionnante d’Hélène Launois à la galerie Jean-Collet à Vitry-sur-Seine en septembre dernier. La pièce qu’elle nous propose ici se nomme Hypothèse transfusionnelle. On se trouve au cœur du dispositif. On ne sait pas si l’on est en face d’un élément organique, pris dans une machine infernale, ou dans le laboratoire de recherche d’un vieux savant. Les hypothèses sont mises en abîme.

En regardant la dernière installation de Laurence Nicola, on se demande si elle passe ses journées à arpenter les côtes escarpées du bord de mer de Bretagne près de l’endroit où elle habite. La plupart sont réalisées dans son atelier mais elle ne nie pas récolter des coquillages et autres merveilles qu’elle trie et organise avec sa petite fille sur le sable des plages. On ne sait pas ce que Laurence Nicola cherche. On est face à une errance, une dérive. Les morceaux de palettes empilées ont la fragilité d’une hypothèse. L’artiste nous invite à nous promener à notre tour au milieu des ruines de son propre monde.

J’envisage cette exposition comme une expérience, un essai de juxtaposition d’œuvres d’artistes n’ayant jamais exposé ensemble auparavant. Dans ce sens, avec Hypothèses, la Couleuvre peut être vue comme un laboratoire, un plateau pour la création contemporaine. Je suis moi-même artiste et membre de la Couleuvre. Mon travail est exposé régulièrement à la galerie Bernard Jordan à Paris et à Zurich et à la galerie Theodore Art à New York.

Philippe Richard, Paris, décembre 2015

Commissaires d'exposition

Horaires

Vendredi, samedi, dimanche de 15h à 19h

Adresse

La Couleuvre 15 bis rue Parmentier 93400 Saint-Ouen France

Comment s'y rendre

Métro Garibaldi ligne 13 direction Saint-Denis-Université

Dernière mise à jour le 13 octobre 2022