GUY LEMONNIER /CONSERVATOIRE NOMINAL DES ARTS ET METIERS
vue de l'exposition
Le travail de Guy Lemonnier, sculpteur, propose une relation sensible à l’espace et au temps, comme à la mémoire et à l’expérience, plutôt qu’un simple enregistrement successif et objectif du réel. Nourri de l’histoire des savoirs techniques - outils, électricité, écriture -, l’artiste a créé en 1990 le « Conservatoire Nominal des Arts et Métiers » , institution à travers laquelle il classe, répertorie et supervise l’ensemble de son oeuvre, théâtre de machines, cabines laboratoires, stocks de conducteurs, matériels, archives...Il construit ainsi au fil des années une fiction tout à la fois scientifique, alchimique et métaphysique. L’exposition, « Galerie Commune - Galaxie Commode », offrira un panorama de sa pratique artistique depuis ces dix dernières années.
Complément d'information
C’est dans un entrepôt abandonné que Guy Lemonnier a découvert, il y a une dizaine d’années, en importante quantité, les deux résines naturelles qu’il a placées, sous les appellations « résine d’or » et « sang dragon », au coeur d’une fiction tout à la fois scientifique, alchimique et métaphysique, poursuivie d’oeuvre en oeuvre, chacune ajoutant, au sens le plus littéral, une page supplémentaire au récit. C’est une longue histoire, à la complexité toujours croissante de circulations, de transmutations et d’échange, de matière et d’énergie, de générateurs, d’accumulateurs et de filtres, d’opacité et de lumière, où l’électricité est reine (...).
L’univers parallèle que construit l’artiste est essentiellement bipolaire, les deux substances matricielles régnant sur le visible et l’invisible (l’ultraviolet pour l’une, l’infrarouge pour l’autre), aussi bien que sur les péchés et les vertus. Dans ce monde comme dans le nôtre, et de façon guère plus arbitraire, tout un appareillage est mobilisé pour procéder aux observations, mesures, expériences, calculs, contrôles et enregistrements nécessaires à la bonne gestion des flux énergétiques. Aussi le Conservatoire Nominal des arts et Métiers, sis à Darnétal, près de Rouen, déploie-t-il, à l’instar de son (presque) homonyme parisien, son théâtre, ses machines, ses armoires, ses cabinets laboratoires, ses stocks de conducteurs ou de bidons destinés au conditionnement domestique des résines, ses archives. Dans ce ventre du Nautilus, la récupération est partout, mais les objets entretenus et restaurés, conservent un aspect neuf et fonctionnel, leur modernité fût-elle d’un autre âge. L’imprimerie, en particulier, retrace toute une histoire, des imprimantes à alcool jusqu’aux ordinateurs, et produit sans relâche des fiches, des notices et des modes d’emplois illustrés d’émouvants tirages sur papier ozalid, rouge pour sang-dragon et bleu pour résine d’or. (...)
Extrait du texte de Colette Garraud
in Paraître, le journal de l’école régionale des Beaux-Arts de Rouen, n°2, mars 2004