Graphisme en France : la commande

Par Hugues Leroy

Définitions

Sans le commanditaire et sans l’usager, le graphiste n’a pas de raison d’être. Le graphisme opère dans un cadre déterminé par les intentions de l’un et les perceptions de l’autre.
L’interaction de ces trois pôles, leurs contraintes, leurs attentes ouvertes ou implicites, la façon dont ils influent chacun sur la réalisation graphique tissent un réseau complexe de causalités
et de dépendances, de sympathies et de conflits. Le commanditaire des secteurs public et privé — chef d’entreprise, directeur de communication, adjoint culturel, directeur de cabinet, responsable d’association, etc. — est source de la demande. Il est aussi motivé qu’impliqué par ses enjeux.
Porte-parole d’une association, d’un établissement, d’une entreprise, il doit composer avec de multiples contraintes (esthétiques, économiques, politiques, fonctionnelles, hiérarchiques,...) conditionnant le regard qu’il porte sur les images dont il a besoin.
Pour lui répondre, il y a le graphiste. Détenteur d’une compétence technique, mais aussi d’un savoir artistique, celui-ci est chargé d’apporter une réponse singulière à un problème
particulier. “Généraliste de la forme visuelle, le graphiste dessine à dessein (dans le cadre d’une commande) les différents éléments graphiques d’un processus de communication.” [fn]Définition proposée par les graphistes présents aux États généraux de
la culture, Paris, juin 1987.[/fn]
Enfin, le destinataire, bien qu’il reste souvent absent des discussions, va modeler en creux l’orientation qui détermine la réalisation de la commande. Que sait-il, qu’ignore-t-il, que
ressent-il au fond ? Ces questions cruciales devront être débattues.
Dans ce schéma tripartite, la commande articule les rapports entre les deux premiers acteurs à l’intention du troisième. La commande n’est pas un simple “préliminaire” à l’acte graphique. Ce terme recouvre l’analyse d’un besoin, la formulation d’une proposition, l’élaboration d’un projet graphique, sa négociation, son exécution et son suivi. C’est un espace et un temps de médiation qui demande à être construit pour que la réalisation graphique émerge, donnant forme aux intentions de l’un grâce à la formation professionnelle et à la sensibilité de l’autre.

État des lieux

En France, et c’est une bonne nouvelle, la demande est en hausse, stimulée par le retour de la croissance économique, le souci montant de la représentativité, l’apparition de nouveaux
supports. Les attentes des secteurs public et privé, autrefois divergentes,
se sont reportées sur des territoires plus proches.
L’institution, en quête d’une légitimité durement concurrencée par le modèle libéral, s’engage dans une défense énergique de sa visibilité, se cherchant de nouveaux alliés dans les agences de publicité ou de communication. Inversement, dans le secteur privé, l’heure est à la différenciation. L’entreprise aspire à une éthique, à une communication plus personnalisée et se tourne volontiers vers les ateliers de design graphique et les graphistes indépendants. Le graphisme se retrouve au carrefour de ces fantasmes croisés. Il en découle une diversification sensible de la demande, mais cette perméabilité des frontières est aussi porteuse d’une confusion des signes qui complique la mission du graphiste tout en la rendant plus impérieuse. Face aux brouillages, la question du sens se pose plus que jamais. La culture graphique qui a longtemps fait défaut à la France
a fini par prendre racine. Les efforts pédagogiques des précurseurs ont été relayés par l’implication de la commande publique et prolongés par l’explosion de l’informatique. L’ordinateur a remodelé profondément l’offre et la demande ; bien que son utilisation massive menace parfois certains savoir-faire indispensables, le bilan de la mutation paraît positif. D’une part, elle aura permis de diffuser, auprès du plus large public, la notion même d’expression graphique ; d’autre part, en ouvrant de nouvelles possibilités techniques, elle aura conduit la profession à un réexamen fécond de ses bases. Sous l’influence conjointe de ces phénomènes, la France voit émerger aujourd’hui une génération de graphistes disposant d’une solide formation. Ils trouvent en face d’eux des commanditaires toujours plus nombreux qui manifestent, dans leurs attentes et leur désir d’images, une conscience plus aiguë des enjeux plastiques.

Malentendus

Cependant, à mesure que la culture graphique se diffuse plus largement, et malgré des exemples de collaborations fructueuses, un fossé s’est creusé entre le monde des graphistes
et celui des commanditaires. Comment expliquer cet éloignement ? En premier lieu, si
la motivation des commanditaires existe, leur appréhension des besoins, des matériaux, des méthodologies, du sens même du graphisme demeure approximative. L’explosion de la demande graphique a entraîné une multiplication d’interlocuteurs qui, la plupart du temps, n’ont pas été préparés aux relations professionnelles de ce type. Les écoles de commerce ou d’administration ne dispensent pas de formation spécifique aux arts visuels (hormis en communication
publicitaire, domaine dont les perspectives sont autres). Il existe, à cet égard, de réelles carences. Les commanditaires en sont souvent réduits à se former par leurs propres moyens. Ces lacunes deviennent préoccupantes dans un contexte de fascination pour les images. Passer commande n’est pas une chose facile : actuellement les problèmes de la collaboration reflètent les ambiguïtés d’une culture de l’image et des signes qui s’est diffusée jusqu’ici sous la forme d’un inconscient, non comme une pratique raisonnée. Notre société se complaît à entretenir la confusion des signes : elle s’obstine à les considérer comme des choses et non comme des systèmes de représentation. Ou bien on sous-investit les images (elles mentent vaguement, n’informent pas, ne nous affectent pas), ou bien on les sur-investit (on finit par les confondre avec ce qu’elles représentent).
Producteurs de signes, les graphistes subissent eux-mêmes à travers la commande les effets de cette fascination générale. À côté de demandes réfléchies et clairement articulées, ils rencontrent
des intentions plus troubles. Ainsi, un travers cosmétique de la demande cantonne le graphiste à un rôle faussement neutre d’exécutant, le chargeant de donner un habillage “sympathique” à un sens déjà constitué, qui n’aurait au fond pas besoin de lui. Inversement, un travers ontologique le somme de restituer, dans l’espace de la représentation, toute l’identité d’un groupe qui reste en fait anonyme ; ou encore, de fédérer, sous une charte ou un logotype, un ensemble de services qui n’a jamais eu d’unité, une corporation minée par les rivalités… Pourtant il existe un processus concret de représentation — qui n’a rien de neutre ni de magique — où le graphiste exerce son activité. Seule une juste appréciation de ce processus garantit à chacun le plaisir et la liberté dans sa lecture de l’image. Un graphisme heureux et utile ne saurait s’épanouir dans un contexte de dissimulation.

Logiques

La commande articule deux logiques indispensables : l’une quantitative, l’autre qualitative. Le graphiste et le commanditaire s’impliquent différemment dans chacunes de ces deux
perspectives. Celles-ci divergent profondément, tant par les objets qu’elles pensent que par la façon dont elles les organisent. La logique quantitative s’énonce en termes économiques, identifiant des valeurs mesurables (coûts, délais) et les organisant en rapport de pondération. La logique qualitative, au contraire, s’énonce en termes esthétiques. Elle identifie des éléments porteurs de sens et les organise en rapports d’intensité. L’aboutissement de la commande, la réalisation d’un projet ou programme graphique est le résultat de la médiation entre ces deux logiques. Il s’agit d’établir une reconnaissance mutuelle, d’évaluer avec réalisme les rôles et les responsabilités de chacun. Dans l’idéal, chacune des parties devient porteuse des objectifs de l’autre. Lorsque les malentendus surgissent dans le cadre de la commande, ils touchent à cet équilibre nécessaire. Ni leur formation ni le rapport de notre société aux images ne prédisposent
les interlocuteurs des graphistes à être attentifs aux arguments plastiques. Par méconnaissance, la logique gestionnaire peut prendre le pas sur les enjeux qualitatifs. Le choix de l’option la moins coûteuse, la recherche du consensus, l’oubli du temps nécessaire de la conception illustrent
cette prééminence d’un raisonnement économique qui finit par tourner à vide. Les graphistes le savent bien, nombre de commanditaires seront plus rassurés par trois maquettes conçues à la hâte que par une seule proposition mûrement élaborée. Trop souvent, le temps de la conception est un “temps mort” qui s’inscrit mal dans les plannings. On ne s’étonnera donc pas qu’il se trouve systématiquement oublié par des contrats mal ficelés. On ne saurait pourtant comparer un graphiste à une banque d’images préfabriquées. Sur ce point, le graphisme pâtit sans doute du fétichisme d’une société industrielle qui consacre la plus grande part de ses ressources à diffuser de plus en plus vite des contenus indifférenciés. Une certaine demande, aveuglée par la puissance apparente de l’ordinateur, confond le graphiste avec ses outils. Elle se contente de communiquer une liste de contraintes matérielles : la taille, le texte, les “couleurs à proscrire” ; elle réduit les délais à leurs limites théoriques, c’est-à-dire celles de la chaîne graphique. Il arrive même qu’une fois la maquette achevée, on demande au graphiste de l’expédier par e-mail, pour lui adresser ensuite les “corrections” par fax. Gain de temps, économie de déplacements, projet cadré : selon ces critères économiques, la démarche peut se justifier. Pourtant il faut savoir qu’elle n’est pas satisfaisante. Il existe — point parfois négligé — une responsabilité plastique dans la mission du commanditaire. Il doit s’interroger sur la nature de l’image, comment elle fait sens, ce qui nourrit sa conception. Sinon il peut se trouver en situation d’abdiquer son rôle d’interlocuteur, ne se bornant plus qu’à gérer les aspects quantifiables de la collaboration : tarifs, délais, contraintes gestionnaires. Cette abdication trahit le sens même de la commande et ne saurait satisfaire personne. Pour les mêmes raisons, le graphiste doit assumer une responsabilité
pédagogique, faire partager la nature concrète de son métier, ses ressources, sa méthodologie, ses objectifs. La réalisation d’une commande réclame à la fois du temps et des matériaux. Impliquer le graphiste dans sa demande, prendre le temps d’exposer clairement son projet, le justifier, faire visiter l’organisation concernée, lui donner le temps et les moyens d’y répondre sont des conditions nécessaires au bon déroulement de la commande.

La face cachée de la commande

Tout au long de leur collaboration, graphiste et commanditaire expriment des besoins et des contraintes. En deçà de cette dimension objective, chacun agit en fonction d’enjeux plus subjectifs. Le commanditaire doit composer souvent avec des déterminations hiérarchiques plus ou moins officieuses. Quel est le rapport des forces en présence ? Qu’est-ce qui est au fond souhaité ? En fin de compte, qui décide ? Quand elle implique un trop grand nombre de décisionnaires, voire un ultime décisionnaire occulte, la commande rencontre des blocages parfois insolubles qui trahissent souvent une réticence implicite de l’organisation demandeuse. À mesure que la commande dérivera, les interlocuteurs se multiplieront, reculant d’autant la possibilité d’un aboutissement.
Ces mobiles, lorsqu’ils ne sont pas formulés, dessinent une “face cachée” de la commande qui s’avère non moins déterminante que ses contraintes clairement exprimées. S’il prend en compte les objectifs de la commande, le graphiste les utilise aussi comme son terrain propre d’expérimentation.
Chez lui, la subversion (des codes, des formes, de la demande originelle) représente souvent une dynamique créative réelle et efficace, mais parfois difficile à justifier devant un commanditaire. L’opacité de la commande est le principal obstacle à l’émergence d’une solution graphique pertinente. L’un des premiers objets de la commande consiste à mettre au jour sa face cachée, afin de pouvoir l’intégrer. Qu’elle révèle la configuration des pouvoirs, qu’elle la refuse ou qu’elle la taise, l’expression graphique doit se choisir en connaissance de cause. La commande, en donnant à voir, se donne toujours à voir elle-même. L’image est toujours à l’image de la commande.

Responsabilités

La commande apparaît, dans sa complexité, comme un exercice qui prend en compte les données quantitatives et qualitatives, visibles et invisibles, dans une réalisation qui concrétise, en termes plastiques, la solution adéquate. Ce travail exigeant ne peut se limiter à une liste plus ou moins
longue de contraintes formelles, ni être pratiqué par “aller-retour” de maquettes corrigées. Il nécessite un dialogue permanent et ouvert, arbitré par une base de référence commune (un bon de commande, un cahier des charges rigoureux, un contrat clair et précis), où chacun puisse prendre ses responsabilités. Le commanditaire formule sa demande en définissant des objectifs précis. Il assume de faire le choix direct de son graphiste et sait mesurer la nécessité de procéder ou non à une consultation. Il assume aussi le réseau hiérarchique dans lequel il est saisi : il sait le rendre visible et comprend la nécessité de mandater un seul interlocuteur. Surtout, il n’oublie pas qu’il est responsable lui aussi de la réalisation finale. Il sait prendre des risques sur un parti pris plastique et s’engage à le défendre. Le graphiste, de son côté, sait appréhender les enjeux généraux comme les objectifs recherchés de la commande. La finalité de l’image produite, mais aussi les contraintes objectives qui peuvent surgir dans le cadre d’une mission clairement définie sont de véritables questions auxquelles il doit répondre sans les contourner. Il travaille à mieux faire connaître sa réalité professionnelle à son interlocuteur afin de rendre sensibles ses propres besoins et contraintes. Enfin, il sait argumenter ses choix graphiques, articuler la logique interne qui les justifie. En verbalisant son travail, il assume aussi la part d’illogisme de toute proposition créative. L’implication de l’un et de l’autre dans un dialogue constructif, qui tienne compte de toutes les dimensions de la commande, est un droit autant qu’un devoir. À cette seule condition, la collaboration trouvera son équilibre et les malentendus évoqués se dissiperont. Il faut créer et défendre le temps de ce dialogue. Dans un environnement professionnel où chacun subit de façon croissante la pression du raisonnement économique, ce choix n’est pas toujours facile. Pourtant il va de soi que tout le monde y gagnera : les graphistes, les commanditaires, mais aussi les destinataires de la communication, que nous sommes tous. Ainsi, après plusieurs décennies de débats, de manifestations, d’engagement et de désir, le graphisme commence à trouver sa juste place dans notre société : un espace de signification, de plaisir et de liberté, où sera reconnu son rôle d’acteur culturel à part entière.

Le logo, en connaissance de cause

La place que tiennent aujourd’hui dans notre environnement les logotypes, éléments neutres à force d’omniprésence, illustre bien la dérive d’un rapport aux signes qui voudrait les situer à la confluence exacte des territoires politique (les signes d’un pouvoir) et économique (pas de logo, pas de soutien) au mépris de leurs enjeux plastiques. Que le logo soit celui du commanditaire lui-même (une balise personnelle, un “tag” marquant sa présence sur un territoire visuel concurrencé) ou, à l’inverse, qu’il représente un parrain ou une organisation parente (un tribut payé à un autre pouvoir) le logo revêt, aux yeux du commanditaire, une importance cruciale en termes de logique gestionnaire. Dès lors, comme d’autres représentations symboliques chargées d’une forte valeur d’utilité (la monnaie, les timbres,... ), il peut fonctionner sans que son identité graphique soit plus jamais questionnée. Le logo existera en soi, non comme élément d’une construction graphique. Depuis quelques années, les graphistes ont de plus en plus de mal à défendre l’intégrité plastique de leur expression face à cette épidémie de “griffes” économico-politiques. Le point intéressant est que les commanditaires mesurent souvent mal la portée graphique de ce qu’ils réclament. Habituée au compromis, la logique gestionnaire raisonne spontanément en termes de surfaces et de proportions : s’il exige qu’on grossisse de 20% les logos figurant sur la maquette, le commanditaire peut avoir le sentiment de n’altérer l’image que dans une proportion minime. Le logo est tellement chargé d’enjeux non plastiques qu’on en oublie qu’il fait sens aussi en rapport à une composition. Dans ce domaine, il importe particulièrement de rétablir l’équilibre des priorités. Sans quoi le commanditaire risque, à son insu, de sacrifier la pertinence à ses concessions. À la livraison, il sera souvent le premier à déplorer ce “je ne sais quoi” qui s’est perdu par rapport à la proposition initiale.

Choisir un graphiste

Depuis quelque temps, la manie des concours se répand, selon des modalités aussi diverses que leur finalité est mal connue : appels à candidature, appels d’offres “sur performances”, annonces de consultations ouvertes ou restreintes, etc., qui correspondent rarement à leur définition légale et presque jamais à la fonction pour laquelle ils ont été élaborés. Les règlements de passation de la commande ont été codifiés pour les marchés publics [fn]Les marchés publics sont des contrats passés, après mise en concurrence, par les collectivités publiques en vue de la réalisation de travaux, fournitures et services. L’ensemble des conditions qui fixent les obligations concernant des procédures à appliquer et des seuils monétaires à respecter sont réunies dans le Code des marchés publics. L’ensemble de ce document, régulièrement remis à jour par décret, est consultable notamment sur le site www.finances.gouv.fr/reglementation/CMP/code/ [/fn]. Le secteur privé n’a aucune limitation de la sorte. Nombre de commanditaires, tant privés que publics, se sont calqués sur ces usages, croyant peut-être préserver leur liberté de décision et garantir la qualité par le nombre. C’est oublier que ces différentes procédures, adaptées à des situations spécifiques, réclament, pour porter vraiment leurs fruits, un important travail d’éclaircissement et de synthèse de
la part du commanditaire. Le jeu en vaut-il toujours la chandelle ? Une proposition mal informée, mal formulée faute de temps et de moyens, répondant à un appel d’offre lui-même bâclé dans l’urgence est-elle toujours plus éclairante sur une démarche qu’un entretien d’une heure ? La rencontre avec un ou plusieurs graphistes, individuellement ou en équipes, reste, dans la plupart des cas le meilleur moyen — le plus rationnel, le plus révélateur — de juger qui saura le mieux répondre à la demande. Face à cette prolifération d’appels de toutes sortes, on peut souligner que les modalités, pour le graphiste, se résumeront à trois questions : Y-a-t-il ou non mise en concurrence ? Une ébauche préliminaire est-elle exigée ? A-t-on prévu un défraiement pour les candidats non retenus ? Sur ce dernier point, les “concours” sans dédommagement représentent une dérive que refusent de plus en plus les graphistes, et à laquelle les commanditaires recourent de moins en moins. On ne s’en étonnera guère : l’indigence des travaux présentés (comment en irait-il autrement dans de telles conditions ?) n’y égale que l’insuffisance de la demande.
Il faut surtout rappeler que, jusqu’au seuil de 300 000 F (TTC)[fn]En date de janvier 2001.[/fn], le commanditaire public peut passer une
commande dite “de gré à gré”, sans mise en concurrence. Pour toutes les commandes se situant au-dessous de ce seuil, les formes de recrutement restent à la discrétion du commanditaire. Cette discrétion, et son efficience, méritent au moins d’être questionnées : est-ce de la bonne gestion que d’appliquer un dispositif complexe et coûteux, élaboré pour d’importants chantiers graphiques étalés parfois sur des mois entiers, à la réalisation de ses cartes de voeux ?

À propos de méthodologie

Le processus d’une commande peut être découpé en quatre grandes étapes :
– la rédaction du cahier des charges et le choix du graphiste,
– l’établissement d’un devis et l’établissement d’un bon de commande,
– la conception visuelle, la réalisation et la livraison du projet,
– la facturation et le paiement.
Quelques points méritent d’être précisés :
Outre les mentions obligatoires d’identification (nom et adresse du graphiste, immatriculation) et de dates (remise des éléments fournis par le commanditaire, livraison du travail par le graphiste), le devis se doit de mentionner très précisément l’objet du contrat en référence au cahier des charges. Il détaille les étapes de travail et fait figurer le montant des honoraires poste par poste : recherche, mise au point, réalisation technique et suivi de fabrication. Le bon de commande, établi par le commanditaire, est un préliminaire indispensable à la mise en oeuvre du travail. Il reprend les termes exacts et les prix cités dans le devis. Si les deux parties en conviennent, le devis fourni en deux exemplaires, signé (lu et approuvé, daté), peut tenir lieu de bon de commande. La facturation survient à la livraison du travail. Elle prend la forme d’une note d’honoraires ou de droits d’auteurs pour les artistes-auteurs, ou bien d’une facture pour les sociétés. Ces documents, datés, doivent mentionner, outre le détail des étapes du travail et les finalités exigées par le client, les droits d’auteur et leurs frais de cession éventuels : toute commande génère des droits d’auteurs. Ils doivent par ailleurs rappeler le mode et le délai de paiement à dater de la facturation. Le client vérifie la facture et l’acquitte dans le délai convenu.
Les honoraires, en principe, échappent aux habitudes commerciales et sont payables à réception. Certains commanditaires,
par inexpérience, négligent ce point et attendent implicitement une relance pour mettre en oeuvre le règlement. Un suivi minimum de leur facturation est donc recommandé aux graphistes — notamment les artistes-auteurs — afin d’éviter de mauvaises surprises. Deux sites particulièrement utiles peuvent être consultés concernant la méthodologie, les étapes de travail, et d’autres éléments du processus de la commande : www.netga.org site créé par des graphistes d’Aquitaine lors de l’exposition “Expressions-Impressions”, produite par Arc en rêve, centre d’architecture, à Bordeaux en 1998 et le site du Syndicat national des graphistes www.sng.fr qui reprend certains textes de leur publication Guide du graphiste.

Le cahier des charges

Un cahier des charges constitue la référence essentielle pour établir et maintenir une base saine de travail. Ce document, à destination du graphiste, a pour fonction d’expliciter de façon rigoureuse les objectifs et les contraintes de la commande. Il n’a pas vocation à fournir des solutions plastiques, mais il contient les informations nécessaires à la réalisation du projet par le graphiste, permettant à celui-ci de comprendre la nature et l’étendue du travail demandé, de développer une hypothèse, de proposer une méthode de travail, d’établir un devis et un calendrier. Le cahier des charges est réalisé par le commanditaire en relation étroite avec les personnes et les services qui utiliseront le programme graphique afin que, dès l’origine du projet, tous les responsables concernés aient connaissance des informations fournies et des objectifs poursuivis. Une enquête interne est donc nécessaire à son élaboration. Le graphiste, une fois choisi, y apportera toutes les observations utiles à son amélioration.
En fonction de la nature de la mission, le cahier des charges
précise :
– la problématique et les objectifs à atteindre ;
– la nature de l’organisme concerné (son histoire, son activité, ses projets de développement) et le détail des éléments graphiques (papeterie, dépliants, affiches, etc.) utilisés jusqu’à présent ;
– la nature des destinataires ;
– les supports ou projets envisagés ;
– le budget global de la commande (TTC), avec les enveloppes respectives allouées à la conception et à la réalisation ;
– les ressources humaines ou matérielles pouvant être mobilisées par le commanditaire lui-même (personnel, fournitures, prestations techniques) ;
– le calendrier envisagé.
Toute commande procède d’un besoin : le soin apporté à évaluer ce besoin est assez révélateur du regard et de l’intérêt que le commanditaire porte au projet et de son envie réelle de le voir aboutir. Les commanditaires sont à l’image de leur cahier des charges.

Dernière mise à jour le 24 octobre 2019