GLOBAL PRIVACY / TODD NARBEY

Global Privacy.

> Moment technologique total et stratégies de survie.
Le point de basculement où toute tentative de préservation de l‘intimité devient caduque étant aujourd’hui consommé, la question qui s’impose à nous est désormais la stratégie de survie. Et puisque l’ensemble des dispositifs techniques de surveillance et de médiatisation a exclu l’idée même de silence ou du secret, il faut considérer que s’impose à nous une grande équivalence du privé et du public. Compte tenu de la disproportion des potentiels technologiques en présence, toute résistance frontale paraît dérisoire. Ce moment critique étant atteint, resterait donc pour nous le travail de deuil de nos intériorités.

> Subversions organiques.
Pourtant, il semble qu’au coeur du dispositif puisse émerger des tactiles vitales, des subversions qui viennent parasiter la technologie afin d’opérer une sorte de réversion ironique. Puisque le monde devient inhabitable, et que rien ne peut contrevenir au flux de la surveillance, c’est sur d’autres leviers que s’organisera la contre-offensive. Le futur se reconstruit donc dès aujourd’hui dans des duplications de modèles organiques, réconciliant les structures biologiques profondes et primitives avec les technologies numériques. Cette nouvelle alliance déconstruit le déterminisme technique et lui oppose un modèle résolument vitaliste et orienté vers l’occupation féconde de nouvelles territorialités.

> Modèles de combat.
Les alternatives ne manquent pas de proliférer. L’hypothèse de la fuite est une voie possible. Une fuite paradoxale qui entend à la fois prendre distance sans jamais interrompre les communications. On remarque cela quotidiennement avec cette inflation dans la recherche de connectivité, qui s’accompagne généralement d’un grand déficit relationnel.
Une autre voie est celle de la surexposition. Ici la résistance consiste à se laisser surveiller, et à pervertir cette relation en en puisant l’énergie prédatrice. Posture quasi-baroque qui tend à résumer l’énergie vitale par sa surface de médiatisation. Dès lors, l’observé capte la puissance technologique de l’observant, inversant ironiquement la domination du maître et de l’esclave dans un grand moment de jubilation et de lumière.



Stéphane Hugon. Sociologue, chercheur au CeaQ (Centre d’Etudes Sur l’Actuel et le Quotidien)