Exposition de Simone Decker, basic
Simone Decker, "Le Grand Soufflé", 2011, LiFE Saint-Nazaire. Photo Marc Domage
Incursions magiques dans le réel, les œuvres de Simone Decker puisent à la source de l'espace, de la matière et du jeu perceptif. Si l'artiste approche les lieux à l'instinct, ses installations, sculptures ou photographies procèdent pourtant de processus extrêmement rationnels. Trucages optiques, jeux d'échelle et matériaux inédits sont des outils que Simone Decker manie avec dextérité pour modifier les points de vue, piéger les corps et métamorphoser le rapport du spectateur à l'espace. Sur ce double mode, intuitif et analytique, ludique et conceptuel, l'artiste expose au LiFE sa vision singulière de la base des sous-marins, gigantesque monument "noir" de la seconde guerre mondiale. Cette architecture de la démesure que la ville de Saint-Nazaire "digère" peu à peu fait ici l'objet d'une relecture formelle inattendue, physique, métaphorique et … gourmande. Au centre de l'exposition se dresse, tel un mets de choix, une sculpture monumentale que Simone Decker a conçue souple et sensuelle, accessible au public invité à pratiquer, toucher et sentir les formes de l'œuvre. En contrepoint et dialogue avec cette sculpture hors-normes, l'artiste investit la base dans sa "chair" même en comblant certaines fissures du bâtiment. Entre ornementation précieuse et pansement thérapeutique, ces micro-prothèses invitent à la découverte intime de l'architecture, scrutée dans son épaisseur, saisie au plus près d'une vie matériologique autonome. Un temps propre, qui n'est plus celui de l'Histoire mais celui du corps, peut alors advenir : le vieillissement du béton, ses suintements calcaires, ses failles où perce la lumière deviennent autant de révélations nées du geste de l'artiste. Cette dernière file ainsi sa métaphore gourmande, où la base s'envisage comme une gueule - celle d'un monstre ? - suggérant des approches sensorielles inédites. Avec ces productions exceptionnelles, Simone Decker poursuit ainsi son intime questionnement de l'espace, densifie son exploration de la matière et confirme que l'art et sa réception, définitivement, valent comme expériences d'appropriation. Commissariat d’exposition : Sophie Legrandjacques, directrice du Grand Café, centre d’art contemporain de Saint-Nazaire