Exposition Benoît Vollmer - Dépositions

En Catalogne, il n’est pas rare de voir les habitants scruter le ciel d’un œil suspect pour, malgré l’absence de nuages, prédire l’arrivée du mauvais temps. Ce n’est pas la pluie, la grêle où la neige qui sont redoutées, mais le vent, une impitoyable tramontane venue du nord qui semble figer sur place les passants.

Le vent est un élément impalpable, dématérialisé. Celui-ci n’est visible qu’à partir du moment où il rencontre une contrainte physique. C’est cette résistance qui le définit et va lui offrir un contour, une texture.

Dans la définition du territoire, le vent est un critère crucial. Les villages sont abrités par des crêtes, d’élégantes haies de cyprès disciplinent les cultures, rares sont les fenêtres exposées aux vents dominants.

L’habitat et la vie quotidienne s’organisent en fonction du vent. S’il est raisonnable, on s’en accommode au prix d’agencements simples, s’il est trop violent, les lieux inhospitaliers demeurent déserts.

En physique, la déposition désigne le passage d’un état gazeux à un état solide. Dans la série Dépositions, Benoît Vollmer propose une approche en creux du paysage par une expérience similaire : une sédimentation photographique qui donne forme à l’immatériel. En prenant le parti d’une pose longue, le

médium photographique compresse quelques secondes sur la surface du film. Il en résulte une représentation inconnue et pourtant familière, une accumulation faite de strates de temps, de résistances, de mouvement et de couleur.

La photographie devient le lieu d’une métamorphose. Elle imprime avec lenteur les mouvements insaisissables du vent dans les arbres, les compile et propose une expérience de la durée. Elle donne une épaisseur aux variations chromatiques nées du mouvement du vent. Plus que de représenter ce qui a été, elle est l’occasion d’un glissement de l’image photographique vers la sensation, barycentre d’une expérience physique et de sa forme possible.

Benoît Vollmer convoque ici la participation active du spectateur, en faisant à la fois appel à son expérience physique et sa capacité de projection, de transformation d’une image photographique en la perception de son sujet.