Écosystème de l'art pour médium

Résidence de recherche et de création avec Laurent Le Bourhis et Ronald Reyes Sevilla pour DOS MARES

À partir des mots et des formulations qu’une sélection d'artistes emploie pour parler de leur travail, de leur position artistique, de leur démarche et de leur pratique, nous allons établir un protocole d'analyse du discours afin de dégager une représentation plastique de ce qui est dit. Cette série d’images propose ainsi une forme plastique de l’utilisation de l’expression orale dans la médiation d’un travail artistique.

Épistémologies pour médium est un projet de recherche autour des basculements épistémologiques produits de manière médiée, et s’appuyant sur diverses approches théoriques et matérielles. Dans ce projet, l’épistémologie est considérée dans son acception étendue : autant analyse des catégories existantes (sujet, objet, homme, animal, plante…), que manière de catégoriser, méthodes pour aborder une question ou un sujet, voire, manière dont une pensée s’élabore. Quant au médium, celui-ci est entendu comme une situation psychologique et cognitive particulière – le basculement épistémologique. Ainsi, les matériaux de production (lumière, toile, papier, bois, vidéo…) seront considérés comme intercesseurs pour un médium immatériel (comme la perception pour Light and Space, le narcissisme pour l’Art vidéo, la chose mentale pour l’Art conceptuel).

Ce projet a pour point de départ des recherches autour des images composites qui ont croisé des théories du sujet, du non-humain, de l’altérité, de l’image en sciences de l’art et des productions artistiques propres à des basculements épistémologiques. Divers résultats ont déjà été valorisés dans une publication collective, Images et mondes composites, dirigée par Damien Beyrouthy, et peuvent être synthétisés ici : déplacement des notions de figure et de fond de l’image (Citton, Bonamy) ; redistribution des places pour différents éléments ; basculement axiologique ; réinterrogation de l’altérité (Quesada) ; pensée du composite comme rapport au temps particulier (Ruffel) ou lié à l’idée de compost (Haraway), etc. Le présent projet poursuivra l’identification de ce type de productions artistiques et étendra le cadre théorique au-delà des questions et des formes composites. L’appréhension du phénomène se fera par l’étude de textes et de productions artistiques, par des expérimentations et explorations plastiques, aussi bien individuelles que collectives.

On se penchera autant sur l’anthropologie des sciences (Latour), que sur le nouveau matérialisme (Barad, Benett), que sur les pensées indigènes (Escobar, Viveiros De Castro), décoloniales, des minorités (Harney & Motten), féministes (Haraway), que sur l’écologie et l’éthologie (Despret, Coccia, Mancuso & Viola, Uexküll), et ce, en compagnie d’œuvres en art actuel (volume, installations, graphisme, peinture, numérique, vivante, cinématographique, romanesque) qui semblent travailler l’épistémologie de manière plus ou moins directe. Porté par ses approches et pratiques, en expérimentant également, on pourra aborder, par exemple, des ontologies différentes (wet ontology, flat ontology, Liquidity Inc de Steyerl), des catégorisations renouvelées, des mises en relation inédites(The Incredible Shrinking Man de Arne Hendriks), une autre pensée du sujet (Hayles), des appréhensions non anthropocentrées (Altérité végétale de Špela Petrič), des approches transdisciplinaires (Forensic Architecture, sciences du vivant pour l’art, recherche scientifique pour des productions artistiques), des reconfigurations spatiotemporelles s’appuyant sur la physique quantique croisées à d’autres disciplines(Black Quantum Futurism).

L’appréhension de ces phénomènes pourra contribuer au traitement des enjeux majeurs de notre époque (catastrophe écologique, rejet de l’autre, recul de la démocratie…) – notamment en les explorant communément ; à renouveler les espaces de pensée (comme la catégorisation et la logique argumentative) ; à recenser les pratiques artistiques et théoriques cherchant les basculements et déplacements épistémologiques par différents moyens ; voire, déplacer les questions de la recherche en arts – notamment plastiques, mais pas uniquement – entre pratique d’exposition, production écrite et atelier (afin que cela soit également un espace de basculement épistémologique potentiel). Les objectifs principaux du projet sont : le recensement et l’analyse des pratiques artistiques travaillant l’épistémologie ; des productions et expérimentations plastiques du médium épistémologique ; l’exploration épistémologique de la recherche en arts à travers une pluralité de modalités de travail.