dress/stories

Exposition
Arts plastiques
Passerelle Brest

 

Dans son travail photographique, Suzanne Hetzel sonde l’intime et la relation à l’autre.

Longtemps, elle s’est attachée à révéler l’intérieur des habitats des personnes qu’elle rencontrait au gré du hasard et qui acceptaient de l’accueillir. Leurs vêtements, leurs meubles, leur vaisselle, les chaises de leur cuisine ou l’intérieur de leur réfrigérateur ont fait l’objet de photographies « silencieuses » qui oscillent entre la nature morte et le plan cinématographique.

 

Si l’objet est le sujet récurrent de ses photographies, il n’est pas pour autant fétichisé par le cliché.

L’artiste envisage les effets personnels des gens qu’elle photographie plutôt comme des vecteurs de gestes personnels et comme le questionnement de la complexité de la personnalité, du rapport à son image.

 

« Le regard des hommes sur les objets avec lesquels ils vivent et leur pouvoir de représentation est l’axe central de mes travaux artistiques. L’objet ne m’intéresse pas pour lui-même ni pour sa textualité ou sa forme et encore moins pour sa valeur symbolique. Je le photographie parce qu’il est lié à un geste d’Homme. L’objet placé à tel ou tel endroit est pour moi issu d’un geste qui n’est pas lié à une évidence s‘expliquant et s’analysant d’une manière simple. Je vois en ce geste l’existence d’un espace vital qui ne relève pas seulement d’un besoin de confort, d’une recherche d’affirmation sociale ou de l’expression du goût. Avec leur air posé et bien ordonné sans autre intention apparente que d’être là, les objets ordinaires sont, à mes yeux, une marque discrète d’un territoire extraordinaire de l’Homme[1]. »

 

Cette approche de la sphère personnelle de l’individu, qui est presque d’ordre ethnologique, est fondée sur un dialogue entre l’artiste et ses hôtes, dans lequel le temps passé ensemble compte autant que celui de la prise de vue.

Suzanne Hetzel propose un usage de la photographie sur un mode collectif d'échange d'expérience et d'expression. Un processus de négociation se met en place pour préparer et définir les conditions de la participation de chacune des personnes photographiées. Qu'est-ce qui m'appartient et qu'est-ce que je suis prêt à montrer ? Quelle image donne-t-on de soi ?

 

 

 

contact, 2005-2007

Dans cette série, les personnes photographiées donnent à voir un objet, une chose ou un geste, associé, par une relation privilégiée, à une partie de leur corps. Elles choisissent ce qu’elles veulent donner à voir d’elle, par fragment.

 

Nu avec objets choisis, 1998

Cette autre série se compose de grands portraits, en noir et blanc, de personnes nues, vues de profil, accompagnées d’objets familiers, personnels, choisis par elles-mêmes. Le nombre de ces objets peut varier suivant les désirs de la personne. Il peut n’en y avoir qu’un ou plusieurs. Ces objets sont le reflet de ce que la personne veut montrer d’elle et de la façon dont elle souhaite se représenter aux yeux des autres, à travers le regard de l’artiste.

 

Pièce unique, 2006

Des photographies collées directement sur le mur forment ces triptyques de grand format qui s’inscrivent dans l’architecture même du lieu d’exposition. Ici, l’artiste propose une construction composée d’une robe modèle unique, d’objets décoratifs et d’un vidéogramme du film en noir et blanc Gertrud de Carl Theodor Dreyer[2] qui raconte la quête du bonheur idéal. Le montage des images propose ainsi la mise en récit, la création d’une fiction, dont il appartient à chacun de se raconter.

 

femme/robe, 2000-2002

Les diptyques qui composent cette série donnent à voir une femme dans un geste quotidien, celui du matin devant le miroir de sa salle de bains, et d’une tenue vestimentaire qui va « habiller » cette femme. Suzanne Hetzel a demandé à chacune d’elles de choisir un vêtement qui leur plaît, dans lequel elles se sentent bien. Le geste du matin est comme un acte de préparation, avant de se revêtir et d’aller à la rencontre de l’autre.

 

 

 

le pharmacien, 2009

le couturier, 2009

Ces œuvres, issues d’une résidence de l’artiste à Château-Chinon, propose un regard croisé entre les collections du musée du Septennat[3] et du musée du Costume et privilégie la relation entre les habitants et leurs musées. Suzanne Hetzel photographie des personnes, vêtues d’habits ordinaires dans une mise en scène théâtrale, agrémentée d’objets provenant des réserves du musée du Septennat. Pour la prise de vue, une salle du musée a été transformée en studio dans lequel les personnes composent de simples saynètes et dont les objets constituent le décor. Les photographies de cette série se réfèrent intrinsèquement à l’histoire de l’art, et notamment à la peinture italienne des XIVe et XVe siècle ou à la peinture flamande.

 

paysage, 2009

Associées aux œuvres le pharmacien et le couturier, les paysages, pour Suzanne Hetzel, sont liés à la représentation de notre quotidien. Il en est une partie intégrante : du bol de lait sur la table de la cuisine jusqu’au fleuve loin derrière la fenêtre. Sa photographie reste attachée aux personnes qui font le paysage. Tel un tapis brodé, elle couvre les murs des salles d’exposition, toujours en présence d’un acteur qui, à l’occasion, devient spectateur. Par la photographie, Suzanne Hetzel propose une lecture du territoire où paysage, hommes et Histoire ne font qu’un.

 

fragments, 2012

Dans cette récente série, Suzanne Hetzel photographie des fragments de sculptures antiques, prises à Arles, en se souciant de certaines parties du corps visibles et jouant sur le fragment ornemental des motifs qui rappellent ceux des tissus et des imprimés. Ces photographies ont été réalisées suivant une technique photographique spécifique appelée le procédé Fresson, un tirage au charbon.

 

 

 

Le travail photographique de Suzanne Hetzel se situe près des êtres et forme un recueil de fragments dont le prétexte est subjectif, c’est-à-dire toujours motivé par une rencontre. Il se situe dans ce vaste territoire où se manifeste (du lat. manifestus, de manus, main) quelque chose du Soi, et se place pour montrer de quoi sont faits nos liens avec les lieux et les objets dans notre environnement proche.

 

En cela on peut dire que Suzanne Hetzel pratique une photographie « active » : un travail qui tend plutôt vers une expérience cristallisée par la prise de vue et qui questionne la représentation de la réalité comme quelque chose d’ordinaire tout en étant complexe. Sa position réfute l’idée qui donnerait un statut secondaire aux lieux, aux choses et aux actes ordinaires d’une existence sur laquelle il lui semble que les hommes ont encore leur mot à dire.

Ce point de vue l’entraîne à signer son passage à l’endroit des habitudes où s’agencent objets, architectures, chemins, corps et visages. Autant de matières qui construisent une petite part de cette singularité ayant trait à chacun.


[1] Entretien de Suzanne Hetzel avec Célia Charvet, in Chaque chose a sa place, le 19, Centre régional d’art contemporain, Montbéliard, 2004

[2] film danois, 1964

[3] Le Musée du Septennat abrite les cadeaux officiels ou personnels reçus par le Président de la République François Mitterrand dans le cadre de ses fonctions et données par lui au département de la Nièvre

Tarifs :

3€ / gratuit pour les adhérents

Artistes

Horaires

le mardi de 14h à 20h et du mercredi au samedi de 14h à 18h30 fermé les dimanches, lundis et jours fériés

Adresse

Passerelle 41 rue Charles Berthelot 29200 Brest France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022