Douce errance

exposition de Pierre-Yves Hélou
Exposition
Arts plastiques
galerie RDV Nantes
Le chantier est un espace ressource dans lequel Pierre-­Yves Hélou puise la plupart des éléments enrichissant régulièrement sa base de données formelles : pierres et cailloux ; béton, ciment, mortier, sable ; contreplaqué, aggloméré, mélaminé, OSB ; poutre, tasseau, sciure, miettes ; bande armée, adhésifs variés et papiers divers ; plâtre, brique, éponge, mousse, métal, fer à béton, tôle, polystyrène, Formica, carrelage, peinture, enduit, laine de verre, goudron, carton, aluminium, etc. Cette liste -volontairement désorganisée et loin d’être exhaustive– pointe le fait que ces récoltes ne se bornent pas à des matériaux spécifiques. En matiériste romantique, Pierre-­Yves s’accorde le temps de l’observation de chaque fragment prélevé, dans une double quête : la trace de l’accident, pratiquement toujours présente, donnant à la matière sa nature imparfaite ; et le moment où il détermine l’aptitude de chacun de ces corps accidentés à créer de la géométrie –car c’est bien elle le premier amour de Pierre-­Yves. En  1981, dans son texte « Géométrie iconoclaste et géométrie accidentée»1, François Morellet déplorait avec ironie l’impossibilité de représenter la géométrie, avant de donner ses propres solutions permettant de pallier cette lacune. Aujourd’hui, Pierre-­Yves répond à cette problématique à sa manière, se faisant le chantre du «presque-­rien» 2. Pour une part, sa photographie capte, in situ, l’instantanéité d’un récit géométrique sur le chantier en cours ; d’autre part, il récupère les rebuts et autres débris privés d’ouvrage final. Il les emmène dans son atelier, où ils seront archivés à la manière de pièces détachées, ou bien en tas, prêts à l’emploi.  Son atelier est sa cabane, où il joue à construire, déconstruire, reconstruire. Il prend les fragments glanés, les observe, les caresse. Puis il les superpose, les oppose, les assemble. Le tout selon un mode de présentation basé sur l’aléatoire de l’équilibre. Les matières, au-­delà de faire œuvre, éprouvent chacune  leurs propres lois objectives par confrontations successives. En parallèle des édifications, Pierre-­Yves scénographie ses petits bouts de chaos, organisant des espaces, à la fois ruines et micropaysages. La fragilité de l’équilibre se manifeste une fois de plus dans ces propositions où le point de vue gagne en importance, tandis que les rapports d’échelles interagissent et s’abolissent tour à tour.  Mais l’atelier reste un lieu d’expérimentations  successives, où les suggestions d’assemblages tissent une série de solutions combinatoires. Le véritable modus operandi se dessine au cœur de l’espace d’exposition. Devenant colporteur de son propre musée, c’est à ce moment-là qu’un grand nombre de choix incombe à l’artiste. Les contraintes–lumières changeantes, public mouvant, murs immobiles, etc.–  déplacent les expériences funambules dans l’espace-temps particulier qu’est le montage de l’exposition. De  ces micro/macrocosmes, un motif récurrent se dégage : le portrait d’un paysage. Fait de courbes et de contre-courbes, il dessine les cimes de montagnes sans orgueil, « un ailleurs paradoxalement contenu dans l’ici » 3. Omniprésent, ce  paysage se décline de manières diverses. Pierre-Yves poursuit sa vie comme  progresse sa pratique artistique, en équilibre sur la fine pointe de l’instant. Son regard fixe ce modeste rêve d’évasion, lequel s’étire à l’horizontale. Dans  une stabilité toujours précaire, il garde le cap, soumettant sa sensibilité aux embûches du temps, lorsque « le temps déborde »4.   «Importe  la route », 2013, en haut du mont Lozère.   La photographie s’impose, magistrale. Du chantier, il n’a apporté  qu’une bâche «légère et facile à transporter dans un sac à dos »5. À cette économie de matière, il   adjoint  son propre corps, assumant le glissement de sa rhétorique plastique vers un postulat performatif. Les outils sont alors  empruntés au contexte, le temps d’une série d’actions où cohabitent sérieux et dérision. Sur l’une  des   photographies, il apparaît turgescent, en prise directe avec la matière. Totalement encapé de cette fameuse bâche  polyéthylène, il oppose sa stabilité à la force du  vent.  En voyant cette œuvre pour la première fois, j’ai tout de suite pensé au Balzac d’Auguste Rodin décrit  par Rosalind Krauss, dans son ouvrage PassagesUne histoire de la sculpture de Rodin à Smithson 6. Quelques 115 années après la réalisation de cette sculpture, Pierre-­Yves Hélou nous propose un Balzac décapité. L’acte de détermination, la volonté du sujet représenté s’appréhendent non plus par l’élévation de notre regard mais bien par son cheminement horizontal, d’une photo à l’autre. De dos ou en marche, comme un manifestant qui aurait perdu son cortège, il  promène son drapeau/bâche translucide comme un objet de revendication poétique et burlesque. Pierre-­Yves affirme –ou  plutôt  réaffirme– son «être» artiste aujourd’hui.  Plus tard,  la  bâche  quitte  le  corps.  Elle  se  retrouve  alors  progressivement  livrée  à  elle-même, finalement soumise au vent.  L’étoffe  s’envole  comme  un  linceul qu’on  abandonne. Dans le silence de la contemplation, il  me vient alors l’envie de me projeter dans ce paysage vallonné pour y chanter crescendo et à pleins poumons C’est  extra  7.  Pierre-­Yves  Hélou poursuit sa route, parfois douce et parfois rance. Braconnier du rebut, flibustier des chantiers, il n’oublie jamais de rapporter un caillou, souvenir de voyage qui viendra augmenter son butin caché.  Enfin, il exploite et assume le nouveau tournant s’offrant à sa pratique artistique : la performance et les autoportraits happening. Le corps en chantier.   Hélène Cheguillaume  Octobre  2014    1 François  Morellet,  Mais  comment  taire  mes  commentaires,  coll.  «Écrits  d’artistes  »,  École  nationale supérieure des  Beaux-­Arts,  Paris,  1999,  réédition  en  2003. 2 Vladimir  Jankélévitch,  Le  Je-­ne-­sais-­quoi  et  le  Presque-­rien,  Éditions  du  Seuil,  Paris,  1981. 3 Pierre-­Yves  Hélou,  2013.                                                                                                     4 Paul  Éluard,  1947. 5 Pierre-­Yves  Hélou,  2013. 6 Rosalind  Krauss,  Passages.  Une  histoire  de  la  sculpture  de  Rodin  à Smithson,  Éditions  Macula,  1997. 7 Léo  Ferré,  1969. 

Tarifs :

entrée libre

Complément d'information

Visites de groupes sur rendez-vous visite commentée tous les samedis à 16 heures. Contact presse- public Léa Cotart-Blanco contact@galerierdv.com 02.40.69.62.35

Partenaires

Avec le soutien : du Ministère de la Culture et de la Communication, DRAC des Pays de la Loire - du Conseil Régional des Pays de la Loire - du Conseil Général de Loire-Atlantique - de la ville de Nantes

Mécénat

l'agence de communication B-system le restaurant les Chemins d'Alexandre

Horaires

du mercredi au samedi, de 14 heures à 19 heures

Adresse

galerie RDV 16 allée du Commandant Charcot 44000 Nantes France

Comment s'y rendre

face à la gare de Nantes, entrée nord tramway ligne 1 et busway : arrêt Notre Dame, Château des ducs de Bretagne
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022