Didier Trenet

Exposition
Arts plastiques
Interface Dijon

La pratique du dessin chez Didier Trenet est incontestablement liée à une rigueur d’exécution. Se référant à des modèles classiques, elle évolue dans une esthétique XVIIIe qui la classe à la suite d’une longue tradition académique (ses oeuvres aiment convoquer Fragonard, Hubert Robert ou Watteau). Pourtant Didier Trenet n’est pas un artiste rangé, il utilise les codes familiers aux écoles de dessins pour mieux s’extraire des abîmes d’un conformisme pompeux.

Complément d'information

Didier Trenet, « Je donnerais mille vie pour sauver un seul poireau »

La pratique du dessin chez Didier Trenet est
incontestablement liée à une rigueur
d’exécution. Se référant à des modèles
classiques, elle évolue dans une esthétique
XVIIIe qui la classe à la suite d’une longue
tradition académique (ses oeuvres aiment
convoquer Fragonard, Hubert Robert ou
Watteau). Pourtant Didier Trenet n’est pas un
artiste rangé, il utilise les codes familiers aux
écoles de dessins pour mieux s’extraire des
abîmes d’un conformisme pompeux. Son travail
graphique ne se limite pas aux seules esquisses,
il se plait également à jouer de la calligraphie
pour réaliser des oeuvres à l’écrit enlacé, car
comme l’énonce la préface d’un ouvrage
d’apprentissage : « Le dessin, en effet, a tout
particulièrement besoin du concours d’une
écriture à la fois régulière, simple et de bon
goût. »
Si son art renoue avec le « beau geste », c’est
d’une manière ludique et transgressive. Les
cahiers de méthode qui lui servent parfois de
support, avaient pour vocation d’apprendre à
écrire selon les règles bien précises énoncées
par l’art de la calligraphie. Sorte de manuel pour
parfait « écrivain », ils appelaient à la discipline
et à l’assiduité, qualités redoutées par Didier
Trenet plus volontiers tenté par l’abandon et
l’oisiveté. Ces cahiers, il les a néanmoins
complétés, proposant ses propres réponses aux
différents exercices imposés : « Application :
chaque élève écrit son nom et l’initiale de son
prénom. ». Réplique en écriture cursive d’un
style graphique enlevé : « Trenet, D, Danseur
de poignet depuis 1985. Quoique souvent repu.
Quoique couramment comblé (...) » .
Impertinence ? A chaque page sa répartie, au
gré des digressions de l’artiste ; des
onomatopées, des poèmes mais principalement
des dessins, des ornements, des végétaux (le
poireau est dressé en motif décoratif), des plis
saillants et parfois d’anachroniques tuyaux.
Didier Trenet tient le rôle du cancre génial dont
on imagine le bulletin scolaire : « Didier pourrait
mieux faire s’il daignait être attentif. Quel
dommage ! ». L’ironie de son propos n’a d’égal
que l’application de ses dessins. L’artiste en fait
trop, ses boucles se perdent dans le plaisir du
geste pour décorer textes et croquis d’entrelacs
distingués. On remarque aisément que Didier
Trenet s’engage dans une forme d’autorité pour
se permettre l’indiscipline. Son art est
paradoxal. Ses croquis fragiles relevés dans ses
petits cahiers d’écolier, s’étalent parfois sur les
murs, acquérant une imposante ampleur comme
ce Ouf (1992) au « o » de lettrine extrait de sa
page pour être agrandi à 7500 %. Ou encore Le
Portail aux révérences (1996) dans lequel deux
colonnes crayonnées occupent la hauteur des
parois du lieu d’exposition et se mêlent à de «
réels » objets (un traversin suspendu, deux
poêles en tutus) pour offrir une déconcertante
installation hybride, sorte d’arc de triomphe
surveillé par des gardes travestis.
L’oeuvre de Didier Trenet s’appuie sur un trio de
pratiques qui se complètent sans se devancer :
l’écriture, le dessin, l’installation. Elles
interagissent ensemble parfois indépendantes,
souvent associées pour offrir une oeuvre
cohérente qui se plait à rester dans la diversité.
Dans un de ses cahiers d’écriture devenu carnet
de bord, Didier Trenet nous livre avec humour
son Manifeste ; il y constate que l’indécision est
un caractère majeur de sa personnalité et par
conséquent de son travail : « Si j’avais été un
bateau, je crois que je n’aurais pu flotter
qu’entre deux eaux. Impossible de me résoudre
à la volonté de prendre une direction sans tout
de suite regretter les autres directions
potentielles ; la vie simple et tranquille du
jardinier, l’ambition, la violence, la nonchalance,
la prétention, l’humilité, une vie de famille, une
vie de moine, la débauche, les sciences, les arts,
créer des concepts, communiquer, dieu sait quoi
encore !... Je dois être encore bien jeune con. » .
Peut-on dire que sa (non) dite jeunesse lui
permet son irrévérence ? En tout cas assurons
qu’il interprète à merveille son personnage de
Candide, ironique et faussement naïf.
Ses dessins s’articulent autour d’un vocabulaire
qui comprend des éléments récurrents comme
les drapés (qui nous rappellent
immanquablement sa série de Serpillières, tissus
fatigués suspendus par deux clous), les blasons,
les colonnes, les tuyaux de poêle... il s’égare
parfois à représenter des personnages dans des
postures plus ou moins explicites (pensons à ses
Assiettes garnies de 1989). Les dispositifs
d’arrosage l’intéressent également, il les croque
et les met en scène dans ses installations.
Equilibre thermostatique des motivations a été
réalisé en 1996 dans le patio du musée
Boymans-van Beuningen de Rotterdam ; ici un
simple tuyau d’arrosage se déroule autour d’un
bassin, reprenant les méandres des parterres de
broderie des jardins à la française. Des plants
de tomates, poireaux et salades ornementent les
bordures donnant à l’oeuvre une réelle valeur
esthétique, à la fois désuète et raffinée .
On le comprend, l’oeuvre dessinée de Didier
Trenet ne va pas sans l’écho que lui renvoient
les autres pratiques, elle s’inscrit dans une
production ouverte qui glisse d’un médium à
l’autre pour revendiquer l’indiscipline (dans tous
les sens du terme) pour le plaisir. Alors comme
ses sculpturaux Jeunes travestis (toujours ces
poêles en tutus) qui dansent en rythme lors d’un
concert unique, laissons nous entraîner par les
cris de l’artiste devenu chanteur et guitariste du
groupe de hard rock The Trenet. Secouons la
tête au son des distorsions reprenant les
chansons devenues saturées de l’homonyme
Charles (« Parce qu’il fallait la faire une fois pour
toutes ! ») et chantons évidemment bien trop
fort : « Ya d’la joie, bonjour bonjour les
hirondelles, Ya d’la joie partout ya d’la joie. ».

Guillaume Mansart

Artistes

Horaires

les mercredi, vendredi et samedi de 15h à 19h, et sur rendez-vous

Adresse

Interface 12 rue Chancelier de l'Hospital 21000 Dijon France
Dernière mise à jour le 2 mars 2020