De Mémoire / Serge Leblon

La seconde exposition personnelle de Serge Leblon à La B.A.N.K s’ouvre sur de grands tirages photographiques. Deux paysages cadrés comme des portes sont présentés en panneaux dès l’entrée de la galerie. Le premier montre un chemin de gazon gras, très bien entretenu, qui semble s’enfoncer dans la forêt, comme si, domptée par l’homme, la nature tentait de s’échapper et de retrouver son état sauvage. L’autre tirage, tout en hauteur également, est divisé en deux. En bas, il y a l’herbe façonnée par les vents, brossée comme une fourrure épaisse par les rafales multidirectionnelles. Au-dessus se tient un ciel blanc-gris, délavé comme si la lumière venait du sol et non plus du ciel. Des paysages encore font face aux deux premiers panneaux : une maison blanche voilée de brume, enfoncée dans un paysage d’aquarelle et une forêt de sapins noirs balafrée d’un chemin d’herbes hautes et sèches. En avançant dans l’espace d’exposition, on découvre un univers plus urbain. Le reflet d’un néon dans un pare-brise, un presse-agrume orange en plastique, une abeille perdue tournoyant autour d’une bouteille d’eau et convoitant des fleurs dans un vase. Ces gros plans font la transition vers une série de personnages dont le regard (quand il y a un regard) est absent. Au sous-sol, deux vidéos ne tranchent que formellement avec le sentiment de solitude des photographies. Dans l’une, deux enfants s’ébattent joyeusement dans la neige au son d’une musique tirée d’un film de Fellini. Ce sont des enfants mannequins qui font semblant de jouer dans un décor factice. Après chaque rire, ils lancent un regard vers un personnage invisible, guettant son approbation. L’autre film, apparemment réalisé pendant un shooting, laisse échapper une musique et des voix. Une femme est assise, prostrée. Soudain un personnage apparaît dans le champ, se dirige vers elle, mais la dépasse pour installer des éléments de décor. L’accessoiriste part, puis repasse, dépose un coussin, puis un autre, sans s’occuper d’elle. La femme semble vouloir attirer l’attention avec son attitude désespérée, mais la mise en scène artificielle laisse planer le doute sur sa sincérité. Peut-être joue-t-elle aussi, peut-être l’accessoiriste feint-il de ne pas la voir.