DANS LES PLAINES D’ASIE CENTRALE - LE BAÏKAL INTERIEUR

Exposition Sylvie Bonnot
Exposition
Photographie
le quai 294M9 / la gare Saint-Maurice-lès-Châteauneuf

S’il est un sujet qui illustre parfaitement la frontière, c’est celui des plaines d’Asie centrale où l’horizon du regard semble encore illimité et se perd dans la nuit de l’absence d’Histoire. Tandis que l’ouest américain s’est refermé sur lui-même, s’ouvrant au tourisme sauvage en été et au repli identitaire pendant les longs hivers, la Sibérie avec ses milliers de kilomètres de steppe, juste traversé par la fracture légère de la ligne de chemin de fer, conserve quelque part le statut de terra incognita malgré les appétits des chasseurs et des investisseurs capitalistes avides de richesses naturelles. Ce territoire muet à la végétation répétitive, en instance d’exploitation, sépare encore dans l’imagination l’occident européen de l’orient.
Et il y a des images, il y a des voyages où souffle encore un imaginaire musical au son rythmé du transsibérien et des airs de Borodine, qui nous transportent comme les mots vers des univers si proches et différents à la fois. Le Baïkal Intérieur de Sylvie Bonnot penchée sur ses pratiques de beauté méditative, nous convie à l’excellence poétique où l’errance débouche sur la forme plastique pendant que l’approche réaliste de Danila Tkachenko dans les steppes de Sibérie nous restitue les restes de l’arsenal guerrier et gelé de la vieille URSS et de la moderne Russie en route, ponctué par des rencontres d’un futur improbable avec ces rebelles hippies oubliés d’un passé survivant.

Le baïkal intérieur

Le travail de Sylvie Bonnot relève de l’expression « bon pied bon oeil », résultante de cette impression spontanée qui surgit à la rencontre de ses images du transsibérien. «Bon oeil» comme ce panoramique qui fleure bon l’inspiration immédiate du photographe, quand l’artiste se délie et s’étire au gré des instants prélevés de Moscou à Vladivostok, avec cette sensation inqualifiable de traverser ce paysage à l’échelle surdimensionnée, plutôt que de le laisser défiler autour d’elle, calmant ainsi ses visions entre le bleu des cieux, les eaux gelées du lac et des rivières aux reflets turquoises, l’ocre des paysages et les visages du train, dans cette ligne paisible de partage à l’horizon qui nous entraîne dans ses émotions voyageuses. L’essentiel y défile donc au gré de sa lente respiration, car Sylvie Bonnot voulait à l’origine du projet ralentir son périple en franchissant la Sibérie avant d’atteindre Tokyo sa destination finale, pour se donner le temps de la méditation visuelle, avec ce remplissage de carnets de dessins, de notes de voyage, et de l’édification future de ce Baïkal intérieur, qu’elle conclurait de retour au pays natal. Mais si le ressenti extérieur est bien de l’ordre du méditatif, le sien rejoint au contraire selon ses termes « ce sentiment d’urgence face à cette immensité qui à peine perçue passe derrière nous, dans ce temps de la prise de vue si intensif, en dépit des fuseaux horaires traversés, piégé qu’il était par l’inquiétude de manquer des instants de cette taïga cachée derrière les rideaux d’arbres ». Elle ajoute : « ... avoir été surtout touchée par la profonde humanité au fil de la distance, des habitants au corps mécanique jusqu’aux isbas les plus modestes qui s’égrainent, éparpillées au long des voies. La rudesse de la vie en Sibérie est accrue du fait du paradoxe persistant qui oppose la simplicité des habitations, confrontée au dénuement des steppes majestueuses et au souvenir lointain de l’opulence des cathédrales et des palais de l’autre coté de l’Oural.»
Ceci expliquant sa volonté de capter des fragments de ces si grands espaces avec un matériel des plus humbles en sachant se faire discrète dans ses déambulations dans les wagons, afin de trouver sa place dans ce quotidien traversant.
Puis munie de son allant « bon pied », « ben plantata » comme disent les Vénitiens, Sylvie Bonnot sur le sol de son atelier retrouvé quelques mois plus tard, réalisera ses sculptures, concrétions échappées et revisitées par l’imaginaire du fleuve Amour, frontière immanquable au fin fond des plaines d’Orient.
Elle déformera donc ses images, réanimera ses carnets, fruits de l’incubation des neuf mille deux cents kilomètres franchis, les prendra à « bras le corps » manipulant et malaxant la gélatine photosensible, chauffée et surchauffée pour lui redonner vie : une autre forme plastique sur un papier distendu dans l’espace, comme dans les miroirs déformants où se reflètent les corps alanguis de Kertesz. Miction trempée dans le révélateur et les bains libérateurs, reconstituée avec sa main , comme le sculpteur aux prises avec la glaise, Sylvie Bonnot a su donner forme et vie à son voyage mental, le restituant dans son espace personnel d’exposition : du mur au sol, des portes au plafond, au contact des étoffes de soie ou des grandes toiles.
-Gilles Verneret-

Complément d'information

Vernissage le 13 septembre à partir de 18h30

Le Bleu du ciel
12, rue des Fantasques 69001 Lyon
T. 04 72 07 84 31
Entrée libre

Commissaires d'exposition

Partenaires

DRAC BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ

Horaires

Ouverture du mercredi au samedi de 14h30 à 19h

Adresse

le quai 294M9 / la gare Le Quai(294M9) la Gare 140 route de la gare 71740 Saint-Maurice-lès-Châteauneuf France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022