DAMIEN CADIO // LA FOLIE HENNEQUIN

Exposition
Arts plastiques
Galerie Eva Hober Paris 08

Damien Cadio

 

Le chaos-monde n’est ni fusion ni confusion : il ne reconnaît pas l’amalgame uniformisé – l’intégration vorace – ni le néant brouillon.

Edouard Glissant – Poétique de la Relation (1990)

 

Damien Cadio travaille à partir d’un atlas d’images récoltées au fil des moteurs de recherche, de lectures et de films. Les sujets de sa peinture sont illimités et imprévisibles. La transfiguration du banal est son matériau de prédilection. Ainsi, nous rencontrons une collection de revolvers, les mains croisées d’une femme, un bouquet de monnaie du pape joliment présenté dans un vase ou encore des médailles rangées dans leur boîte. Les images du réel sont compilées, examinées et filtrées. Le recadrage permet à l’artiste de fixer notre regard sur un détail, un fragment, habituellement invisible et insignifiant. Le « potentiel pictural » est prélevé de son contexte original. La lisibilité, l’histoire et le sens de l’image disparaissent au profit d’une apparition troublante et mutique. Il nous revient d’en imaginer les parties manquantes, de nous projeter et de fantasmer une trame narrative à laquelle l’artiste ne laisse aucune place.

 

L’exposition présente un ensemble inédit en tous points : pensées en série, les huiles sur bois bénéficient de formats plus généreux. Elles résultent d’une relecture de photographies prises par l’artiste. Dans la poursuite d’une constante recherche de « la puissance outrageuse du fait divers », Damien Cadio nous fait entrer dans les chambres royales et aristocrates dotées d’une surenchère décorative. Entre le passé et le présent, le réel et la fiction, la présence et l’absence, les pistes spatio-temporelles sont brouillées. La récurrence du lit du pouvoir intrigue. L’artiste l’envisage comme étant le lieu du « sacrifice de l’intime » au profit de l’Histoire. Si la chambre royale rime avec luxure, courtisanes et bagatelles, elle est aussi le théâtre d’une fabrication du pouvoir et d’une domination des corps. Vus de biais, partiellement visibles, les lits recèlent les secrets de machinations où puissance et jouissance cohabitent. 

 

Au creux des intérieurs où la mise en scène prime, son œil s’attache à une surenchère : velours, rideaux, draps, boiseries et mobiliers. La chaise au bois sculpté et doré se fond avec le drapé des tissages floraux, auxquels les boiseries murales font écho. Ce camouflage ornemental est celui de l’apparat du pouvoir. Pourtant, ici, rien de grandiose, les couleurs sont éteintes, la lumière voilée, les ors assoupis et les tissus figés comme le marbre. L’apparat est ici désenchanté, désacralisé. Le recadrage, la palette sourde et la lumière étouffée engendrent l’évanouissement d’un spectacle. Parce qu’il contourne la narration et la démonstration, Damien Cadio se tient à l’écart du Chaos-monde. Les sujets sont saisis pour leur beauté, leur silence, leur incertitude et leur intemporalité. En ouvrant le monde ordinaire à de nouvelles dimensions, il restitue les bribes d’histoires évanouies. 

 

JULIE CRENN 

Adresse

Galerie Eva Hober 156 boulevard Haussmann 75008 Paris 08 France
Dernière mise à jour le 13 octobre 2022