DAMIEN CABANES

Exposition
Arts plastiques
Galerie Eric Dupont Paris 03

« […] Voir une image de l’atelier de Damien Cabanes, c’est découvrir un chatoiement de nuances : chaque élément se voit accorder une importance égale, est détaillé, rendu charmant par une touche de couleur. […] On pourrait lire les peintures de l’atelier comme une sorte de célébration du grand thème romantique – et surtout réaliste, avec Courbet – de l’atelier du peintre ; mais il n’en est rien : la proximité est plus grande avec Matisse, et l’atelier comme espace d’accumulation déraisonnée des choses ; elles se trouvent là rassemblées pour que l’artiste ait à sa disposition un vaste répertoire de fragments de représentation potentiels. La dynamique qui s’affirme, de représentation de l’atelier en représentation de l’atelier, est celle d’une cartographie et d’un catalogue des choses : elles sont rassemblées pour être comme inventoriées par la transformation picturale. […] Damien Cabanes peint à l’âge de la prolifération des choses. On retrouve ainsi, dans son œuvre, une tendance proche de celle définie par le philosophe Emanuele Coccia dans son ouvrage Le Bien dans les choses : le Bien, le grand « Bien » existe toujours. Il ne s’est pas effondré avec la fin des grands récits, et l’ouverture de ces multiples récits proliférants qui font notre présent ; il s’est transféré dans les choses, et dans leur multiplicité, leur ouverture – leur disponibilité. […]

Il n'y a pas, dans cette œuvre, de spectacularisation de l’objet vers un grand récit. Les objets représentés par Damien Cabanes pourraient ainsi être qualifiés d’objets « mineurs » : ce sont des éléments de la vie quotidienne, qu’il se trouve avoir avec lui, au moment où sa « machine à peindre » se met en marche. Ce peuvent être des objets, mais il peut tout aussi bien s’agir d’êtres humains, voire d’animaux : les vaches, les chiens, qu’il trouve dans un pré, et qu’il représente sur dix mètres de long. On trouve là les motifs les plus courants d’une vie passée entre l’atelier et la campagne : jamais de choix provenant de la grande histoire, jamais de récit ; juste la chose, présente, telle qu’elle a été devant lui. La chose peut paraître « mineure » : elle est en vérité seulement présente. Le peintre est un sismographe des présences qui lui sont offertes. […]

Il est, pour sa part, un peintre du qualunque. Ce concept fut délimité par Giorgio Agamben dans son ouvrage La communauté qui vient comme le critère d’une communauté qui n’est plus fondée que sur le dénominateur commun le plus vague, le moins spécifiant, et donc laissant ouverte la communauté au plus grand nombre. Damien Cabanes intègre tout ce qui est son monde dans sa peinture : celle-ci est comme une assemblée de ses rencontres, où humanité, choses, animalité se rencontrent dans une république des êtres où tout s’intègre, où il n’y a plus de priorité accordée à rien dans la représentation, où tout est disponible pour l’expérimentation formelle, et doit considérer comme du matériel pictural, à part égale. […] ».

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Emanuele Coccia Le Bien dans les choses, Paris, Payot et Rivages, 2013.
Giorgio Agamben, La communauté qui vient, Paris, Seuil, 1991.
Extrait du texte « Le pari de Damien Cabanes », écrit par Donatien Grau à l’occasion de l’exposition de Damien Cabanes à la Fondation Fernet-Branca du 18 mars au 14 mai 2017.

Adresse

Galerie Eric Dupont 138 rue du Temple 75003 Paris 03 France
Dernière mise à jour le 2 mars 2020