Collection Photographie

L'évolution de l'art photographique

La collection est fondée sur un socle historique, particulièrement représentatif des années 1950 aux années 1970, concentré sur la photographie humaniste française, le néo-réalisme italien et le reportage d’auteur. De remarquables ensembles cohérents sont consacrés aux photographes essentiels de cette période, dont Édouard Boubat, Robert Doisneau, William Klein ou Maurice Tabard.

Depuis la fin des années 1980, le Cnap a enregistré avec attention l’évolution exceptionnelle de la photographie en France et sur le plan international, dont la scène allemande avec des œuvres majeures de Bernd et Hilla Becher et de toute l’École de Düsseldorf, de Candida Höfer à Andreas Gursky, mais aussi des autres écoles et scènes allemandes, de Katharina Bosse à Wolfgang Tillmans ou Sven Johne. De même sont présents les photographes essentiels des scènes africaine, de Seydou Keïta, Guy Tillim à Sammy Baloji, russe, de Yuri Kozyrev à Olga Chernysheva, ukrainienne, de Boris Mikhailov à Oleg Kulik, finlandaise, d’Elina Brotherus à Ville Lenkkeri, américaine, de Walker Evans à Robert Adams, et chinoise, de Jian Jiang à Huang Yong Ping.

Image fixe et image en mouvement

La question des politiques de représentation rassemble aujourd’hui tous les médiums de l’image, fixe et en mouvement. Qui plus est, dans le contexte historique de l’obsolescence d’une conception restrictive de la photographie dans sa définition technique et ontologique, il faut aborder aujourd’hui le nouveau paradigme du photographique dans son lien reformulé à la représentation et à l’écriture du réel. Les pratiques artistiques actuelles démontrent la nécessité d’envisager ensemble les différents médiums de l’image, dans leurs capacités conjointes et complémentaires à construire des investigations sur les réalités contemporaines.

Un atelier photographique français

L’un des objectifs du Cnap est de permettre l’écriture d’une histoire du photographique français, au regard de sa richesse et de son importance sur la scène internationale. Bernard Lamarche-Vadel avait proposé dans les années 1980 l’idée d’un « atelier photographique français ».

La scène française dans toutes ses composantes est l’axe fort de la collection. De Sophie Calle, Jean-Luc Moulène, Suzanne Lafont, Jean-Marc Bustamante, Patrick Tosani, Philippe Bazin à Claire Chevrier, Yves Trémorin, Valérie Belin, Philippe Durand, Bruno Serralongue, à Valérie Jouve, Anne-Marie Filaire ou Vincent J. Stoker, les différentes générations d’artistes inscrivant pleinement la photographie comme l’un des enjeux majeurs de la création contemporaine sont représentées. Les étapes de leurs recherches sont ainsi restituées.

La politique d'acquisitions

La politique d’acquisitions du Cnap en matière d’images se construit de manière évolutive, en fonction de l’actualité de l’activité artistique même, dans toute sa diversité. Plusieurs axes de recherche complémentaires sont déployés, auxquels viennent s’adjoindre de nouveaux, déduits de la pratique des artistes. Il s’agit de constituer des ensembles qui puissent être le reflet au plus proche de la création contemporaine, afin de permettre aux partenaires du Cnap, emprunteurs et dépositaires, de concevoir des projets intégrant les œuvres les plus marquantes de notre temps.

Ainsi, au regard des bouleversements technologiques que la pratique de la photographie a connu au tournant du siècle, et que les artistes continuent à expérimenter, un ensemble s’est constitué depuis 2010 autour de la question du « méta-photographique », ou l’enquête sur les anciennes et nouvelles ontologies de la photographie à l'ère d'un changement de paradigme, de l'argentique au numérique. Complémentaire à cet ensemble, celui du « post-photographique », ou la manière dont les artistes se comportent comme de nouveaux iconographes, explorant l’archive immense et infinie léguée par l’histoire de ce médium et amplifiée par sa diffusion sur le réseau internet.

Le lien du photographique à l’histoire et au document a engendré le déploiement d’un ensemble conséquent nommé « Contre-histoires », ou comment proposer à la communauté des regardeurs, depuis le champ de l'activité artistique, et en-dehors du domaine académique ou des canaux médiatiques, une  connaissance alternative sur les conditions de vie qui les rassemblent autour d'une histoire commune et de lieux partagés.

La relation du photographe au lieu, à l’espace et au renouvellement de l’ancienne catégorie classique du paysage est rassemblée dans deux axes d’acquisition : « Images du Tout-Monde », ou comment habiter poétiquement et politiquement le monde, envisagé dans un renversement de perspectives, un décentrement, en s’instruisant des études post-coloniales ; « Schizo-géographies », ou l'inscription par l'espèce humaine de signes culturels, économiques et symboliques dans le paysage.

À cette capacité de l’image de représenter les transformations de nos lieux de vie, vient s’articuler logiquement un souci écologique qui marque notre époque, traduit par l’idée de « Nouvelles écosophies », ou la possibilité de considérer l'artiste comme un écosophe, afin de penser l’articulation éthico-politique entre les trois registres écologiques : l’environnement, les rapports sociaux et la subjectivité humaine.

Enfin, les « micro-histoires », ou modalités de récit de « vies minuscules », qui disent les temps présents et la singularité d’une génération, permettent de régénérer l’approche biographique que le récit photographique autorise.

Différents questionnements qui font de la collection de photographies un ensemble cohérent et représentatif des courants esthétiques qui traversent la création contemporaine.

Un nouvel élan pour la commande

La commande publique photographique s’est considérablement développée ces dernières années. La commande photographique nationale « Les Regards du Grand Paris » instaurée en 2016 en partenariat avec les Ateliers Médicis, invite les auteurs émergents à développer un projet artistique incluant des modes de production innovants. Un horizon de dix années (2016-2026), au rythme d’une commande à six photographes par an au minimum, est retenu pour le développement de ce projet qui participera des nouvelles représentations (urbaines et sociales) du Grand Paris.

De même, dans le cadre de la commande photographique « Réinventer Calais », huit artistes ont été sollicités en 2016 avec l’association PEROU afin de réaliser un projet photographique sur la « jungle » de Calais. Leurs projets ont fait l’objet d’une exposition en 2019 au Centre photographique d’Ile-de-France (CPIF) à Pontault-Combault, dans le cadre de l’événement national « L’Engagement », porté par le Cnap et le réseau Diagonal.

Quelques chiffres

La collection de photographies compte aujourd’hui plus de 12 100 œuvres de près de 1 100 artistes, parmi lesquelles un millier a été acquis avant les années 1980. 3 400 sont issues de la commande publique. Depuis la création en 1981 de la commission d’acquisition de photographies, s'est développée une politique visant à représenter toutes les expressions de la photographie, sur un spectre historique large qui débute avec la modernité. En résulte un éclectisme qui correspond à la volonté d’offrir un reflet de la diversité des pratiques de ce médium essentiel dans l’histoire de l’art contemporain.