Champs de vision

Une sélection d’oeuvres monumentales parmi les acquisitions récentes du Fonds national d’art contemporain. La politique du musée des Beaux-Arts de Rouen en matière d’art contemporain existe depuis le XIXe siècle, tout comme le Fonds national d’art contemporain, sous diverses formes. Ces dernières années, un effort particulier a été fait à Rouen pour intensifier la présence de la création contemporaine, notamment par le biais d’un partenariat régulier avec le Fonds régional d’art contemporain de Haute-Normandie. Le projet Champs de vision, première collaboration à grande échelle entre le musée et le FNAC, permet de franchir un cap, avec la réunion d’un ensemble d’oeuvres très importantes telles que l’institution nationale peut en acquérir. Choisies autour de l’idée d’espace et d’expérimentation sur la vision, ce sont pour la plupart des installations complexes et certaines ont été peu exposées jusqu’à présent. C’est le cas notamment du gigantesque Songline (1998-2000) de l’artiste allemand Franz Ackermann, qui est présentée pour la première fois depuis son acquisition par le FNAC. Comme une peinture sans fin où le spectateur s’infiltre, oeuvre protéiforme dans laquelle miroirs, photographies et vidéo viennent remplir un espace pictural sans repères, cet étrange objet envahit l’espace d’expositions temporaires, où l’on pénètre après avoir déjà connu quelques expériences visuelles saisissantes. Dès le hall d’entrée, une oeuvre de Jorge Pardo invite à traverser le rouge intense d’un petit tunnel concassé. Dans le jardin des sculptures, la lumière joue sur les enjoliveurs ultra brillants des bicyclettes d’Ann Veronica Janssens, laissées à la disposition du public, tandis que la Représentation d’un corps rond (1996-2001) de la même artiste déploie son atmosphère brumeuse, où se dessine un cône de lumière, dans l’espace adjacent de la Galerie. La figure humaine n’est pas absente mais intervient sur un mode décalé : les policiers légèrement miniaturisés de Xavier Veilhan sont répartis dans l’espace, tandis que la Sélection parmi les chefs-d’oeuvre de la sculpture moderne, oeuvre modulable de Richard Fauguet, découpe dans un papier peint sélectionné en fonction du lieu les silhouettes desdits chefsd’oeuvre. Yayoï Kusama, Fireflies on the Water La lumière est un peu l’invitée d’honneur du projet et elle exerce tout particulièrement ses pouvoirs dans le Lichtecke (angle de lumière) de Carsten Holler, les clignotements de la Light Machine de Xavier Veilhan, l’espace magique et démultiplié de l’Infinity Mirror Room (2000) de l’artiste japonaise Yayoï Kusama, ou encore dans la scénographie aussi conviviale que spectaculaire du Prototype de luminaire (2001) conçu par Pierre Huyghe avec Philippe Parreno. Autant de visions qui transfigurent les espaces du musée et nourrissent la réflexion sur la constitution progressive de sa collection d’art contemporain, dans la perspective de créer un véritable département consacré à la création actuelle.