Chambres Sourdes

Deux espaces - deux propositions. Une permière proposition présentant les créations de 8 artistes contemporains (au château) et une seconde autour d'une partie de la collection FMRA du Centre National de l'Edition et de l'Art Imprimé (salle des trophées). 12 h 24 : midi vingt-quatre ou minuit vingt quatre aussi bien… Ce premier indice d’un temps arrêté mais indéterminé plane sur l’Orangerie du Parc de Rentilly. D’autres éléments de ce décor offert par le château portent cette marque du temps – une statue ébréchée, des manteaux de cheminées volatilisés, des miroirs brisés, des toiles de Jouy arrachées. Au rez-de-chaussée comme à l’étage, les chambres se succèdent, elles ont pu conserver leur nom d’origine et rôdent non loin les fantômes de Pauline, Jean-Louis ou Madame. À l’image de la chambre sourde qui étouffe les sons mais où l’expérience du silence censé régner n’est qu’un leurre, les oeuvres présentées dans l’exposition oscillent entre empêchement et surgissement. À une mécanique du temps arrêté fait écho une mécanique des corps d’où émerge une force vitale qui passe par d’autres modes de communication que le langage ; par le souffle, le rire, le cri, par le timbre de la voix sans pour autant faire appel à la parole articulée, au mot. La voix peut alors se faire vecteur entre le corps et la parole. Ces interstices laissés par le langage, ces mécanismes de communication non verbale, apparaissent comme des formes de résistance tout aussi linguistiques que physiques. Effacements de la lettre poussés à l’absurde, sons inarticulés que l’on tenterait de décrypter, tableaux du souffle où se mêlerait présence et mémoire, irruption du vivant… En jouant des éléments du décor comme de la voix, l’exposition nous entraînerait dans un dédale d’oeuvres où dans les interstices laissés par le langage, le vivant tenterait à corps et à cris de se frayer un chemin. Parallèlement à l’exposition présentée au château, un contrepoint historique modeste autour de la poésie sonore conçu à partir de la collection FMRA du Centre National de l’Edition et de l’Art Imprimé (cneai =) est présenté à la salle des trophées. L’exposition réunit une cinquantaine de vinyles et autres livres d’artistes de la collection de cneai = autour de différents mouvements comme le lettrisme (Isidore Isou, Maurice Lemaître), la poésie sonore (Henri Chopin, John Giorno), la poésie concrète (Augusto de Campos, Emmett Williams), l’art conceptuel (Robert Barry, Lawrence Weiner). Qu’ils se soient appuyés sur de nouvelles technologies d’enregistrement ou qu’ils aient développé une triple simultanéité sémantique, sonore et optique, ces artistes ont pour point commun d’avoir tenté de s’affranchir d’une relation exclusive à la page imprimée pour explorer les potentialités de la voix humaine et pousser l’expérience poétique en une expérience physique. Avec notamment des oeuvres de Robert Barry, Günter Brus, Gerhard Rühm, Oswald Wiener, Josè Luis Castillejo, Philippe Cazal, Henri Chopin, Robert Filliou, Terry Fox, John Giorno, Anne Grèzes, Allan Kaprow, Ferdinand Kriwet, Maurice Lemaître, Christian Marclay, Jonas Mekas, Hermann Nitsch, Roman Opalka, Arthur Pétronio, Janek Schaefer, David Shrigley, Michael Snow, Ben Vautier, Lawrence Weiner, Emmett Williams, La Monte Young, Marian Zazeela…