CE MATIN, LE SOLEIL NE S’EST PAS LEVE
Installation-vidéo "Une disparition" de Nino Laisné, avec Roland David
Photographie de tournage. © 2012 Magali Pomier / Chambre 415
Pierre Beloüin, Samuel Buckman, Patrick Dekeyser, Laura Haby, Nino Laisné, Édouard Levé, Claude Lévêque, Virginie Marnat, Julien Prévieux, ViAnri Sala et Tomi Ungerer
Commissaire d’exposition : Alexandre Roccuzzo
Cette exposition est une tentative pour comprendre une certaine trajectoire de l'art contemporain, qui a mis en avant-garde de l'esthétique ce qui doit bien être appelé une série d’actes dépressifs. Actes qui expriment les états de dépression, l'ennui qui l’englobe, l’immobilité, les ruptures communicationnelles, la perte de plaisir, le retrait de la capacité à se souvenir, à se projeter, à rêver, le désir et les fantasmes. Ces traits définissent non seulement les sujets (personnages, individus, artistes, interprètes ou performers) mis en scène dans l'œuvre d’art, mais ils sont également perceptibles dans la structure formelle de l'œuvre - dans le ralentissement, dans l'immobilité, l'opacité et la répétition de l'image, par lesquels une perte du sens du temps et du rapport aux autres englobent la relation entre le spectateur et l’œuvre.
Ces actes représentent aussi bien le sujet de l’œuvre qu’ils anticipent la présence d’un spectateur dont la mémoire, l’attention de perception et les facultés relationnelles seraient possiblement et considérablement dévitalisées. Maladie du monde moderne, la dépression est une condition de l’être contemporain inscrite dans son « moi » le plus profond. La dépression répond ainsi aux besoins de santé, de vitesse, d’ultra connexion, de chance, de beauté, qui sont le lot quotidien de l’individu contemporain, par le dégout de soi, le néant des émotions, le vide psychologique...
La dépression est aujourd’hui la maladie égalitariste par excellence, elle touche tout le monde et à tout âge, toute classes sociales confondues. Le dépressif pourrait bien être la figure type de ce début de siècle croulant sous une société ultra connectée mais plus que jamais individualiste et en plein marasme de la récession. La dépression répondrait ainsi en miroir au « mal du siècle » de la société des Lumières : « L’absence de plaisir du héros stendhalien remplacée, en quelque sorte, par l’absence de sensations de l’antihéros sous Prozac » (1)
Sujet peu abordé - voire tabou - dans l’histoire de l’art (au dépit de sa grande sœur la mélancolie, plus noble et rattachée elle à la période d’or du Romantisme), la dépression alimente et traverse pourtant la création contemporaine dans des registres très divers. Paradigme de l’homme contemporain, elle est un moteur de la créativité des artistes, une catharsis, un exutoire ou un déclencheur de son meilleur compagnon, le mauvais esprit.
(1) Catherine Grenier, Dépression et subversion, les racines de l’avant-garde, Centre Pompidou, Paris, 2004
Tarifs :
entrée libre