Botto & Bruno

Le Quartier de l'enfance
Exposition
Arts plastiques
Le Parvis Ibos

Adolescents se prenant en photo dans l'installation de Botto & Bruno au Parvis centre d'art contemporain Ibos

« Installés dans la banlieue de Turin, Botto & Bruno photographient des bâtiments industriels abandonnés, des immeubles aux façades décrépies, des lieux désertés, des rues dont l’asphalte mal entretenu laisse stagner quelques flaques d’eau et des adolescents esseulés.
Exprimant clairement leur doute sur l’objectivité de l’enregistrement photographique – Botto & Bruno cherchent à opérer une vraie déconstruction de la photographie à travers ses moyens et ses matériaux .
À partir des nombreuses séquences photographiques qu’ils archivent, Botto & Bruno recomposent des périphéries urbaines dont aucune n’est la reproduction d’une banlieue existante. Ils procèdent (sans recours aux procédés numériques) par des montages, des retouches, des juxtapositions, des « surimpressions », des collages qui recréent des lieux fictifs dont la force de persuasion nous porte à les confondre avec une certaine réalité. Leur montage, ensuite agrandi à l’échelle 1/1, tapisse les murs de l’espace d’exposition. »*

* www.mamco.org

Accueillis en repérage au centre d’art d’Ibos, Botto & Bruno s’intéressent à différents quartiers de la ville de Tarbes.
Notamment à celui de Laubadère, un ensemble de tours à étages né dans les années 60, en cours de réfection depuis 2003, ainsi qu’à L’Arsenal, un extraordinaire site industriel datant du XIXe siècle qui accueillait, il y a peu encore, des usines d’armements. Les deux sites ont en commun des vécus très sensibles car chacun, soit par démantèlement ou réhabilitation, se vide de ses populations et activités. Restent deux ensembles architecturaux majeurs, caractéristiques de l’urbanisation et de l’économie de leur époque, en attente de leur prochain devenir.
Le regard que posent Botto & Bruno sur la périphérie urbaine est très différent de celui que nous connaissons habituellement dans les arts.
Des banlieues sombres dépeintes dans le cinéma français par exemple, aux grandes étendues pavillonnaires décrites dans la littérature américaine, chaque pays a raconté à sa façon le changement des paysages urbains qui a accompagné sa mutation économique.
L’Italie, dont l’urbanisme s’est développé différemment, en a tiré sans doute un autre parti.
La création des banlieues fait suite à l’expansion économique de l’après seconde-guerre mondiale.
Que ce soit avec la construction de grands ensembles, la prolifération de bidonvilles ou la création de zones pavillonnaires, l’extension des centres urbains a, en général, produit de graves inégalités sociales et économiques.
En France et en Europe du Nord, le modèle suivi dans l’immédiat après guerre fut la construction de grands ensembles décentralisés, mais en Italie s’est développé un phénomène d’anti-urbanisation prodiguant le retour à la campagne, se recentrant sur la famille, le quartier et la communauté.
Ainsi, à Turin, Naples, Gênes, le mythe de la maison isolée et du tissu pavillonnaire hors de la cité se renforçait, tandis qu’en France l’expansion s’organisait dans la ville, mais le plus loin possible du centre.
Les années 80, qui finirent par marquer en Italie l’abandon de ce développement anarchique pour l’adapter, de façon plus ou moins heureuse d’ailleurs, aux modèles nords européens, donnèrent également jour à l’uniformisation des citées péri urbaines d’Europe.
Reste que l’image de la banlieue revisitée par les artistes «français» et «italiens» a longtemps été différente. Et, pour s’en convaincre, il n’y a qu’à se rappeler combien rares sont ceux qui, parmi les artistes, ont comme Pier Paolo Pasolini érigé la banlieue en modèle et héros positif (cf «Mama Roma»)
Avec quelques décennies d’écart, Botto & Bruno sont en quelque sorte les héritiers de cette relative bienveillance à l’égard de la périphérie. Leur travail ne consiste pas en une réflexion critique sur l’hyper-urbanisation des banlieues, pas plus qu’il en objective la décrépitude : jamais on ne trouve dans leurs images la moindre allusion aux violences dont la presse se fait quotidiennement l’écho, et c’est au contraire souvent avec une impression de grand calme et de sérénité qu’ils nous la restituent.
Désireux avant tout d’en donner une vision pour le moins différente de celle véhiculée par l’usage commun, les artistes en poétisent l’image. Rien d’étonnant donc quand ils affirment que l’art leur permet d’insinuer des doutes sur le cliché très diffusé « que la banlieue est un lieu seulement négatif, sans aucune possibilité de renaissance sociale.»
C’est donc à partir d’une centaine de photographies que Botto & Bruno se sont attelés à la création d’une composition troublante et étrangement contextualisée à l’architecture du centre d’art et à l’urbanisme de la ville dans lequel il s’implante.
Dans le Hall du Parvis, les artistes encollent sur les murs des images aux tailles réelles.
Des portes cochères, des cages d’escaliers prises dans le quartier de Laubadère, des ciels et des trottoirs photographiés en Italie, des façades extraites de leur reportage à L’Arsenal, sont « hybridés » les uns aux autres et jouent avec la structure du lieu, s’appropriant tous les espaces, englobant de façon quasi tautologique les moindres coins et recoins du lieu, les volumes et les hauteurs ou les circulations publiques.
Une photographie de porte cochère par exemple, se place à côté d’une entrée réelle, un arrêt de bus se positionne dans un espace d’attente, des ciels envahissent les cimaises les plus hautes… En somme, tout semble fait pour que les images recomposées se donnent à voir en direct, à l’échelle du lieu et de ses usages.
Alors le Hall, transformé et unifié par les nombreux papiers peints, devient pour le public qui le traverse un espace fictionnel et utopique qui déconcerte tant par sa proximité avec les réalités urbanistiques dont il s’inspire que pour sa capacité à engendrer chez le visiteur une expérience physique forte.
Le traitement des images également « poétise» l’espace.
S’il recourt au medium photographique, le travail de Botto & Bruno s’apparente aussi à la pratique de la peinture. Les façades décrépies et les ciels inquiétants, les terrains de sport abandonnés et les taggs - signes convenus d’une désespérance sociale - migrent par des jeux chromatiques et une impression d’étrange douceur dans une esthétique toute mélancolique. Totalement artificiels, tantôt roses, gris ou oranges, les ciels, par exemple, installent une ambiance inquiétante de « fin du jour », tandis qu’à perte de vue, sous une lumière crépusculaire, s’étend un paysage urbain imaginaire, dominé par les tonalités sombres de terrains vagues bordés d’immeubles inhabités.
Le titre enfin, Le Quartier de l’enfance, s’inspire d’une phrase prélevée sur une des façades des immeubles de Laubadère. Mélancolique, elle témoigne de l’attachement que nous éprouvons tous pour le lieu d’où nous sommes issus et ce quelle que soit la façon dont on le considère objectivement.
Cette annotation, en forme de Haïku, centralise le contenu de l’exposition et conserve la mémoire de la jeunesse de cette cité ainsi «revisitée.»
L’exposition Le Quartier de l’enfance est donc conçue par les artistes comme une source de convivialité, d’échanges possibles avec les visiteurs et les habitants de la ville de Tarbes qui voient pour la première fois leur quartier et leur patrimoine exposés au coeur d’un centre d’art contemporain.

Commissaires d'exposition

Adresse

Le Parvis Centre commercial Méridien - 1er étage Route de Pau 65421 Ibos France
Dernière mise à jour le 2 mars 2020