Close to the night
Galerie Sultana • Paris 03
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Du 18 octobre au 22 novembre, la Galerie Sultana présente « Close to the night », la première exposition personnelle de Louis Le Kim.
On entre dans une peinture de Louis Le Kim sans trop savoir si l’on va pouvoir en sortir. Le dédale est complexe, éclairé par des lumières changeantes, et s’ouvre à une infinité de passages.
Formé à la Villa Arson, son trait donne corps à un imaginaire dystopique et à des paysages lointains que l’on aurait rêvé de découvrir derrière une porte restée close. Il trouve dans ces fragments abandonnés, vidés de toute présence humaine, une puissance symbolique où se croisent l’archétype de la caverne, espace de retrait et de révélation, et des panoramas métaphysiques suspendus entre rêve et silence.
S’inspirant à la fois des traces de l’histoire, des guerres et du temps, Louis Le Kim les transcende et met à l’épreuve les limites de notre regard dans des perspectives déconcertantes. À la Galerie Sultana, ses grands formats atteignent trois mètres de long, offrant un horizon ultra-détaillé de ses visions peut-être prophétiques : des scènes où nous n’avons plus notre place, parfois illuminées par un feu qui semble appeler à l’aide ou un halo ténu qui risque de s’évanouir. Car au coeur de cette obscurité, il y a toujours une issue. Même minuscule, au loin, discrète. Une étincelle finale, fragile mais persistante, qui inscrit ses toiles dans une forme d’optimisme paradoxal.
Ces compositions précises évoquent autant les Prisons imaginaires de Piranèse, labyrinthes où l’espace devient vertige, que les architectures désertées et photographiées par Ursula Schulz-Dornburg, où chaque bâtiment en béton conserve la mémoire d’un régime déchu. De ces rapprochements émerge une expérience ouverte, où le spectateur s’égare, happé par l’intuition d’une voie encore inexplorée. Ses petites créations sur bois offrent, elles, une autre échappée : des rectangles suspendus, totalement abstraits, qui semblent flotter en apesanteur.
Dans la série Bypass, l’image ne se contente pas de montrer, elle trébuche, halète, s’infiltre. Les pas de l’explorateur cognent dans le métal, frottent contre la poussière, résonnent comme un corps aux aguets. L’expédition se déroule sans musique, seulement rythmée par le froissement des poches, le souffle et les claquements sourds.
Filmer devient une traversée physique, une mise en déséquilibre où chaque seuil franchi ouvre un risque. Les murs ne sont plus des contraintes mais des résistances à éprouver. Moins documentaires que symboliques, les vidéos de l’artiste rappellent directement sa peinture : elles rendent tangible un écroulement qui n’est pas une hypothèse mais une réalité déjà à l'oeuvre.
Quelle que soit l’échelle ou le médium, la force du travail de Louis Le Kim réside dans l’ampleur de l’imaginaire projeté. Parcourir une de ses architectures fictives, c’est se perdre avec excitation dans un monde inhospitalier mais étonnamment séduisant, une ruine désolée mais traversée d’un éclat. C’est chercher l’impasse du regard et faire des détours, rester bloqué et s’en délecter.
-Pierre-Antoine Lalande
La Galerie Sultana a bénéficié du soutien à l'exposition du Cnap pour ce projet.